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Lesouvrages en français de Barbara Cartland. À bord du diamant bleu. À jamais conquise. À l'ombre de ton cƓur. À la conquĂȘte de l'amour. À la dĂ©couverte du paradis. À la poursuite d'un rĂȘve. À la recherche de l'amour. À toi pour l'Ă©ternitĂ©. Chantal: Merci Mathilde pour votre accompagnement, vous nous aidez Ă  prendre conscience de notre potentiel, de qui nous sommes, l'ouverture de notre cƓur, notre vrai soi, retrouver l'amour de soi, notre crĂ©ativitĂ©, apprĂ©hender et guĂ©rir nos blessures pour une vie Ă©panouie. Faire un don. Top 10 Meilleurs Site De Rencontre. “La cuLture est une rĂ©sistance Ă  La distraction” /////// PasoLini Un docu-théùtre intime qui mĂȘle textes, photos, vidĂ©o et passe au crible la rĂ©alitĂ© de la sociĂ©tĂ© libanaise. jazz / SpĂ©cial voix p. 40-47 / le musicien congolais lokua Kanza signe un exceptionnel nouvel album empreint d’une grĂące paisible et lumineuse. La Terrasse / 4 avenue de corbĂ©ra 75012 paris / TĂ©l 01 53 02 06 60 / Fax 01 43 44 07 08 / email / prochaine parution le 5 mai 2010 / Directeur de la publication Dan Abitbol LINA SANEH & RABIH MROUÉ PHOTO-ROMANCE théùtre / 13 - 24 avril C ie MPTA / MATHURIN BOLZE DU GOUDRON ET DES PLUMES cirque / 15 - 25 avril 5 acrobates embarquĂ©s sur un agrĂšs hors norme. Une autre vision du monde... le journal de rĂ©fĂ©rence de la vie culturelle 2010 / N° 177 AVRIL ‱ paru le 31 mars 2010 / 18 e saison / 80 000 ex. / / / / Sommaire et abonnement en page 2. © Thomas Aurin. © Jean-Louis Fernandez. théùtre / SelecTion p. 4-24 / Frank castorf revient en France avec Kean ou DĂ©sordre et GĂ©nie. Un spectacle associant la piĂšce d’alexandre Dumas Ă  Hamlet-machine de Heiner MĂŒller. classique / SelecTion p. 31-39 / l’opĂ©ra Dans la colonie pĂ©nitentiaire ou Kafka de philip Glass est mis en scĂšne par Richard Brunel Ă  l’athĂ©nĂ©e. © DR. © Christophe Campana. *** parution juillet 2010 w w w. a v i g n o n - e n - s c e n e s . f r Danse / SelecTion p. 24-30 / Manta, HĂ©la Fattoumi revĂȘt le voile pour s’enfoncer au plus profond des sensations d’un corps en cage. Un acte artistique, une expĂ©rimentation hautement politique. 01 40 03 75 75 2 2 / n°177 / avril 2010 / la terrasPage 6 6 / n°177 / avril 2010 / la terrasPage 10 10 / n°177 / avril 2010 / la terraPage 14 14 / n°177 / avril 2010 / la terraPage 18 18 / n°177 / avril 2010 / la terraPage 22 22 théùtre critiques / N°177 / aPage 26 26 / N°177 / avril 2010 / la terraPage 30 30 / N°177 / avril 2010 / la terraPage 34 34 / N°177 / avril 2010 / la terraPage 38 38 / N°177 / avril 2010 / la terraPage 42 42 / N°177 / avril 2010 / la terraPage 46 46 / N°177 / avril 2010 / la terra Nous embarquons. Je me retrouve assise Ă  cĂŽtĂ© d’une passagĂšre dont on dirait qu’elle agonise. ProfondĂ©ment endormie, elle a le teint d’un spectre, que la lumiĂšre crue dĂ©range. Face au stewart, loin du hublot, nous dĂ©collons mer de nuages, bleu dĂ©sertique le paradis est assez inquiĂ©tant. 9h00 heure locale. PremiĂšres pertes de soi. Je me rĂ©veille, enfin, dans une autre contrĂ©e. J’ouvre pour la premiĂšre fois les guides et cartes qui jalonneront mon sĂ©jour, car il faut dĂ©cider d’un quartier oĂč rĂ©sider. Je prends le temps, accapare un espace aux abords de l’aĂ©roport, trĂšs calme, mais mes papiers s’envolent. Je ne sais comment rejoindre la ville ; mon guide n’est pas trĂšs clair, et au fond il ne sert a rien. Renseignements pris, je finis par attendre un bus. Il fait beau. Ne restent plus du temps d’avant que quelques vagues souvenirs, car dĂ©jĂ  je plonge dans ce bain de soleil Ă©rotique qui embrase les alentours. Lisbonne sensuelle, je t’ai enfin trouvĂ©e ! Premiers mots incompris, premiĂšres phrases indĂ©cises, en portugais. Mais j’apprends que ce peuple est rĂ©putĂ© pour sa gentillesse ; ils me pardonneront. Des Anglais, des Allemands personne encore n’a perdu sa nationalitĂ©, mais dĂ©jĂ  je ne parle plus français, tachant de me fondre parmi la petite foule. Le bus, enfin, nous emmĂšne en plein cƓur, Ă  travers une banlieue exotique, plantĂ©e de palmiers. Je ne sais oĂč descendre, car j’ai finalement dĂ©cidĂ© d’aller au hasard. Alors je glisse de maisons en maisons, de places en avenues larges et feuillues, jusqu’à ce que quelque chose m’arrĂȘte. AbsorbĂ©e par ce que je vois, je m’aperçois tout Ă  coup que j’ai Ă©tĂ© jusqu’au terminus, le Cais do SodrĂ©, c’est-Ă -dire la gare ferroviaire j’ai traversĂ© la ville, assez voyagĂ©, je peux dĂšs Ă  prĂ©sent repartir ! Une jeune femme, me voyant paniquĂ©e, m’offre un plan. Tout n’est pas perdu. FlanquĂ©e de mes bagages, au bord du Tejo, la Mer de Paille, comme on l’appelle ici, le fleuve nourricier qui jadis inspirait tant les poĂštes, et forme comme une mer intĂ©rieure aux reflets verts et jaunes, j’apprĂ©hende la gare dĂ©corĂ©e d’azulejos ces carreaux de faĂŻence colorĂ©s qui dessinent, souvent en bleu, des trompe-l’Ɠil et des motifs gĂ©omĂ©triques, qui vous emporte vers l’ocĂ©an, Ă  qui Lisbonne tourne presque le dos. Je commence Ă  errer, le long des quais en travaux, au hasard sinon vers l’ouest. DĂ©jĂ  Lisbonne m’a engloutie. Couleur de sable, couleur de sang, jamais les murs ne sont criards. Lisbonne, surnommĂ©e la ville blanche et pourtant sa pierre est plutĂŽt ocre, terreuse, ses nuances infinies, un peu sales, mĂȘme. Rien n’est tranchĂ©, mais toujours en suspens, et se dĂ©place en d’infinies nuances que l’on ne peut dĂ©crire, sous un soleil dorĂ© qui rehausse les contrastes. Je pressens quelque chose comme un recommencement qui ne serait pas dĂ©finitif, une nouvelle vie sans absolu, sans illusion, mais la belle illusion de la vie, offerte lĂ , devant moi, qui s’échappe des sensations, indĂ©pendante et magnifique comme une lune qu’on ne saurait attraper. J’atteins ma premiĂšre destination, la Praça do ComĂ©rcio, vide et trop spacieuse, mais pas de taille inhumaine. Elle accueille la lumiĂšre et les voyageurs dans un vrai jaune terrien ; une statue en son centre l’habille, seule. Un marchand de glace improbable - il n’y a personne en ce lieu touristique sans ombre, sous la canicule - attend. Pour ma part je prĂ©fĂšre suivre les voies des trolleys, sĂ»re qu’alors elles me mĂšneront quelque part, lĂ  ou je sais qu’il y a des pensĂŁos, dans le quartier Alfama, quand soudain, rua Bacalhoeiros, un homme me hĂšle et, sans que je lui ai rien demandĂ©, me dit qu’il y en a une lĂ , tout prĂšs ; n° 8 - 1er Ă©tage de la Casa dos Bicos, curieuse bĂątisse dont la façade est couverte de pointes en pierre. Je prĂ©fĂšre, assez fiĂšre, monter au second, oĂč je sais que s’en trouve une autre. Mais la sonnerie est si discrĂšte que je me demande si c’est bien la bonne porte. La logeuse, petite dame Ă  lunettes, a l’allure internationale d’une concierge, et ne parle pas un mot d’anglais, ni de français, ni d’espagnol ; le contact est pourtant passĂ©. Elle insiste pour me demander si je suis seule - j’insiste aussi. Pour moi ce sera la chambre n° 9, une chambre pour deux qui reviendrait moins cher. Quatre nuits prĂ©vues. Je m’installe, me dĂ©fait de la France. Il est temps de me reposer. 15h00. Ai-je dit que la chambre n’avait pas de fenĂȘtres ? Une penderie, dont le miroir est dĂ©formant, un lavabo surplombĂ© par un miroir penchĂ©, une coiffeuse et sa psychĂ© trouble, deux tables de nuit, deux chaises, constitueront tout mon mobilier - plus une tĂ©lĂ©vision, accrochĂ©e au-dessus de la penderie, que je n’avais pas vue de prime abord. Le plafond est d’une hauteur Ă©trange ni assez haut pour y loger une mezzanine, ni assez bas pour satisfaire aux normes. Impossible de se retrouver dans aucun des miroirs ; on ne peut s’y voir en vĂ©ritĂ©. Cela vaut mieux probablement
 AprĂšs une sieste, une douche, j’ausculte les plans. Je suis la voie que je m’étais tracĂ©e. Pour oĂč dĂ©jĂ  ? Je sors. Quartier Baixa. J’opte pour la droite ; tout est fonction de la lumiĂšre, de la rĂ©sistance du sol sous mes pas, des murs recouverts d’azulejos. De larges rues rectilignes dessinent des perspectives inattendues, et recueillent sur le sol pavĂ© l’ombre des immeubles aux balcons forgĂ©s. J’aperçois la silhouette de Bernardo Soares, et celles de toutes les petites gens laborieuses, enfants de l’ombre et de l’ennui au dos courbe, qui glissent sur le sol lisse et tendre de ce quartier calme et bourgeois, et commercent. Je n’ai pas encore mangĂ©, aussi je m’arrĂȘte au restaurant rapide O Brasileira, populaire et vĂ©tuste une touche d’exotisme dans l’exotisme. J’achĂšte un appareil photo jetable, et dĂ©jĂ  j’atteins la Praça Pedro IV, qui me semblait pourtant beaucoup plus lointaine, sur mon plan, lorsque je rĂ©alise que c’est le jour anniversaire de la RĂ©volution des ƒillets. Comment cela a-t-il pu m’échapper ? Nouvel arrĂȘt. Manifestement tout est allĂ© trop vite ; je suis passĂ©e sans rien voir. Les manifestants ont une joyeuse indiffĂ©rence ; ils sont peu nombreux en fait. Peut-ĂȘtre est-ce dĂ©jĂ  fini, et la foule se disperse. Maintenant je remarque les fleurs rouges Ă  la boutonniĂšre, les habits du dimanche que portent les petites filles. Sur la place, un vieux char bariolĂ© Ă  la peinture en bombe, une profusion de fleurs et de slogans pacifiques. Je ne peux m’empĂȘcher de penser Ă  la RĂ©volution Française, qui jamais n’autoriserait ces tags sur un appareil militaire. Mais ici tout est limpide, et il suffit de s’y plonger, sans avoir peur de se noyer au pire, quelque accident de surface accroche nos sensations, et ce sont autant de coquillages pour la pensĂ©e. Je ne sais trop quelle direction prendre, maintenant, sauf celle de revenir en arriĂšre. Allons Ă  l’ouest quartier Socorro, en hauteur. Mais pour sortir du terre-plein il faut aller Ă  l’est - je renonce pour un temps Ă  mes rĂ©flexes parisiens de traverser n’importe ou n’importe quand -. Du coup un bĂątiment Ă  gauche m’intrigue et m’attire, tout en arabesques. Adieu Socorro, j’y entre comme je vois que personne ne surveille, monte les escaliers, sans toujours savoir oĂč je suis, et finis par rejoindre la lumiĂšre - la sortie, de ce qui n’était en fait qu’une gare - autre ville, autre ambiance, qui ressemble un peu aux escaliers de Montmartre, mĂȘme s’ils ne sont pas si raides. Je monte, longeant les librairies d’occasion et les petits hĂŽtels, sur les pavĂ©s envahis de mousse et de petites plantes - avec l’intention d’arriver au point le plus haut - peine perdue. Je m’arrĂȘte Ă  un croisement pour savoir enfin oĂč je suis ; du coup je pars Ă  gauche. Petites ruelles merveilleuses et sordides, le linge pantelant ; les balcons des maisons Ă  deux Ă©tages sont fleuris. Je voudrais prendre des clichĂ©s de ce quartier populaire, mais il faudrait tout photographier, alors je renonce mon souvenir en sera d’autant plus vivant. Je redescends, remonte, me perds dans ce dĂ©dale de rues, jusqu’à dĂ©boucher sur la Praça CamĂ”es, qui me déçoit. J’aurais aimĂ© quelque chose de plus grand, de plus Ă©pique, Ă  la hauteur de cet Ă©crivain national, et je n’y vois qu’un chien, dans l’axe de la statue, qui fixe le sol, tandis qu’un touriste se protĂ©geant les yeux regarde la statue qui elle est tournĂ©e vers le ciel. Le ciel est encadrĂ© de fils. Nouvel arrĂȘt. J’ai dĂ» encore une fois ne rien voir. Je prends une photo ; peut-ĂȘtre sa lumiĂšre m’apparaĂźtra plus tard, et c’est un lieu balise dont on peut sans scrupules capter l’ñme. Une place en contrebas, aprĂšs les deux Ă©glises qui se regardent en face, semble animĂ©e. Je l’ignore, car tout ce temps une musique accompagnĂ©e de voix, crachotĂ©e d’un haut-parleur, m’intrigue. D’oĂč vient-elle ? Je dĂ©cide de ne pas aller voir directement, mais contourne. Du coup je passe devant le Teatro da Trindade - dans son sobre habit pourpre ; je regrette de ne pas avoir de camĂ©ra, Ă  tout le moins d’appareil photo panoramique, quand sur une façade d’un autre théùtre, celui-lĂ  jaune et richement dĂ©corĂ© en trompe-l’Ɠil, je remarque que les symboles de l’air et de la terre ne sont pas accompagnĂ©s du feu
 Je termine de contourner le quartier, atteint la source du vacarme Ă©trange c’est le char de la Praça Pedro IV, seul, immobile, qui proclame des airs et des mots pour moi incomprĂ©hensibles. La musique s’arrĂȘte alors qu’un couple passe Ă  cĂŽtĂ©, qui rend la scĂšne plus irrĂ©elle encore, s’il Ă©tait besoin. InterloquĂ©s, ils poursuivent cependant, comme moi, qui rejoint - comment ? - la place animĂ©e. Je passe entre les tables des cafĂ©s, sans apercevoir la statue assise de Pessoa, car quelque chose me pousse Ă  aller vers la gauche, tout de suite aprĂšs la librairie ce sont des dĂ©bris d’azulejos, des papiers dĂ©chirĂ©s et ternis, rongĂ©s par endroit, d’un livre - Uma princesa -, et des reliques de jouets, petites figurines de soldats Ă  l’épĂ©e levĂ©e, prĂȘts au combat. Il semble que personne n’ait rien vu. Heureuse de mes trouvailles, que je regarde comme des reliques, je repars en descendant, retrouve hĂ©las la France au travers d’une librairie Fnac, entre pour voir la diffĂ©rence aucune, sinon que les titres sont en portugais. Y est projetĂ© un film, que je reconnais vite pour ĂȘtre " CapitĂŁes de Abril ", de Maria de Meideros. 18h30. Je ne comprends pas grand-chose, mais reste fascinĂ©e. C’est un film d’apparence romantique sur la RĂ©volution des Oeillets - je pense Ă  ce que dit Godard des films de guerre - je pense que je ne m’en souviens plus trĂšs bien - seulement que la critique française fĂ»t mauvaise. Je pense que sur le seul mot de RĂ©volution, on ne se comprend dĂ©jĂ  plus ; il n’y eut pas des morts par dizaines, ni de blessĂ©s. C’était une rĂ©volution en douceur. Je pense au pouvoir des images, que l’on comprend sans avoir le sous-titrage
 Le film terminĂ©, j’aimerais avoir l’avis d’un Portugais. Un jeune homme s’approche, je l’accoste. Ce sera Ze, qui tout de suite me prĂ©sentera Ă  Emir, Ăąge d’une soixantaine d’annĂ©es et sociologue, Debora, jeune mĂ©decin lĂ©giste fan de Death Metal, et Miguel, Ă©tudiant, plus timide. Ze est Ă©tudiant en philosophie. Ze ne sait pas regarder sans toucher - lobe de l’oreille, tempes, nuque, mains -. Ses yeux clignent rapidement, il a plein de tics de visage assez curieux, et il m’agace, tandis qu’Emir m’intrigue, avec une plaquette Ă©crite en lettres grecques sous le bras " L’éloignement du monde ". DĂ©jĂ  je fais partie d’une bande trĂšs accueillante. La discussion s’engage, on en dĂ©place lĂ©gĂšrement l’accent - elle portera d’ailleurs sur les accents brĂ©silien et portugais. Les heures passent ; la langueur portugaise me gagne. Nous parlons aussi de l’ñme aprĂšs la mort, si elle existe, et se survit. Debora " Il n’y a pas d’ñme ; quand nous mourons, tout de nous disparaĂźt " ; Emir " Je vis comme en un rĂȘve ; je n’existe pas vraiment, je ne suis rien, je suis une ombre, mais j’ai une Ăąme qui embrasse le monde, ou plutĂŽt, le monde, c’est moi, et quand je mourrai le monde, mon Ăąme, me survivra ". Ze et Miguel restent au bord de la discussion, envahis par la nuit. Malheureusement, ils ne connaissent pas JoĂŁo CĂ©sar Monteiro, et le cafĂ© Snob ne leur dit rien, mais personne ne renonce Ă  les trouver. Éparpillement de mots français, anglais, italiens, espagnols. Lisbonne, ou Olisipo, ainsi nommĂ©e par les Romains en hommage Ă  Ulysse, qui y aurait sĂ©journĂ©, s’accorde parfaitement avec la diversitĂ© des langues et des cultures, les accueillant toutes sans sourciller, au risque de ne mĂȘme pas connaĂźtre un cinĂ©aste national
 23h30. Nous nous quittons, aprĂšs Ă©change d’adresses et rendez-vous pris pour les jours Ă  venir, mais je n’ai pas envie de rentrer tout de suite. J’aimerais Ă©couter du fado, boire du Porto. Je tourne un peu dans le Baixa ; Ă©glise de SĂ© dans l’Alfama, Ă  cĂŽtĂ© de la pensĂŁo. En dĂ©sespoir de cause je rentre
 et m’épuise Ă  jeter ces premiĂšres notes dont je sais d’avance que malgrĂ© leur prĂ©cision, elles restent lacunaires. J’aurais attendu demain cela aurait Ă©tĂ© pire. Je me sens bien, ici. C’est une solitude toute tournĂ©e vers les autres, vers un dialogue naissant et trĂšs ouvert. Peut-ĂȘtre parce que Lisbonne m’échappe, ne se laisse pas cerner, ni figer en mots. Vendredi 26 avril 12h00. Je me suis rĂ©veillĂ©e au son des sirĂšnes de police, fatiguĂ©e de ma longue journĂ©e de la veille, et me prĂ©pare rapidement. Aujourd’hui j’ai dĂ©cide d’aller Ă  proximitĂ© de la pensĂŁo, au Castelo de SĂŁo Jorge, dont on peut apercevoir de loin les crĂ©neaux moyenĂągeux. L’ascension n’est pas trop difficile, et je suis accompagnĂ©e par le chant des oiseaux. Parfois aussi le vent marin siffle dans mes oreilles. Serait-ce une journĂ©e sous le signe de la musique ? Mes pas sont amortis par le sable et les dalles de pierre inĂ©gales qui jalonnent mon chemin. Ici pas de chaussures Ă  talons, ce serait trop dangereux, et pour tout dire trop bruyant. Les terrasses dominent discrĂštement la ville, certaines en pierre blanche, avec ce charme des sites anciens dĂ©nudĂ©s, d’autres couvertes de tomettes rouges, renvoyant durement le soleil Ă  sa place de midi. On y bavarde Ă  l’ombre d’oliviers, de chĂȘnes centenaires, de canons inutilisĂ©s, qui rouillent tranquillement. Le sol inĂ©gal, creuse, accidente, crisse sous les pas de l’agent Peirera, assez bonhomme, qui surveille et guide tous les badauds qui comme moi errent parmi les traces d’un passĂ© glorieux, pour qui on fait encore des fouilles. Curieusement une carcasse de bateau en bois a Ă©tĂ© dĂ©placĂ©e dans une des ailes extĂ©rieures. Vaisseau de parade, naviguant sur les pierres ancestrales, il me mĂšne plus sĂ»rement encore vers des rĂȘveries inĂ©dites, sans qu’aucun pirate ne vienne me dĂ©ranger. Tout Ă  l’heure l’appareil photo s’est coincĂ©. La pensĂ©e qu’aucune photo n’en sortirait m’a remplie d’une certaine tristesse, mais au fond cela n’a pas d’importance, et mĂȘme je prĂ©fĂ©rerais qu’elles soient toutes ratĂ©es
 Je cherche la rature parfaite, le trait saillant qui fasse vivre l’image, au lieu de s’ajouter indiffĂ©remment aux cartes postales lisses et sans saveurs qui abreuvent le marchĂ©. Une image qui ne soit pas simplement possible, mais nĂ©cessaire, de celles que l’on regarde, au lieu de simplement les voir. Je vais pour partir, mais l’agent Pereira me guide vers une curiositĂ© de la tourelle Ulysse la camera obscura, selon un principe de LĂ©onard de Vinci. On se presse autour de ce qui pourrait ĂȘtre une vaste vasque de pierre claire, comme Ă  une rĂ©union de sorciĂšres, qui officieraient tout en surveillant la ville, car l’image Ă  360 degrĂ©s de Lisbonne s’y projette, grĂące Ă  un miroir placĂ© au sommet de la tourelle. L’image est floue, fuyante, emportĂ©e par le vent qui dĂ©rĂšgle son mĂ©canisme. Miroir une fois de plus lĂ©gĂšrement dĂ©formant. Je m’en vais, repue d’effluves touristiques. Je prends les minuscules ruelles blanches qui partent du chĂąteau, certaine que personne n’osera entrer dans ce labyrinthe de petites maisons, pour suivre mon ombre Ă  la trace, et Ă©couter secrĂštement les conversations des oiseaux, mĂȘlĂ©es de sons tĂ©lĂ©visĂ©s. Je remarque, Largo do contador, ce tag Without truth you are the looser. Au Miradouro de Santa Luzia, petit jardin mauresque offrant un superbe point de vue, et qui n’a pas pu m’échapper, j’évite soigneusement une famille française. Mais Ă  force d’éviter et de contourner, d’aller lĂ  oĂč mes pas me mĂšnent, je me suis perdue dans l’Alfama, et passe sans m’en rendre compte dans le Mouraria. Je ne suis pas la bienvenue, ici, dans ce quartier pauvre et mĂ©tisse ; alors je tĂąche de me confondre avec les ombres, je tĂąche de faire comme si d’ores et dĂ©jĂ  j’étais d’ici, de ces ruelles inquiĂ©tantes oĂč chaque pas de porte est habitĂ© de faire comme si je connaissais parfaitement mon chemin, au lieu de sauter de pavĂ© en pavĂ©. Je rentre, dĂ©pitĂ©e. 20h00. Suivant les recommandations du guide, je me dirige vers le restaurant O Pereira, qui propose des concerts de fado. J’ai peine Ă  le trouver dans un dĂ©dale de ruelles sombres, demande mon chemin ; j’y suis. Mais je suis seule. J’attends, comme les restaurateurs, que quelqu’un d’autre vienne. Une grand-mĂšre en robe verte pailletĂ©e et chĂąle noir classique, Ă  la mode d’Amalia Rodrigues, un serre-tĂȘte en faux diamants dans ses cheveux blancs, va enfin pour chanter, mais tousse fortement. Sans doute trop de cigarettes. Suave. Toujours seule. Je prends des photos de ce lieu drĂŽlement dĂ©corĂ© pour passer le temps, et me sortir de ma torpeur angoissĂ©e, mais j’ai la dĂ©sagrĂ©able impression depuis ma dĂ©convenue de tout Ă  l’heure, d’un franc retour Ă  ma condition de touriste, voire mĂȘme de touriste arnaquĂ©e. MalgrĂ© tout chacun joue la comĂ©die, donne le change. C’est un jeu de faux-semblants absurde, ou abstrait. J’accepte, Ă  vrai dire contrainte et forcĂ©e, d’ĂȘtre prise en photo avec une guitarra dans les bras par un des musiciens, qui estime que certainement cela me fera plaisir de revenir avec ce souvenir du coup la scĂšne en devient ridicule. Je me perds en rires gĂȘnĂ©s ; il ne sait comment faire pour dissiper mon ennui. Un peu plus tard il viendra Ă  ma table discuter en français, car il est passĂ© par la Belgique, puis le second musicien, Manoel, s’approchera. Ils chanteront uniquement pour moi une chanson d’Edith Piaf dans le style du fado. Et m’avoueront que ce qu’ils jouent habituellement est du fado pour touristes. Un voisin arrive, vieil homme au visage burinĂ©, sec comme du bois d’olivier. Il chantera un fado convulsif, Ă©nergique, en grimaçant, tirant la langue, survoltĂ© mais contrĂŽlĂ©. Ses gestes sont violents, agressifs. Je n’arrive pas Ă  discerner l’amour qu’il est censĂ© chanter dans ses gestes, ne sais jamais s’il m’insulte, ou vibre d’émotion, de sorte qu’il me donne envie de fuir ce lieu oĂč je suis dĂ©cidĂ©ment dĂ©calĂ©e. L’addition, poivrĂ©e, m’oblige Ă  sortir avec Manoel chercher une banque, lorsque j’aperçois la Casa do Fado, lieu officiel du genre, un peu froid peut-ĂȘtre, mais oĂč l’on peut certainement en apprĂ©cier toutes les saveurs. Quelle ironie ! Si d’un cĂŽtĂ© j’ai le goĂ»t authentique d’une adresse de quartier, de l’autre me manque la qualitĂ© de la musique. Manoel me raccompagne. Sa voix de jeune homme dans un corps dĂ©jĂ  vieux m’intrigue. Rendez-vous demain, au Miradouro de Santa Luzia que tout Ă  l’heure j’ai vu en plein soleil, pour aller Ă  la Feria de Ladre, et BelĂ©m. Puis je file, car le quartier, semble-t-il, n’est pas toujours bien frĂ©quentĂ©. Je file mais je ne rentre pas. AttirĂ©e par des sons de concert, j’entre dans un cafĂ© afro. Tout de suite Nela, habituĂ©e du lieu, m’aborde, avec sa voix rocailleuse, et m’adopte. Elle est mĂ©tissĂ©e anglo-brĂ©silien-africain. Elle a 40 ans environ, une fille en Angleterre, et se saoule sur un air d’african saudade, pour Ă©chapper Ă  je ne sais quel Ă©chec. Nous convenons de nous revoir demain soir. De Manoel ou de Nela , j’ai les numĂ©ros de tĂ©lĂ©phone aussi simplement que j’ai leur nom et leur adresse. Chaleur de vivre, sourires tendres. Il me semble qu’ici, Ă  Lisbonne, la solitude est moins oppressante. Pas de Porto, denrĂ©e finie, pas de Ginja, autre boisson locale, mais du Kamasutra, doux et amer, Ă  l’amande verte. De plus en plus s’impose cette idĂ©e que non seulement je dois revenir ici, mais y habiter. La langue portugaise est merveilleuse, magique et poĂ©tique. Elle avale les mots pour n’en ressortir que la douceur. Je pensais Ă  Tabucchi, qui apprit le portugais par amour pour Pessoa. Je pensais Ă  Ulysse, au mĂ©tissage parfait des cultures. Nela a ses attaches Ă  Lyon, Toulouse, Londres. Elle est venue Ă  Paris plusieurs fois. Aux confins de l’Europe, le Portugal se rĂ©gale de rencontres contrastĂ©es. Un peu Ă©mĂ©chĂ©e, ivre de Lisbonne, je tĂąche de rassembler quelques Ă©lĂ©ments de cette journĂ©e. J’entends dans l’Alfama des tĂ©lĂ©viseurs allumĂ©s, un fado lointain, une bande en train de discuter. La Casa do Fado Ă©tait trop froide, certainement, tandis qu’O Pereira m’a servi du rĂ©chauffĂ©. Et puis finalement j’entends un voisin de chambrĂ©e ronfler bruyamment. La saudade, ce sentiment intraduisible qui ressemble un peu Ă  de la nostalgie, se vit. Elle n’est ni triste ni gaie. MĂ©lancolique, douce et Ăąpre, violente et sincĂšre, le fado l’exprime par son souffle et son Ăąme. Je m’oublie dans la musique. Il faut venir Ă  Lisbonne seul, pour ne l’ĂȘtre plus jamais, et agrandir son Ăąme. Samedi 27 avril 11h00. Je rejoins Manoel, comme prĂ©vu, mais lĂ©gĂšrement en retard. Il m’attend dans un cafĂ©, pour me montrer la Feria de ladre, du cĂŽtĂ© de Graça, c’est-Ă -dire la foire aux voleurs. Partout par terre, des particuliers ont installĂ© leurs marchandises, comme un immense vide-grenier, en plein air. On trouve de tout ici, et des cartes religieuses et autres bibelots de priĂšre cĂŽtoient sans jurer un nombre impressionnant de revues pornographiques, le tout vendu Ă  des prix dĂ©risoires, qu’il convient cependant de contester. On se promĂšne dans des allĂ©es bordĂ©es de fils Ă©lectriques et de matĂ©riel de bricolage, de disques anciens et de livres, de bijoux simples mais rutilants. J’y achĂšte ce qui sera mes souvenirs de voyage, selon la tradition, Ă  disperser Ă  mon retour, mĂȘme si j’aimerais y Ă©chapper, et cela m’oblige Ă  rĂ©flĂ©chir au plus typique, et donc au plus diffĂ©rent de moi, et de la France au fond une simple nuance, parfois tĂ©nue, parfois criante, mais de ce cri qui appelle Ă  rester. BientĂŽt mon guide et interprĂšte me laisse, pour rejoindre son pĂšre, mais nous devons nous retrouver a 15h00 pour visiter BelĂ©m, autre joyau de Lisbonne. Je privilĂ©gie une adresse de quartier pour dĂ©jeuner Ă  part la barriĂšre de la langue, je me sens Ă  nouveau confondue parmi les autochtones, et me laisse aller Ă  rĂȘver de n’en plus repartir. J’ai dĂ©jĂ  pris quelques habitudes, et me suis dĂ©faite de celles françaises, ce qui finalement n’est pas si difficile, mais une invite au vĂ©ritable voyage, celui oĂč l’on part de soi pour se retrouver autre. La couleur locale a dĂ©jĂ  dĂ©teint sur moi, et je n’ai qu’un lĂ©ger effort a faire pour aller de l’avant. 15h00 Rendez-vous manquĂ© pour aller Ă  BelĂ©m avec Manoel, et je n’arrive pas Ă  le joindre par tĂ©lĂ©phone. Du coup j’y vais seule, certaine de pouvoir me dĂ©brouiller, comme au premier jour. Un trolley moderne m’y emmĂšne, passant sous le pont imposant 25 de Abril. De lĂ  on aperçoit bien, sur l’autre rive du Tejo, la statue du Christ en rĂ©plique Ă  celle de Rio de Janeiro - Cristo Rei, bras ouverts a tous les voyageurs -. Malheureusement je ne pourrai aller la voir de plus prĂšs, car dĂ©jĂ  s’annonce le compte Ă  rebours. Je reste sur la rive droite de la Mer de Paille. Une autre fois sĂ»rement je goĂ»terai l’air marin et les poissons des Ăźles
 ArrivĂ©e Ă  BelĂ©m, j’opte pour le port, ne sachant trop quoi voir de ce quartier cĂ©lĂšbre. Le temps de m’apercevoir que le Jardim de Ultramar se trouve de l’autre cĂŽtĂ© de l’avenue principale, je ne peux m’y promener et aller sur les traces de Pessoa qu’une demi-heure avant la fermeture. On y trouve de longues allĂ©es bordĂ©es de palmiers, un jardin japonais, des oies en libertĂ©, et surtout des statues de visages africains sculptĂ©s dans une pierre noire de jais, Ă  l’effigie de diffĂ©rentes tribus, qui rappelle l’histoire coloniale du Portugal, dans sa version pacifiĂ©e et reposĂ©e. Je dĂ©cide de revenir demain et vais grignoter dans la fameuse Pasteleria de BelĂ©m je ne me refuse pas un petit plaisir touristique, et je fais bien, car leurs produits sont vĂ©ritablement dĂ©licieux, de ceux dont les papilles gardent le souvenir longtemps aprĂšs. 18h00 Je rejoins au cafĂ© Vyrus, trĂšs moderne, le groupe d’amis du premier jour. Nous n’abandonnons pas les recherches du cafĂ© Snob et de JoĂŁo Cesar Monteiro, mais dans le Bairro Alto, quartier des sorties nocturnes, une vieille dame nous dit qu’il a disparu. Nous gagnons alors le Meia Note, lieu de rendez-vous ce soir des aficionados de Moon Spell, un groupe de hard rock dont je n’ai jamais entendu parler un point partout. Au milieu du vacarme et de la foule, quelques figures Ă©mergent, maquillĂ©es de noir et arborant des bracelets cloutĂ©s, aux coiffures punk ou gothiques. Debora s’y sent Ă  l’aise ; pour ma part, j’ai envie de fuir, mais des membres de sa famille nous rejoignent. Je suis invitĂ©e Ă  revenir en Ă©tĂ©, les rejoindre au bord de l’ocĂ©an qui n’est qu’à quelques kilomĂštres de l’agglomĂ©ration. Qui sait
 23h00 Changement de cap ; nous optons pour un nouveau cafĂ© dont la dĂ©coration est rouge, ce qui a le don d’attirer les prostituĂ©es du quartier. Kindala, la serveuse, connaĂźt Debora, et toutes les deux parlent de leur BrĂ©sil natal, de la difficultĂ© de se faire comprendre ici, au Portugal. Nous partirons, tous Ă©mĂ©chĂ©s, faire une promenade prĂšs du Tejo, puis irons petit-dĂ©jeuner sur le port tous les samedis soirs, qu’on soit d’ici ou d’ailleurs, se ressemblent. Le rendez-vous avec Nela est ratĂ© ; j’espĂšre qu’elle ne m’en voudra pas. Il est temps de tout reconstituer, mais je suis trop Ă©puisĂ©e. Dimanche 28 avril 15h00. Les levers sont de plus en plus difficiles, et les journĂ©es sont trop courtes. Remise Ă  peine de ma soirĂ©e d’hier, je m’engage sur la Praça do Comercio inondĂ©e de soleil, d’oĂč l’on prend le bus pour BelĂ©m. Cette fois-ci j’ai dĂ©cidĂ© de descendre plus loin, pour visiter la Torre de BelĂ©m. Depuis le tremblement de terre de 1755, celle-ci est proche du rivage, et il suffit de marcher sur une passerelle pour l’atteindre. Est-ce la fatigue ; est-ce l’agacement de mes sens ? Je suis incapable d’en saisir la beautĂ©, et pourtant les visages sculptĂ©s me font de l’oeil. Il me semble qu’il s’y passe quelque chose comme une domination facile, et une envie de partir qui reste au port. Pessoa est partout, rĂ©gnant en maĂźtre le long des quais, insufflant sa rĂ©signation Ă  ceux qui seraient tentĂ©s de s’en aller. Heureusement nous sommes encore en hors saison l’afflux des touristes ne gĂȘne pas trop la contemplation. 18h00 Je rejoins Emir au mĂ©tro Baixa-Chiado pour aller visiter un ensemble moderne assez Ă©loignĂ© du centre de Lisbonne. Entre Exposition Universelle et centre commercial, ce quartier offre un cadre de vie agrĂ©able et humain, Ă  l’architecture novatrice et rĂ©ussie, trĂšs colorĂ©e. On y trouve encore les constructions d’Asie et d’Orient, des pyramides de verre bleu formant des volcans d’eau, et surtout un curieux tĂ©lĂ©phĂ©rique, qui ne mĂšne pourtant Ă  nulle station de ski. Le quartier Ă©tant construit sous le signe de la mer, le toit en verre et acier du bĂątiment principal dĂ©verse en continu de l’eau, faisant ainsi jouer les rais de lumiĂšre sur le sol carrelĂ© et nos visages tournĂ©s vers les cieux. Il y fait bon vivre, et nous nous attablons autour de spĂ©cialitĂ©s portugaises comme le leiton, viande de petit cochon, dissertant Ă  loisir sur la sensualitĂ© de Lisbonne, son ouverture au monde, son mĂ©tissage ancestral. 21h00 Retour au centre. Nous dĂ©couvrons un petit jardin magique par cette nuit de pleine lune, que lui-mĂȘme ne connaĂźt pas. Des statues fantomatiques de grands voyageurs, comme Vasco de Gama, et d’autres figures inconnues, sont enlacĂ©es par le lierre, reposant tranquillement Ă  l’abri de regards trop curieux. Le quartier de sortie Bairro Alto nous offre un dernier verre de Ginja, puis je quitte Emir. A vrai dire, je ne rentre pas de suite, car divers bruits comme des klaxons m’ont avertis qu’il se prĂ©parait une grande fĂȘte et en effet les supporters de l’équipe de foot Sporting sont en liesse, et envahissent les abords de la Praça do Municipe. Partout ce n’est que fanfaronnades. Je me faufile parmi la foule aux couleurs vertes du club pour tenter de les photographier, en me faisant passer pour un reporter professionnel. Je rentre cette fois-ci un brin de gaietĂ© m’anime, et je m’endors apaisĂ©e. Lundi 29 avril 12h00 N’ayant rĂ©servĂ© que pour quatre nuits, je me vois contrainte de dĂ©mĂ©nager. Fort heureusement, la chambre n° 1 de la mĂȘme pensĂŁo est libre retour Ă  la case dĂ©part ; je refais puis dĂ©fais rapidement mes bagages, ce qui me donne un avant-goĂ»t du lendemain... Le Jardin de BelĂ©m est fermĂ© le lundi ma derniĂšre tentative pour y aller est ratĂ©e. Pendant ce temps la garde nationale change la relĂšve. Je choisis quelques cartes postales, qui me permettent de contempler tout ce que je n’aurais pas pu voir. Sur le chemin du retour, je m’arrĂȘte Cais de Rocha, et me perds au milieu du quartier des ambassades, loin des quartiers rĂ©putĂ©s, mais plus proche du Lisbonne des Lisboetes. Quelques perles d’architecture et de dĂ©coration baroque ; la vie paisible, calme et dĂ©sintĂ©ressĂ©e. Quelques fissures, aussi, et des boutiques dĂ©finitivement fermĂ©es, me rappellent que le Portugal est victime de la crise, comme partout en Europe. Retour au Baixa-Chiado, vers le Teatro da Trindade, pour prendre les photos que je m’étais promises de refaire. Car j’ai voulu que ce dernier jour soit libre de toute contrainte de parcours, afin de revenir sur les jours prĂ©cĂ©dents. Un peu plus loin la Torre de Santa Justa s’offre Ă  moi. AngoissĂ©e de n’avoir pas tout vu, je grimpe dans cette construction toute mĂ©tallique de Gustave Eiffel, qui n’en vaut pas forcement la peine, et me confirme dans mon Ă©trangetĂ©. Je ne partirai pas sans aller au cinĂ©ma. Je me mets a la recherche de la cinĂ©mathĂšque portugaise, qui a dĂ©mĂ©nagĂ© depuis peu. AprĂšs de longues pĂ©ripĂ©ties, je finis par dĂ©couvrir qu’elle Ă©tait Ă  cĂŽtĂ© de mon point de dĂ©part. Ce soir on joue " O homem desaparecido ", de Imamura. La version originale japonaise est sous-titrĂ©e en anglais. 22h00 Je me perds complĂštement dans le Bairro Alto, Ă  la recherche du cafĂ© rouge oĂč mes amis et moi Ă©tions l’autre jour, mais impossible de le retrouver ; il semble s’ĂȘtre envolĂ©. Je ne rĂ©ussis qu’à rencontrer un groupe de jeunes marginaux qui vont aux catacombes, et m’invitent Ă  les suivre, mais je dĂ©cline la proposition. DerniĂšre recherche du cafĂ© Snob dans une quatriĂšme rue Ă  gauche, qui n’existe pas. Au Brasiliera, le cafĂ© oĂč allait Pessoa, je prends un dernier verre de Porto ; je suis leur derniĂšre cliente, et demain je dois disparaĂźtre de cette Lisbonne si enchanteresse, oĂč je me sens uma pessoa. 30 avril Eu sou. Fica. 30,171 Je commence Ă  imaginer Sanid dans une version encore plus extrĂȘme. DACIA logan break, polo, chaussures de randonnĂ©e, sacoche, lunette oa..kley demi cerclees. Et s'il est ton responsable, nari, mchiti fiha 30,172 Hamdoulah, on profite b chmissa et toi ? Ça va ? Facance lel maghrib ou pas ? 30,173 Hamdoulah, on profite b chmissa et toi ? Ça va ? Facance lel maghrib ou pas ? Hamdolilah Euh non c’est pas prĂ©vu lol 30,174 les filles qui mettez aussi des combi ou pas ? Si oui quel style portez vous ? J'en ai 2. Une noire style cargo et une autre avec des petites fleurs style pantalon large, je les porte avec des gilets longs. 30,176 nwidiya je n’en porte pas Mercipapa Ă©pisode caniculaire prĂ©vue la semaine prochaine sur la France. Que Dieu nous aide 30,177 Salam, Quand tu vois que Justin Bieber a dĂ©jĂ  28 ans. Ca passe vite Baby baby bayyyyyby Ooooh ooooh
 30,178 Coucou Laynou !! Et bon courage pour ton dĂ©mĂ©nagement Alors je t’avoue que pour la dĂ©pose en gĂ©nĂ©ral j’ai un coup de stress dans ma vie pro ou perso et je les arrache comme un bourrin, une fois sur deux en arrachant une partie de l’ongle donc clairement ne suis pas mon exemple je t’en supplie Mais sinon ma petite sƓur en est adepte a mon grand dam, mais bon que veux tu c’est sa gĂ©nĂ©ration, les filles en ont toutes ça sur les doigts Ă  son Ăąge c’est abusĂ© et elle pour le coup Ă  dĂ©jĂ  utilise ceux de primark, la colle marche trĂšs bien apparemment mais au bout de 2 3 semaines max ils tombent. Et encore cest une petite flemmarde donc elle arrive Ă  esquiver le mĂ©nage une fois sur deux autant te dire que toi avec ton dĂ©mĂ©nagement et les taches du quotidien je pense que ça finira par s’enlever tout seul peut etrz Je suis passĂ©e chez primark en plus ttaleur lol je zyeutais sur les faux cils 
 aprĂšs je me suis dit vas-y ça doit ĂȘtre trop galĂšre Ă  mettre je passe mon tour lol Ceci dit on m’a parlĂ© de ceux d’action qui sont mieux paraĂźt-il 
 Qqn a testĂ© ? 30,179 Trop chaud pour dormir Les prochains jours vont ĂȘtre ya3ni 3la slamtek babouches 30,180 Regardez ça, si vous commandez chez shein 122 KB Affichages 31 DerniĂšre Ă©dition 13 Juin 2022 ya3ni 3la slamtek babouches 30,181 Regardez ça KB Affichages 29 KB Affichages 22 KB Affichages 23 30,182 nwidiya je n’en porte pas Mercipapa Ă©pisode caniculaire prĂ©vue la semaine prochaine sur la France. Que Dieu nous aide Va falloir investir dans une clim 30,183 Je mets pas en doute le travail forcĂ© dans le milieu du PAP mais je connais le domaine de l'impression.. Et quand tu imprimes des Ă©tiquettes de lavages ou autre support c'est en grosse quantitĂ©.. Avant impression y a des vĂ©rifications qui sont faites en amont.. Et avant d'imprimer le client doit donner son BAT pour valider les impressions... Et tu peux pas imprimer une Ă©tiquette ou une centaine comme ça avec Ă©crit on est exploitĂ©.. Ca me paraĂźt gros. Sachant que dans le milieu de l'impression les machines tournent tout le temps pour pas perdre de l'argent... Y a des gens qui surveillent.. Et en plus ta des planning a respecter.. Sur les plans de production quand tu imprimes c'est en fonction d'une quantitĂ© dĂ©fini par le client. Exemple si kiabi veut imprimer 10 000 t-shirt avec donc 10 000 Ă©tiquettes de lavage la machine qui imprime elle s'arrĂȘte pas.. C'est impossible que quelqu'un modifie le fichier d'impression en Ă©crivant aidez moi et qu'on imprime cette Ă©tiquette 10 000 fois.. Une machine tu peux pas l'arrĂȘter pour imprimer quelques Ă©tiquettes.. DĂ©jĂ  c'est une perte d'argent pour l'imprimeur mais en plus c'est pas possible.. Avec toute les vĂ©rification qui sont faites en amont et aprĂšs.. Y aussi des inspections dans les usines en Chine. Les fournisseurs envoient des Ă©chantillons avant validation.. DerniĂšre Ă©dition 13 Juin 2022 30,184 Regardez ça, si vous commandez chez shein J’ai une amie qui a trouvĂ© cette inscription sur un de ces haut de Shein. C triste ya3ni 3la slamtek babouches 30,185 Je mets pas en doute le travail forcĂ© dans le milieu du PAP mais je connais le domaine de l'impression.. Et quand tu imprimes des Ă©tiquettes de lavages ou autre support c'est en grosse quantitĂ©.. Avant impression y a des vĂ©rifications qui sont faites en amont.. Et avant d'imprimer le client doit donner son BAT pour valider les impressions... Et tu peux pas imprimer une Ă©tiquette ou une centaine comme ça avec Ă©crit on est exploitĂ©.. Ca me paraĂźt gros. Sachant que dans le milieu de l'impression les machines tournent tout le temps pour pas perdre de l'argent... Y a des gens qui surveillent.. Et en plus ta des planning a respecter.. Sur les plans de production quand tu imprimes c'est en fonction d'une quantitĂ© dĂ©fini par le client. Exemple si kiabi veut imprimer 10 000 t-shirt avec donc 10 000 Ă©tiquettes de lavage la machine qui imprime elle s'arrĂȘte pas.. C'est impossible que quelqu'un modifie le fichier d'impression en Ă©crivant aidez moi et qu'on imprime cette Ă©tiquette 10 000 fois.. Une machine tu peux pas l'arrĂȘter pour imprimer quelques Ă©tiquettes.. DĂ©jĂ  c'est une perte d'argent pour l'imprimeur mais en plus c'est pas possible.. Avec toute les vĂ©rification qui sont faites en amont et aprĂšs.. Y aussi des inspections dans les usines en Chine. Les fournisseurs envoient des Ă©chantillons avant validation.. Regarde le com d intissar, son amie Ă  pu voir ce message. 30,186 Est-ce que qqn parmi vous possĂšde une liseuse de type kindle ou kobo ? Vous en ĂȘtes satisfait ? Vous conseillez quoi comme modĂšle par exemple ? Merci Hello J'ai la Kindle 10em gĂ©nĂ©ration je crois J'adore. J'avais du mal Ă  me dĂ©cider avant de l'acheter. J'aimais trop lire de vrais livres, tourner de vraies pages... Mais finalement je l'ai achetĂ© & j'en suis hyper satisfaite. C'est hyper pratique. Plus besoin de m'encombrer avec des livres partout oĂč je vais. Le lien entre Kindle & Amazon est top !! Tu achĂštes un livre >> si la wifi est activĂ© >> il est direct sur ta kindle. Si tu rĂ©cupĂšres un PDF, tu as juste Ă  l'envoyer Ă  une adresse email qu'ils te donnent & c'est direct sur ta kindle. 30,187 Yes je l'ai ! J'ai la kobo depuis qq annĂ©es, faut que je te retrouve le modĂšle exact si tu veux Perso jai pas du tout accrochĂ©, mais c'est pas liĂ© Ă  la performance de l'outil en tant que tel c'est liĂ© au mode de consommation J'ai sous estimĂ© l'apprĂ©ciation que j'avais pour le fait de toucher le livre, tourner les pages et le plaisir d'errer dans une librairie Ă  la recherche de nouveautĂ©s. Bref je me suis retrouvĂ©e Ă  acheter toujours la mĂȘme quantitĂ© de livre papier, donc ca n'a pas du tout Ă©tait Ă©conomique pour moi ni en place ni en cash, ce qui Ă©taient q dmĂȘme les objectifs principaux Aussi faut penser Ă  la charger ! Deja que je suis toujours sans batterie sur le tel autant te dire que penser Ă  charger la Kobo ca relevait du miracle pour moi Comme tu peux le voir ce sont des pbm trĂšs personnels liĂ©s Ă  mon modĂšle de consommation si tu fais partie de ceux qui sont deja adepte des lecture sur Ă©cran, clairement c'est un super investissement car ca te bousille bcp moins les yeux Ma kindle, je la charge rarement. Je trouve qu'elle dure hyper longtemps. Plusieurs semaines 30,188 les filles qui mettez aussi des combi ou pas ? Si oui quel style portez vous ? Hello nwidiya Yes j'en porte. Voici quelques styles que je porte. Le seul hic avec les combi une vraie galĂšre pour aller aux 30,189 C797 KB Affichages 17 30,190 Ma kindle, je la charge rarement. Je trouve qu'elle dure hyper longtemps. Plusieurs semaines Merci pour ton feed-back Tu m’as convaincue lol Kindle 1 - kobo 0 30,192 J'en ai 2. Une noire style cargo et une autre avec des petites fleurs style pantalon large, je les porte avec des gilets longs. Bessaha 30,193 nwidiya combi comme ça ça passe ? Mdrrrrr franchement ça passe trop bien je trouve 30,194 Les filles avec le Kindle vous n’avez pas la sensation de manque de toucher du papier ? Un bon livre sur lequel on tourne les pages tout ça 30,195 Regardez ça, si vous commandez chez shein Choquant 30,196 Mdrrrrr franchement ça passe trop bien je trouve Je met ça en dessous de mes robes lol Tricheuuuuuuuuse ya3ni 3la slamtek babouches 30,197 Soomy KINGjulian Leur mensonge dĂ©voilait Maison squattĂ©e en Essonne les nouveaux propriĂ©taires ont menti ! Alors que le ministre de l’IntĂ©rieur Ă©tait intervenu pour permettre Ă  des propriĂ©taires de rĂ©cupĂ©rer leur maison squattĂ©e en Essonne, il se trouve que ces derniers ont manipulĂ© la presse pour expulser les occupants. La vĂ©ritĂ© a Ă©tĂ© sciemment travestie. Élodie et Laurent ont achetĂ© une maison en... En plus les 'squatteurs se sont fait agressĂ©. On voit sur l'image des maghrĂ©bin ? Darmanin fiĂšre de lui d'avoir virĂ© les 'squatteurs arabes Ă©trangers hein. 30,199 nwidiya combi comme ça ça passe ? Ça passe, c'Ă©tait Ă  la mode je crois ? Short cyclistes 30,201 Les filles avec le Kindle vous n’avez pas la sensation de manque de toucher du papier ? Un bon livre sur lequel on tourne les pages tout ça J'ai aussi Kindle, mais je prĂ©fĂšre livre. MĂȘme pour les formations, j'imprime les pages pour gribouiller, surligner etc. Mais dans le train, j'utilise Kindle, plus discret. DerniĂšre Ă©dition 13 Juin 2022 30,202 Soomy KINGjulian Leur mensonge dĂ©voilait Maison squattĂ©e en Essonne les nouveaux propriĂ©taires ont menti ! Alors que le ministre de l’IntĂ©rieur Ă©tait intervenu pour permettre Ă  des propriĂ©taires de rĂ©cupĂ©rer leur maison squattĂ©e en Essonne, il se trouve que ces derniers ont manipulĂ© la presse pour expulser les occupants. La vĂ©ritĂ© a Ă©tĂ© sciemment travestie. Élodie et Laurent ont achetĂ© une maison en... En plus les 'squatteurs se sont fait agressĂ©. On voit sur l'image des maghrĂ©bin ? Darmanin fiĂšre de lui d'avoir virĂ© les 'squatteurs arabes Ă©trangers hein. C’est marrant qu’ils soient dĂ©logĂ©s aussi rapidement car ça a Ă©tĂ© mĂ©diatisĂ© alors que pleins de gens vivent exactement la mĂȘme chose et que l’état ne fait rien vous savez on peut rien faire ça peut prendre des annĂ©es bla-bla-bla » Ps. Attend je vais lire l’article et je re d’autre part, ils savaient, lors de l’achat, que celle-ci Ă©tait squattĂ©e. » C’est bien ce qui m’a semblĂ© Une maison tu la visites avant de l’acheter Tu demandes des documents Tu reviens plusieurs fois dans le quartier pour prendre la tempĂ©rature Tu fais ton enquĂȘte C’est impossible qu’ils n’aient pas su qu’elle Ă©tait squattĂ©e ya3ni 3la slamtek babouches 30,203 C’est marrant qu’ils soient dĂ©logĂ©s aussi rapidement car ça a Ă©tĂ© mĂ©diatisĂ© alors que pleins de gens vivent exactement la mĂȘme chose et que l’état ne fait rien vous savez on peut rien faire ça peut prendre des annĂ©es bla-bla-bla » Ps. Attend je vais lire l’article et je re d’autre part, ils savaient, lors de l’achat, que celle-ci Ă©tait squattĂ©e. » C’est bien ce qui m’a semblĂ© Une maison tu la visites avant de l’acheter Tu demandes des documents Tu reviens plusieurs fois dans le quartier pour prendre la tempĂ©rature Tu fais ton enquĂȘte C’est impossible qu’ils n’aient pas su qu’elle Ă©tait squattĂ©e Il a une vidĂ©o qui date dil y a un moment, qui tourne en ce moment et l'agent immobilier avait expliquĂ© leur stratagĂšme. Meme les affaires mĂ©diatisĂ© ça va pas aussi rapidement. Les gens galĂšrent pendant longtemps encore. 30,204 Il a une vidĂ©o qui date dil y a un moment, qui tourne en ce moment et l'agent immobilier avait expliquĂ© leur stratagĂšme. Meme les affaires mĂ©diatisĂ© ça va pas aussi rapidement. Les gens galĂšrent pendant longtemps encore. Manipulation mĂ©diatique encore 30,205 Regardez ça, si vous commandez chez shein J’ai commandĂ© un truc chez Shein je regarderai ce soir l’étiquette si j’ai ça aussi Citation fait un pour autre DĂ©couvrez une citation fait un pour autre - un dicton, une parole, un bon mot, un proverbe, une citation ou phrase fait un pour autre issus de livres, discours ou entretiens. Une SĂ©lection de 60 citations et proverbes sur le thĂšme fait un pour autre. 60 citations > Citation de Sophie Marceau n° 163235 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesSur le quai de la gare, oĂč elle a tenu Ă  l'accompagner, tous les tĂ©moins ont vu combien il leur en coĂ»tait de se sĂ©parer. Jusqu'au moment du dĂ©part ils sont demeurĂ©s enlacĂ©s, les bras croisĂ©s Ă  hauteur de la taille, n'en finissant pas de se regarder, de s'embrasser, n'Ă©changeant pas un mot, tĂ©tanisĂ©s Ă  l'idĂ©e que bientĂŽt un train rĂ©gional allait les arracher brusquement l'un Ă  l'autre, parvenir Ă  scinder cette crĂ©ature Ă  deux tĂȘtes qu'ils forment sur le quai. Les quelques passagers qui attendent avec eux ont beau faire semblant de s'intĂ©resser au trafic, de tendre l'oreille vers les haut-parleurs nasillards qui recommandent de faire attention au passage d'un train voie C ou que le train prĂ©vu Ă  telle heure arrivera voie B, avec un retard de dix minutes environ, de se passionner pour les pigeons perchĂ©s sur le bord de la marquise, ou de dĂ©gager leur poignet pour vĂ©rifier que leur montre marque bien la mĂȘme heure que l'horloge suspendue entre deux cĂąbles deux lampadaires, on sent bien qu'ils se privent avec peine de la contemplation du beau couple, qu'ils ne demanderaient pas mieux que de s'installer sous leur nez et de compter Ă  la trotteuse de la mĂȘme montre la durĂ©e de leur baiser, ou du moins simplement les contempler, comme s'ils Ă©taient derriĂšre une glace sans tain, se gavant en toute impunitĂ© de cet Ă©blouissement partagĂ© de deux cƓurs insatiables. Comme ça ne se fait pas [...], alors ils font comme les moineaux, toujours la tĂȘte en mouvement, pour capter des Ă©clats de Femme promise 2009 de Jean RouaudRĂ©fĂ©rences de Jean Rouaud - Biographie de Jean RouaudPlus sur cette citation >> Citation de Jean Rouaud n° 163163 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 468 votesDe fait, on ne reconnaissait plus le grenier. Si l'on considĂšre que l'ordre n'est qu'une variation algorithmique subjective du dĂ©sordre, alors on peut dire du grenier ordonnĂ© selon grand-pĂšre que c'Ă©tait la mĂȘme chose qu'avant mais dans le dĂ©sordre, c'est-Ă -dire qu'au chaos il avait substituĂ© un autre chaos, avec cette diffĂ©rence pour nous que celui-lĂ  ne nous Ă©tait pas champs d'honneur 1990 de Jean RouaudRĂ©fĂ©rences de Jean Rouaud - Biographie de Jean RouaudPlus sur cette citation >> Citation de Jean Rouaud n° 163129 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesMa mĂšre nous fait photographier pour pouvoir nous voir, voir si nous grandis­sons normalement. Elle nous regarde longuement comme d'autres mĂšres, d'autres enfants. Elle compare les photos entre elles, elle parle de la croissance de chacun. Personne ne lui rĂ©pond. Ma mĂšre ne fait photographier que ses enfants. Jamais rien d'autre. Je n'ai pas de photographie de Vinhlong, aucune, du jardin, du fleuve, des avenues droites bordĂ©es des tamariniers de la conquĂȘte française, aucune, de la mai­son, de nos chambresL'Amant 1984 de Marguerite DurasRĂ©fĂ©rences de Marguerite Duras - Biographie de Marguerite DurasPlus sur cette citation >> Citation de Marguerite Duras n° 162691 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 467 votesEn fait, il en va de la lecture comme des hommes pour les femmes. Certains papillonnent de l'une Ă  l'autre, d'autres sont fidĂšles Ă  une seule. Moi je n'Ă©tais le lecteur que d'un seul roman. Bloodsilver de Wayne Barrow 2006 de Xavier MaumĂ©jeanRĂ©fĂ©rences de Xavier MaumĂ©jean - Biographie de Xavier MaumĂ©jeanPlus sur cette citation >> Citation de Xavier MaumĂ©jean n° 162420 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesQuand l'homme bouffait l'homme, je suis sĂ»r que personne n'embrassait personne. Et puis un jour les temps se sont apaisĂ©s, quelqu'un a inventĂ© l'agriculture et la vache, et le lait, l'oeuf et l'abondance et un type plus malin que les autres a dĂ» dire Ă  ses copains prĂ©historiques que ce n'Ă©tait pas possible de continuer comme ça, comme des bĂȘtes, qu'il fallait trouver autre chose pour, sous les Ă©toiles, se montrer qu'on s' parfum d'herbe coupĂ©e 2013 de Nicolas DelesalleRĂ©fĂ©rences de Nicolas Delesalle - Biographie de Nicolas DelesallePlus sur cette citation >> Citation de Nicolas Delesalle n° 162081 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 468 votesJe sus que j'entrais dans un autre monde que celui que je pouvais dĂ©couvrir de la maison, et aussi que j'Ă©tais parti pour un long voyage. il ne s'agissait plus d'aller en ville, cette fois, mais beaucoup plus loin ; un voyage comme j'en avais jamais fait. Un Ă©tĂ© indien 1985 de Truman CapoteRĂ©fĂ©rences de Truman Capote - Biographie de Truman CapotePlus sur cette citation >> Citation de Truman Capote n° 161862 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesSi vous dites II fait beau temps, et que vous disiez vĂ©ritĂ©, il fait donc beau temps. VoilĂ  pas une forme de parler certaine ? Encore nous trompera-t-elle. Qu'il soit ainsi, suivons l'exemple. Si vous dites Je mens, et que vous disiez vrai, vous mentez donc. L'art, la raison, la force de la conclusion de cette-ci sont pareilles Ă  l'autre ; toutes fois nous voila embourbĂ©s. Je vois les philosophes Pyrrhoniens qui ne peuvent exprimer leur gĂ©nĂ©rale conception en aucune maniĂšre de parler; car il leur faudrait un nouveau langage. Le notre est tout formĂ© de propositions affirmatives, qui leur sont de tout ennemies. De façon que, quand ils disent Je doute », on les tient incontinent Ă  la gorge pour leur faire avouer qu'au moins ils assurent et savent cela, qu'ils doutent. [...] Cette fantaisie est plus sĂ»rement conçue par interrogation Que sais-je ? » comme je la porte Ă  la devise d'une II, 12, Apologie de Raimond Sebond de Michel de MontaigneRĂ©fĂ©rences de Michel de Montaigne - Biographie de Michel de MontaignePlus sur cette citation >> Citation de Michel de Montaigne n° 161311 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 470 votesEt ce qui me fait souffrir, ce n'est pas tant la mort d'un amour que celle d'un ĂȘtre vraiment vivant que nous avions créé l'un et l'autre, que peut-ĂȘtre moi j'avais créé seule
 Cet ĂȘtre Ă©tait une union de vous et de moi, tels que nous nous voulions l'un et l'autre. C'Ă©tait vous comme j'avais besoin que vous fussiez ; non pas un admirateur de ma personne comme vous avez prĂ©tendu, mais un homme qui m'aimait ; qui, Ă  cause de cet amour, trouvait de l'intĂ©rĂȘt Ă  tout ce qui venait de moi ; devant lui, je pouvais avoir tous mes dĂ©fauts et toutes mes qualitĂ©s ; je pouvais me laisser aller au dĂ©sordre
 ce dĂ©sordre lyrique et inattendu oĂč tous les instincts se livrent en paroles et en cris pour ensuite permettre aux sĂ»res directions de l'Ăąme de retrouver la route et de continuer. Et j'imaginais qu'aucun de ces abandons ne troublait votre amour et votre de Marcelle SauvageotRĂ©fĂ©rences de Marcelle Sauvageot - Biographie de Marcelle SauvageotPlus sur cette citation >> Citation de Marcelle Sauvageot n° 161297 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesCe serait une erreur de croire que la sensibilitĂ© Ă  la beautĂ© est le privilĂšge d'un petit nombre de gens cultivĂ©s. Au contraire, la beautĂ© est la seule valeur universellement reconnue. Dans le peuple, on emploie constamment le terme de beau ou des termes synonymes pour louer non seulement une ville, un pays, une contrĂ©e, mais encore les choses les plus imprĂ©vues, par exemple une machine. Le mauvais goĂ»t gĂ©nĂ©ral fait que les hommes, cultivĂ©s ou non, appliquent souvent trĂšs mal ces termes mais c'est une autre question. L'essentiel, c'est que le mot de beautĂ© parle Ă  tous les prĂ©-chrĂ©tiennes 1951 de Simone WeilRĂ©fĂ©rences de Simone Weil - Biographie de Simone WeilPlus sur cette citation >> Citation de Simone Weil n° 161263 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesNotre fonction est la reproduction ; nous ne sommes pas des concubines, des geishas ni des courtisanes. Au contraire tout a Ă©tĂ© fait pour nous Ă©liminer de ces catĂ©gories. Rien en nous ne doit sĂ©duire, aucune latitude n'est autorisĂ©e pour que fleurissent des dĂ©sirs secrets, nulle faveur particuliĂšre ne doit ĂȘtre extorquĂ©e par des cajoleries, ni de part ni d'autre ; l'amour ne doit trouver aucun prise. Nous sommes des utĂ©rus Ă  deux pattes, un point c'est tout vases sacrĂ©s, calices ambulants. La Servante Ă©carlate 1987 de Margaret AtwoodRĂ©fĂ©rences de Margaret Atwood - Biographie de Margaret AtwoodPlus sur cette citation >> Citation de Margaret Atwood n° 161161 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesL'amour ne saurait donc naĂźtre chez l'aimĂ© que de l'Ă©preuve qu'il fait de son aliĂ©nation et de sa fuite vers l'autre. Mais, de nouveau, l'aimĂ©, s'il en est ainsi, ne se transformera en amant que s'il projette d'ĂȘtre aimĂ©, c'est-Ă -dire si ce qu'il veut conquĂ©rir n'est point un corps mais la subjectivitĂ© de l'autre en tant que telle. Le seul moyen, en effet, qu'il puisse concevoir pour rĂ©aliser cette appropriation, c'est de se faire aimer. Ainsi nous apparaĂźt-il qu'aimer est, dans son essence, le projet de se faire aimer. D'oĂč cette nouvelle contradiction et ce nouveau conflit chacun des amants est entiĂšrement captif de l'autre en tant qu'il veut se faire aimer par lui Ă  l'exclusion de tout autre ; mais en mĂȘme temps, chacun exige de l'autre un amour qui ne se rĂ©duit nullement au projet d'ĂȘtre-aimĂ© ». L'Etre et le NĂ©ant 1943 de Jean-Paul SartreRĂ©fĂ©rences de Jean-Paul Sartre - Biographie de Jean-Paul SartrePlus sur cette citation >> Citation de Jean-Paul Sartre n° 159679 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 479 votesUn hĂ©ros n'est fait que pour subjuguer et dĂ©truire. Un roi ne doit s'Ă©tudier qu'Ă  rendre ses sujets bons et heureux. Il faut nĂ©cessairement des ennemis Ă  l'un pour se faire un nom; l'autre n'a besoin pour sa gloire que d'ĂȘtre aimĂ© de ses diverses in Oeuvres choisies de Stanislas I, Roi de Pologne de Stanislas LeszczynskiRĂ©fĂ©rences de Stanislas Leszczynski - Biographie de Stanislas LeszczynskiPlus sur cette citation >> Citation de Stanislas Leszczynski n° 158348 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 467 votesVoilĂ  les hommes qui sollicitent nos suffrages et, de guerre lasse, les obtiennent. Ils nous reprĂ©sentent. Vous voyez maintenant qu'ils nous reprĂ©sentent mal, et mĂȘme qu'ils ne nous reprĂ©sentent pas du tout. Quand on les voit s'effondrer en pantalonnades ou se gonfler en plastronnades, il faut bien se dire que, pendant ce temps, nous faisons tout autre chose ; nous construisons des usines, nous inventons des vaccins, nous Ă©crivons des livres, labourons les champs, ou nous nous promenons main dans la main, sur les collines de thym et d'asphodĂšles. C'est Ă  peine, si, en lisant le journal du soir, nous disons Qu'est-ce qu'ils ont encore fait, ces imbĂ©ciles ? » Jusqu'au jour, Ă©videmment, oĂč nous en aurons assez. Mais ce sera pour changer un cheval borgne contre un aveugle. Les Trois Arbres de Palzem, 1984 de Jean GionoRĂ©fĂ©rences de Jean Giono - Biographie de Jean GionoPlus sur cette citation >> Citation de Jean Giono n° 157855 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesLe jour de mon dĂ©part, nous nous sommes longuement serrĂ© la main. Ce n'est pas un de ces imbĂ©ciles qui vous broient les phalanges pour vous faire croire Ă  leur franchise. Non il prĂ©fĂšre un chaud contact, paume contre paume, l'enveloppante caresse de l'amitiĂ©. On ne lui Ă©chappe pas. Sa mĂ©fiance naturelle une fois Ă©vanouie, son regard dit tout. Figurez-vous que je suis trĂšs fier de lui avoir plu, d'avoir Ă©tĂ©, du moins en certaines circonstances, Ă  sa hauteur. Il m'a fait don d'un peu de son courage et auprĂšs de lui, j'ai retrouvĂ© ma qualitĂ© d'homme. Naturellement, il Ă©tait tard aux yeux des autres, aux yeux de Daniel surtout, mais je ne quĂȘte plus d'autre approbation que la Poneys sauvages 1970 de Michel DĂ©onRĂ©fĂ©rences de Michel DĂ©on - Biographie de Michel DĂ©onPlus sur cette citation >> Citation de Michel DĂ©on n° 157259 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesMon Johnny Ă  moi, c'est le Johnny de Que je t'aime », pas celui de Dallas. On s'envoyait des petits mots avant sa mort. Il m'avait aussi dit un jour en plaisantant, alors qu'il avait dĂ©jĂ  un grave problĂšme aux poumons, Tu me feras ma nĂ©cro, hein ? J'ai fait sa nĂ©cro. Et Ă  la fin, je voulais ajouter Nous nous reverrons un jour ou l'autre. Embrasse Coluche et Gainsbourg pour moi, mais ce n'est pas sorti. J'Ă©tais anĂ©anti. Entretien Le Parisien - Propos recueillis par MichaĂ«l Zoltobroda le 04 juillet 2018 de Michel DruckerRĂ©fĂ©rences de Michel Drucker - Biographie de Michel DruckerPlus sur cette citation >> Citation de Michel Drucker n° 154121 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesSi je pouvais rester toujours jeune, je demeurerais cĂ©libataire. Je voudrais m'amuser tout le temps, et faire la coquette avec tout le monde, jusqu'Ă  la veille d'ĂȘtre qualifiĂ©e de vieille fille; alors, pour Ă©chapper Ă  cette ignominie, et aprĂšs avoir fait des centaines de conquĂȘtes et brisĂ© le coeur de tous sauf un, je prendrais un mari, noble, riche, indulgent et que, d'autre part, cinquante belles dames mourraient d'envie d' Grey 1847 de Anne BrontĂ«RĂ©fĂ©rences de Anne BrontĂ« - Biographie de Anne BrontĂ«Plus sur cette citation >> Citation de Anne BrontĂ« n° 154085 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 469 votesL'Ă©lastique est donc le symbole idĂ©al pour nous aider Ă  comprendre le cycle de l'intimitĂ© masculine, cycle fait d'un rapprochement suivi d'un Ă©loignement, puis d'un nouveau rapprochement plus serrĂ©. MĂȘme quand un homme adore une femme, il Ă©prouve de temps Ă  autre le besoin de s'isoler, pour mieux revenir auprĂšs d'elle par la suite. C'est Ă©tonnant pour la plupart des femmes. Ce retrait est instinctif chez l'homme ; il n'est aucunement dĂ©libĂ©rĂ©, ni hommes viennent de Mars, les femmes viennent de VĂ©nus 1992 de John GrayRĂ©fĂ©rences de John Gray - Biographie de John GrayPlus sur cette citation >> Citation de John Gray n° 153318 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 468 votesVivre l'Ă©criture. Le corps et l'esprit tout entiers tendus vers elle. Malaxer les mots, comme un sculpteur le fait de sa terre glaise. Murmurer ad libitum des bribes de phrases, pour les accoucher tout Ă  fait. Rester indiffĂ©rents aux bruits et aux appels. À la faim et au sommeil. N'entendre rien, rien d'autre que le bouillonnement du verbe Ă  l'intĂ©rieur de soi, et la musique qui parfois le prĂ©cĂšde. FlĂąner entre les intervalles de Jacques HigelinRĂ©fĂ©rences de Jacques Higelin - Biographie de Jacques HigelinPlus sur cette citation >> Citation de Jacques Higelin n° 153239 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 467 votesJ'ai l'impression Mamie Rose qu'on a inventĂ© un autre hĂŽpital que celui qui existe vraiment. On fait comme si on venait Ă  l'hĂŽpital pour guĂ©rir. Alors qu'on y vient aussi pour mourir...Oscar et la dame rose 2002 de Eric-Emmanuel SchmittRĂ©fĂ©rences de Eric-Emmanuel Schmitt - Biographie de Eric-Emmanuel SchmittPlus sur cette citation >> Citation de Eric-Emmanuel Schmitt n° 146666 - Ajouter Ă  mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 475 votes< 134Votre commentaire sur ces citations ThĂšmes populaires + Autres belles citations et proverbes sur fait un pour autre Toutes les citations sur fait un pour autre Citations fait un pour autre Citation fait un pour autre et Proverbe fait un pour autre Citation sur fait Citations courtes fait PoĂšmes fait un pour autre Proverbes fait un pour autre Etendez votre recherche avec le dictionnaire des dĂ©finitionsCitation et amour Citation sur l'amour Citation l'amitiĂ© Citation la vie Citation le bonheur Citation la femme citation le couple Citation la sagesse Ciation la tristesse Citation la mort Citation la nature Citation sur l'absence Citation le manque Citation l'enfance Age Animal AmitiĂ© Amour Art Avenir BeautĂ© Avoir Bonheur Conscience Couple Confiance Courage Culture DĂ©sir Dieu Education Enfant Espoir Etre Faire Famille Femme Guerre Homme Humour Jeunesse Joie Justice LibertĂ© Mariage MĂ©re Monde Morale Naissance Nature Paix Passion PĂšre Peur Plaisir Politique Raison Religion RĂȘve Richesse Sagesse Savoir Science SĂ©duction SociĂ©tĂ© Souffrance Sport Temps TolĂ©rance Travail VĂ©ritĂ© Vie Vieillesse Voyage 1 2 IGB MAG N°3 juillet 2021 l’édito Claire Izard, prĂ©sidente d’IGB ÉDITION Un an ! Douze mois dĂ©jĂ , mais douze mois seu- lement ! Le 9 juillet 2020, les titres de mes pre- miers auteurs — La FiancĂ©e du 11 septembre et Le projet Vanility — sortaient en librairie. Coups de cƓur de la FNAC, ils Ă©taient suivis par la pa- rution du tome 2 de Vanility et par L’Éditrice, coup de cƓur de la FNAC et de Cultura. Depuis, dix auteurs ayant rejoint IGB, le catalogue 2021- 2022 comprendra au minimum 32 rĂ©fĂ©rences. En mai, Folle de nuit a Ă©tĂ© coups de cƓur FNAC et CULTURA. Panique Ă  l’ÉvĂȘchĂ© rencontre ses lec- teurs. Le silence des Chartreux vient d’arriver en librairie. Dealer ou la valse des maudits et K-144 sont vivement attendus. D’ailleurs le 21 juillet, Philippe Will dĂ©dicacera Ă  la librairie Albin Mi- chel du boulevard Saint-Germain Ă  Paris. Enfin, j’ai lancĂ© IGB MAG per- Un pas aprĂšs l’autre, car les arbres mettant de recevoir dix livres neufs Ă  prix gratuit ! Comme ne montent pas jusqu’au ciel ! vous le savez, prix gratuit ne signifie pas nul ». GrĂące Ă  vous, les auteurs perçoivent des droits sur des ouvrages non commercialisĂ©s, et ils vous re- mercient chaleureusement de contribuer Ă  augmenter leur au- dience. Pour ma part, je suis heureuse que cette dĂ©marche no- vatrice permette d’accĂ©der Ă  la littĂ©rature Ă  moindre coĂ»t. D’ailleurs, je lancerai prochainement une carte cadeau, la pos- sibilitĂ© de rĂ©gler l’abonnement Ă  IGB MAG en trois mensualitĂ©s et offrirai deux livres de poche pour un brochĂ©. Cela Ă©tant, j’avance avec prudence. SĂ©duits par un plan d’af- faires pertinent, des partenaires m’ont permis de m’adjoindre les services d’une agence de communication afin d’accroĂźtre la notoriĂ©tĂ© de mes auteurs. À cet Ă©gard, chargĂ© du Business development, Marc Gervais dĂ©voile nos choix stratĂ©giques dans ce numĂ©ro de juillet consacrĂ© pour partie Ă  Alexis Giaco- muzzi. Vous dĂ©couvrirez François Montjaret, un blogueur pas- sionnĂ© de thrillers, DaphnĂ© RĂ©a, une artiste internationale d’origine italienne et Pierre Lajudie, interviewer d’auteurs. En- fin, la rubrique une_lectrice_a_paris donne l’occasion de con- naĂźtre mes coups de cƓurs littĂ©raires. PAGE DE GAUCHE Je vous souhaite un magnifique Ă©tĂ© et vous donne rendez- vous en octobre pour la rentrĂ©e littĂ©raire, avant de vous dĂ©voi- Librairie FNAC PARIS TERNES ler nos pĂ©pites de l’annĂ©e 2022 grĂące Ă  un numĂ©ro spĂ©cial qui Folle de nuit vous rĂ©servera de belles surprises pour NoĂ«l. Coup de cƓur des libraires Juin 2021 3 IGB MAG N°3 Ă©tĂ© 2021 le sommaire 58 FOCUS 8 PRESSBOOK Alexis Giacomuzzi Anna Liron et Emma Palissot 12 BOOKSMARKET L’interview de Marc Gervais par Sylvie Roussel 24 Sorties nationales Dealer, ou la valse des maudits K-144 La FiancĂ©e du 11 septembre L’Adieu 4 sommaire 44 RENCONTRE RUBIS par Marc Gervais 54 RENCONTRE SOLÈNE MELCHIOR par Pascal Tissier 56 Les coups de cƓur de l’éditrice Mon amie AdĂšle. Sarah Pinborough & L’esclavage, un crime contre l’humanitĂ© 5 sommaire 65 BOOKSTAGRAM Francois_and_the_books 70 BOOKSADDICT DaphnĂ© Rhea Pellissier 80 BOOKSMAKER Pierre Lajudie 6 sommaire 83 BOOKLIST 2021-2022 84 Frissons 94 Anticipation 97 VĂ©cu 112 Jeunesse 114 Poche 7 8 PRESSBOOK Anna et Emma ont vingt ans. Talentueuses, pleines d’envies et pressĂ©es d’affronter la vie rĂ©- elle, elles n’ont pas attendu d’ĂȘtre diplĂŽmĂ©es pour partir Ă  la conquĂȘte de marchĂ©s. SĂ©duite par leur volontĂ© d’entreprendre, Claire Izard leur a confiĂ© le design de ses collections. CI-DESSUS 9 Emma Palissot, graphiste et designer PAGE DE GAUCHE Anna Liron, illustratrice PRESSBOOK Welcome on board, les Miss ! Anna et Emma ? Elles sont jeunes, il est vrai ! Mais aux Ăąmes CI-DESSUS bien nĂ©es, la valeur n’attend point le nombre des annĂ©es ! Souvent citĂ© Ă  contre-emploi, ce vers de Pierre Corneille quali- Exemple de design de produit fie nĂ©anmoins parfaitement ces deux femmes de leur Ă©poque © 2021 Palissot qui font fi de leur jeunesse. En effet, alors qu’elles n’ont mĂȘme pas l’ñge requis pour boire une biĂšre aux États-Unis, elles ex- CI-DESSUS pĂ©rimentent l’entrepreneuriat depuis deux ans. Exemple de design web BacheliĂšres prĂ©coces, elles se sont rencontrĂ©es sur les bancs © 2021 Palissot de l’universitĂ© Gustave Eiffel, situĂ©e Ă  Marne-la-VallĂ©e. Entre projets pour l’école et services rendus aux copains, l’idĂ©e d’ex- ploiter leur complĂ©mentaritĂ© a germĂ©, puis s’est structurĂ© le 1er juillet 2019. A cette Ă©poque, l’une et l’autre Ă©taient Ă  peine majeures. Deux ans plus tard, ce binĂŽme fonctionne Ă  merveille. Emma Palissot est passionnĂ©e par l’ensemble des domaines artistiques et aime mettre en valeur sa crĂ©ativitĂ© sur tout type de mĂ©dias. Graphiste et notamment experte en identitĂ© vi- suelle, cette Toulonnaise dessine, photographie, encre et colo- rie depuis l’enfance. PersuadĂ©e que l’émotion passe par l’image que l’on se fait de l’image », elle publie Ă  l’ñge de dix- sept ans, un recueil de pensĂ©es intitulĂ© Et AprĂšs ? » aux Ă©di- tions Saint-HonorĂ©. CI-CONTRE Exemple de graphisme de Letterbox © 2021 Palissot/Greneu 10 CI-DESSUS PRESSBOOK Portrait de Yeule, artiste Singapourienne Puis, elle en profite pour s’immerger dans la communication © 2020 Liron interactive. Alors, elle en vient naturellement Ă  crĂ©er un studio indĂ©pendant de jeux vidĂ©o dĂ©nommĂ© Maki Edition pour ex- ploiter Letterbox, un jeu immersif oĂč le choix stratĂ©gique d’un design Ă©purĂ© sublime une histoire complexe. InspirĂ© du roman Inconnu Ă  cette adresse » de Kressmann Taylor, Emma et son conjoint Mathias Greneu ont conçu et codĂ© leur jeu en cinq semaines ! DĂ©veloppĂ©e pour Android et disponible exclu- sivement sur Playstore, cette application consiste Ă  dĂ©couvrir la vie d’un inconnu via les lettres qu’il reçoit quotidiennement. Une entrepreneuse est nĂ©e, la fondatrice d’IGB sait que le dy- namisme d’Emma amĂšnera Maki Edition et le studio EP vers les sommets. Anna Liron est illustratrice. Une pure dessinatrice. Parisienne, fille d’imprimeur et titulaire d’une licence d’Art NumĂ©riques, elle a la ferme intention de dĂ©crocher de nombreux contrats afin de pouvoir assumer les frais onĂ©reux d’une formation de concept art et ainsi faire le job de ses rĂȘves. En effet, tombĂ© amoureuse de Prince of Persia Ă  l’ñge de dix ans, Anna n’est jamais revenue de son voyage dans l’univers des jeux vidĂ©o. Ainsi, elle se destine Ă  ĂȘtre concept artist, c’est- Ă -dire celle qui, sous la houlette d’un directeur artistique ou d’un rĂ©alisateur, transformera un concept en une crĂ©ation vi- suelle digitale. Pour ce faire, il faut visualiser une atmosphĂšre et la reproduire avec exactitude. BriefĂ©e sur les couvertures de Frousse d’enfer, Anna possĂšde cet instinct consistant Ă  trans- former trois lignes en dessin rĂ©aliste. Aussi, dans quelques annĂ©es, Claire Izard ne doute pas qu’elle apercevra le patronyme d’Anna au crĂ©dit de blockbusters pro- duits par les majors de Los Angeles ou de la Silicon Valley. CI-CONTRE Le SamouraĂŻ du Mont Fuji © 2021 IGB/ Liron 11 12 CI-DESSUS Sylvie Roussel et Marc Gervais © 2021 Claire Izard BOOKSMARKET PAGE DE GAUCHE À l’occasion du premier anniversaire de la commercialisa- tion des titres d’IGB Édition, Sylvie Roussel, animatrice de Marc Gervais. 62 ans. l’émission ça se discute » sur FM et prĂ©sidente de Cofondateur d’IGB Édition. Radio VallĂ©e VĂ©zĂšre depuis sa crĂ©ation en 1981, interroge Ancien Ă©diteur. Marc Gervais. Retranscrite comme elle a Ă©tĂ© enregistrĂ©e, SpĂ©cialiste de la crĂ©ation d’entreprise cette interview menĂ©e sans complaisance, ni langue de © 2021 Claire Izard bois permet d’apprĂ©hender l’économie du livre, de dĂ©cou- vrir la stratĂ©gie de dĂ©veloppement d’un Ă©diteur indĂ©pen- dant et de cerner les mĂ©canismes d’une levĂ©e de fonds. 13 BOOKSMARKET Marc Gervais
 d’habitude, quand vous arrivez Ă  la station, CI-DESSOUS vous faites le clown
 Mais aujourd’hui, je vous sens tendu
 Chargement de pins. — 
 Je suis fatigué  Avec Claire Izard, la prĂ©sidente d’IGB Édi- Smurfit Kappa. Landes. tion, nous venons de vivre un trimestre intense oĂč nous avons bossĂ© non-stop dix-huit heures par jour
 Mais le printemps a dĂ©butĂ© sous les meilleurs auspices
 L’étĂ© sera beau et avec la sortie de MĂ©tacitĂ©s et probablement la commercialisation de deux autres pĂ©pites, l’automne sera agrĂ©able
 Sur notre antenne, vous avez dĂ©clarĂ© que votre oiseau prĂ©- fĂ©rĂ© est le faucon, car vous aviez rĂ©cemment croisĂ© deux vrais cons
 Dois-je comprendre que l’hiver a Ă©tĂ© rude ? — 
 Pfff
 sourires
 Je dirais qu’il a Ă©té  disons
 chahutĂ© ! Mais, ce n’est pas Ă©tonnant
 c’est le quotidien des entreprises en dĂ©marrage
 Cela Ă©tant
 vous ne m’avez quand mĂȘme pas fait lever aux aurores pour m’interroger sur mes Ă©tats d’ñme ! Pourquoi ? Vous en avez ? — Aucun ! Je suis au service d’IGB Édition
 on m’a ordonnĂ© de protĂ©ger sa fondatrice Claire Izard et son actionnariat
 Jusqu’à ce que l’on m’intime d’interrompre ma mission, je le ferai sans remord
 et
 naturellement sans regret ! Ça tombe bien, car nous n’allons pas parler rĂ©cits, mais fi- nances ! Victoire passant son bac, je la remplace
 Il n’y aura pas d’interview dĂ©calĂ©e, ni d’humour au xiĂšme degrĂ©. J’attends que vous vous exprimiez sans langue de bois afin que nos au- diteurs et les abonnĂ©s d’IGB MAG dĂ©couvrent vraiment les dessous de l’économie du livre ! Vous ĂȘtes prĂȘt ? — Allons y ! Marc Gervais
 Sommairement... qu’est-ce que l’édition ? — Je sens que je vais ĂȘtre dĂ©testé  Euh
 Comme vous ĂȘtes une ancienne de l’industrie papetiĂšre, vous allez comprendre
 Selon une rĂ©cente communication du syndicat des Ă©diteurs, l’édition
 c’est annuellement tonnes de livres adres- sĂ©es aux libraires
 tonnes d’ouvrages retournĂ©es aux Ă©diteurs et tonnes mises au pilon ! Ça fait combien d’arbres ? — Beaucoup ! Sachant que 12 arbres sont nĂ©cessaires pour fabriquer une tonne de papier, je vous laisse faire le calcul
 ça doit faire arbres et quelques qui ont Ă©tĂ© coupĂ©s en pure perte, car c’est cela dont il s’agit... Vous utilisez du papier recyclĂ© ? — Non ! Je ne vois pas pourquoi nous payerons plus cher du papier que nous avons contribuĂ© Ă  fabriquer en donnant nos invendus aux recycleurs
 et ce d’autant plus que, selon une Ă©tude publiĂ©e en 2020 par l’universitĂ© de Yale, l’impact envi- 14 CI-DESSUS BOOKSMARKET Impression d’un ouvrage IGB ronnemental du papier recyclĂ©, dont la production implique CPI BussiĂšre l’usage des Ă©nergies polluantes, induit une empreinte carbone trĂšs Ă©levĂ©e. Chez IGB, nous prĂ©fĂ©rons replanter les arbres que nous avons utilisĂ©s et surtout Ă©viter de dĂ©truire ce que nous avons imprimé  d’oĂč la crĂ©ation du Mag IGB dont l’abonne- ment permet de recevoir dix livres gratuits ! LĂ  est la vĂ©ritable attitude Ă©co-responsable ! Il ne suffit pas de lĂ©gifĂ©rer pour pousser les industriels Ă  utiliser des encres composĂ©es de 75% d’eau au lieu d’encres Ă  base de solvant pour ĂȘtre Ă©co- friendly
 L’encre Ă  l’eau Ă©tant hydrophile, elle n’est pas dissol- vable
 et ne peut donc pas ĂȘtre recyclĂ©e
 Vous avez une autre question sur le sujet ? Sourires Non ! Mais je voudrais revenir sur l’abonnement qui permet de recevoir dix livres... Comment cette idĂ©e de livres Ă  prix gratuit a-t-elle Ă©tĂ© accueillie ? — 
 Tout d’abord
 des livres Ă  prix gratuit » est un slogan ! Jeu de mot avec livres Ă  prix rĂ©duit », prix gratuit » ne si- gnifie pas prix nul », puisque la rĂ©ception des ouvrages est subordonnĂ©e au paiement d’un abonnement. Ceci Ă©tant prĂ©ci- sĂ©, je vous confirme que mĂȘme les libraires nous fĂ©licitent
 En effet, ils ont compris que nous renforcions le potentiel lecto- rat de nos auteurs avec des ouvrages dont ils n’ont pas vou- lu
 Ils devinent que dĂ©couvrir Ă  moindre coĂ»t de nouveaux auteurs les servira Ă  terme
 et qu’ils sont en prĂ©sence d’un Ă©diteur intelligemment comptable de ses investissements
 Comme vous l’imaginez, les lecteurs sont ravis de faire une bonne affaire, mĂȘme s’ils reçoivent les ouvrages aprĂšs leur du- rĂ©e de vie en librairie
 Je suppose que les auteurs IGB sont ravis ! — À vrai dire, ils auraient probablement prĂ©fĂ©rĂ© que nous n’ayons pas eu Ă  inventer ce systĂšme de diffusion
 Chacun espĂšre vendre un maximum de livres en librairie afin de perce- voir 10% sur le prix public hors taxe
 soit 1,80 euros pour un bouquin vendu 19,90 TTC. Cela Ă©tant, une majoritĂ© d’auteurs IGB ont Ă©tĂ© nos premiers abonnĂ©s, car ils ont compris l’avan- tage du systĂšme leur permettant de percevoir soixante-dix centimes par ouvrage diffusĂ© via le pass Mag. En fait, nous ap- pliquons Ă  nos auteurs le pourcentage prĂ©vu pour la commer- cialisation en club
 soit 15% du prix tarif Les auteurs se partagent sept euros
 au prorata du nombre de leurs titres retenus Ă  chaque abonnement
. Oui
 mais 70 centimes, c’est moins qu’1,80 euros ! — 
 Sourires
 Je vous confirme mĂȘme que ça fait 1,10 euros de diffĂ©rence par ouvrage
 mais c’est mieux que zĂ©ro, car je vous rappelle que nous parlons d’invendus ! Quel auteur s’en plaindrait ? ArrĂȘtons de dĂ©conner... il faudrait avoir la puis- sance de rĂ©flexion d’un mollusque pour dĂ©nigrer un systĂšme permettant de percevoir de l’argent sur un produit non com- mercialisé  Cette facultĂ© n’existe nulle part... sauf chez IGB
 Vous imaginez la SACEM versant des droits pour des disques non diffusĂ©s Ă  l’antenne... Un restaurateur percevant de l’ar- 15 BOOKSMARKET gent sur des plats non commandĂ©s... Un producteur de films touchant des droits d’entrĂ©e sur les siĂšges vides
 ou tenez
 un assureur vous indemnisant pour un sinistre qui n’a pas eu lieu ? En interprĂ©tant judicieusement le juridisme de la loi Lang, nous avons rĂ©ussi Ă  modifier la chaĂźne traditionnelle du livre en plaçant le consommateur de part et d’autre du cycle de la vie d’un livre. Qu’est-ce que votre organisation recouvre ? — En apprĂ©hendant les goĂ»ts littĂ©raires de nos abonnĂ©s dont la pierre angulaire est constituĂ© par les membres de notre co- mitĂ© de lecture, nous pouvons bĂątir un catalogue oĂč chaque titre est appelĂ© Ă  devenir un classique
 Alors que la durĂ©e de vie d’un livre en librairie est de trois mois et que les invendus sont systĂ©matiquement retournĂ© Ă  l’éditeur au bout de douze mois maximum afin d’ĂȘtre dĂ©truit, nous distribuerons tout rĂ©- cit via l’abonnement tant qu’il sera rĂ©servĂ© en quantitĂ© raison- nable
 naturellement. Cela explique pourquoi les auteurs IGB font des envieux, Justement
 c’est quoi un auteur ? — Comptablement
 un code-barre ! Une sortie de caisse ! Hahaha
 vous allez vous faire des amis ! — SincĂšrement... vous connaissez un auteur dĂ©daignant le terme reddition des comptes » ? Celles et ceux qui parlent de leur rĂ©cit comme d’une Ɠuvre, sont les premiers Ă  rĂ©clamer le paiement de leur droit
 Donc
 pour vous
 un livre se borne Ă  ça ? — Je n’ai pas inventĂ© le commerce ! Mais oui
 le livre est un produit
 un code ISBN
 Pour les grands groupes Ă©ditoriaux, un livre
 c’est un patronyme
 Musso
 Levy
 Nothomb
 ou 16 CI-DESSUS BOOKSMARKET Jean-Pier Delaume-Myard un titre
 Harry Potter
 AstĂ©rix
 Pour les Ă©diteurs indĂ©pen- DR La RĂ©publique du Centre dants, c’est une couverture
 un prix public et un rĂ©sumĂ© sur la quatriĂšme de couverture
 On travaille trĂšs dur au quotidien pour qu’un jour Tissier
 Hage
 Giacomuzzi
 Will
 Pecylak
 Bigourie
 Battista
 Delaume
 Dubat et d’autres comme Cy- rielle Menguy ou encore Julie Gaillard deviennent une marque incontournable
 au mĂȘme titre que les Rolling Stones
 ou les fraises Tagada
 Et vous ? — Je ne m’exclue pas, car je n’échappe pas Ă  la rĂšgle
 Le jour oĂč je cesse de recevoir de bonnes critiques et que mes rĂ©cits ne rencontrent pas leurs lecteurs, j’arrĂȘte ! Mon statut de co- fondateur d’IGB ne me protĂšge pas
 Pourquoi irais-je obĂ©rer les capacitĂ©s d’investissements d’IGB et par-delĂ  sanctionner indirectement mes consƓurs et mes confrĂšre pour des rĂ©cits qui n’intĂ©ressent que mon conjoint ou ma belle-sƓur ? Qu’est-ce qu’un rĂ©cit ? — C’est une excellente question ! Un rĂ©cit est une espĂ©rance ! Un vecteur de fidĂ©lisation d’un lectorat
 En fait, c’est un Ă©ter- nel recommencement qui impose Ă  l’auteur de se remettre en cause Ă  chaque titre
 Mais au prĂ©alable, c’est une interroga- tion, une Ă©motion
 ou une intuition ! Vous m’expliquez ? — Chez tout Ă©diteur, l’intĂ©gration d’un titre au catalogue est forcement la conclusion d’une rĂ©flexion
 Si les premiĂšres pages envoyĂ©es par le soumettant ne sont pas exception- nelles, le rĂ©cit doit ĂȘtre adoubĂ© par le comitĂ© de lecture
 c’est alors une interrogation
 IGB n’échappe pas Ă  la rĂšgle
 Mais la souplesse de notre structure nous permet d’y dĂ©roger
 Quand un vendredi aprĂšs-midi, Claire se plonge dans le texte de Julie Gaillard
 que je vois ses yeux briller... Et que je l’en- tend rire ou pleurer
 je devine que nous inscrirons un nou- veau titre au catalogue
 Enfin, l’intuition recouvre la percep- tion que nous pouvons avoir de la personnalitĂ© d’un auteur
 IGB est une chance unique pour les primo-romanciers
 En somme
 un Ă©diteur est un dĂ©nicheur de talents ? — Restons humbles ! C’est d’abord une personne physique qui travaille avec le matĂ©riel littĂ©raire et le potentiel humain correspondant Ă  sa taille. Ensuite, c’est un passionnĂ© qui a la chance de se battre dans un marchĂ© Ă©chappant Ă  la saisonna- litĂ©, mĂȘme si pour les formats de poche, certaines pĂ©riodes de l’annĂ©e sont plus favorables que d’autres. Dans le cas d’un Ă©diteur dĂ©butant... quand tout va bien, il une force de proposi- tion
 Dans le cas contraire, Atlas porte le monde sur ses Ă©paules
 Nous sommes dans le monde des affaires, pas dans celui des Bisounours
 IGB n’édite pas pour flatter les egos, mais pour adresser le produit le plus parfait possible Ă  la cible Ă  laquelle il est destinĂ©. Ensuite, le marchĂ© dĂ©cide, mĂȘme si notre organisation et notre ligne Ă©ditoriale rĂ©duit les risques
 17 BOOKSMARKET Pourquoi ? CI-DESSOUS — 
 Nos livres peuvent se vendre toute l’annĂ©e
 On peut MAXIBOUR$E inventĂ© par Marc Gervais acheter du Tissier de janvier Ă  dĂ©cembre
 Nous ne sommes 1er jeu de sociĂ©tĂ© occidental commercialisĂ© pas dans le scolaire ludique qui se vend en juillet et en aoĂ»t
 ou dans le scolaire pur dont 90% du chiffre d’affaires est rĂ©ali- sĂ© en septembre
 MĂȘme si Frousse d’enfer permet d’ap- prendre en s’amusant Ă  lire, nous comptabiliserons des ventes tout au long de l’annĂ©e
 Vous comptez pĂ©nĂ©trer les segments Ă©ducatifs ? — Certainement pas ! MĂȘme si les Frousse ont une forte con- notation Ă©ducative, vouloir pĂ©nĂ©trer un marchĂ© vĂ©rouillĂ© par Hachette, Belin, Magnard, Nathan et Playbac est suicidaire
 À ce point ? — 
 Je sais de quoi je parle pour avoir rĂ©flĂ©chi Ă  ce type de diversification quand j’étais un crĂ©ateur de jeux de sociĂ©tĂ© en vogue Ă  la fin des annĂ©es 80, puisque j’ai Ă©tĂ© dĂ©signĂ© trois an- nĂ©es de suite crĂ©ateur de l’annĂ©e. La puissance et la capacitĂ© de lobbying de Nathan au sein de l’Éducation Nationale Ă©taient telles que les majors amĂ©ricaines qui me soutenaient comme Mattel ou Hasbro ont renoncĂ© Ă  se lancer dans la ba- garre de l’éducatif 
 En consĂ©quence, IGB restera dans la fic- tion et se fera une place au soleil avec une ligne Ă©ditoriale in- temporelle destinĂ©e Ă  Ă©mouvoir, divertir et sensibiliser les en- fants de dix Ă  quatre-vingt-dix ans ! Je rĂ©sume
 Un Ă©diteur est une force de proposition qui place ses espoirs de gain dans un produit sans avoir la certi- tude qu’il trouvera preneur et dont les auteurs constituent son ADN. Ai-je bien compris ? — 
 Non ! L’ADN d’une maison d’édition, c’est une ligne Ă©di- toriale clairement dĂ©finie, portĂ©e par des rĂ©cits parfaitement aboutis enveloppĂ©s dans emballage le plus attrayant possible, proposĂ©s Ă  un prix raisonnable et dont le succĂšs commercial dĂ©pend grandement d’une prĂ©sence assidue de l’auteur sur les rĂ©seaux sociaux. Enfin pour ĂȘtre complet
 Hormis Philippe Will et Pascal Tissier qui disposent d’une base de quelques milliers de lecteurs, les auteur IGB sont des diamants bruts ap- pelĂ©s Ă  devenir des littĂ©rateurs
 c’est-Ă -dire des auteurs, qui mis en confiance par les efforts promotionnels de leur Ă©diteur, prennent plaisir Ă  produire Ă  intervalle rĂ©gulier. En somme
 les auteurs IGB sont heureux ! — Pourquoi ne le seraient-ils pas ? Tout d’abord, ĂȘtre Ă©ditĂ© Ă  compte d’éditeur est un privilĂšge de plus en plus rare
 Cer- tains de nos auteurs ont connu des Ă©checs, ils connaissent donc leur chance... Ensuite, ils touchent du pognon sur les stocks morts ». Enfin, leurs rĂ©cits sont diffusĂ©s par une Ă©di- trice qui a prĂ©fĂ©rĂ© s’assurer les services d’une boĂźte de com de renom au lieu de privilĂ©gier les salaires ! Cette dĂ©marche est tellement rare que Claire Izard mĂ©rite d’en ĂȘtre remerciĂ©e. 18 BOOKSMARKET Qui est rĂ©ellement Claire Izard ? — 
 Une folle ! 
 Une gonzesse totalement cinglĂ©e
 Une na- na qui a dĂ©cidĂ© de mettre entre parenthĂšse une vie profes- sionnelle oĂč rien de fĂącheux ne pouvait lui arriver et par-delĂ  de se mettre en danger pour vivre son rĂȘve d’éditer de bons rĂ©cits
 Grande lectrice, elle raisonne en consommatrice
 Elle m’épate, car alors qu’elle dĂ©couvre les affres de la crĂ©ation d’entreprise, rien ne la dĂ©courage
 C’est un monstre de vo- lontĂ© ! D’un naturel rĂ©servĂ©, elle dĂ©teste se mettre en avant, mais elle apprend Ă  une vitesse folle
 Pour le succĂšs de ses auteurs, rien ne lui semble impossible
 Cependant, elle a du caractĂšre et dĂ©teste ĂȘtre prise pour une imbĂ©cile ou qu’on lui manque de respect elle attend de ses publiĂ©s qu’ils travaillent avec application et qu’ils soient les vecteurs constitutifs de la promotion de leurs ouvrages
 Qui est Claire Izard ? Une Ă©di- trice moderne qui, contrairement Ă  des confrĂšres Ă©tablis, n’ac- cepte pas de subir des comportements de diva. Eu Ă©gard aux sacrifices qu’elle s’impose pour sortir de l’anonymat de par- faits inconnus, elle n’est pas prĂȘte Ă  supporter les caprices. C’est difficile de porter un projet d’entreprise ? — ChĂšre Sylvie, vous avez fait votre carriĂšre chez un grand pa- petier et aujourd’hui vous Ɠuvrez au dĂ©veloppement de votre radio
 Donc, vous connaissez la diffĂ©rence entre une structure Ă©tablie et une crĂ©ation d’entreprise dont on pense Ă  tort que c’est un jeu d’enfant
 C’est mĂȘme tout le contraire
 Alors, la crĂ©ation d’une maison d’édition est un pensum... — Je ne dirais pas ça
 Chez IGB, rien n’est rĂ©barbatif... Mais comme je l’ai dĂ©jĂ  dit sur votre antenne
 l’échec peut ĂȘtre fi- nancier, mais l’erreur ne doit pas ĂȘtre humaine
 Pour rĂ©- pondre Ă  votre question
 tout dĂ©pend qui on doit convaincre d’amender son texte pour qu’il soit reçu par son cƓur de cible ou quel texte on corrige
 Cela Ă©tant, notre quotidien est plu- tĂŽt plaisant, car les auteurs IGB sont intelligents
 Ils ne s’ac- crochent pas Ă  leur texte initial comme une moule Ă  son ro- cher
 Ils comprennent les impĂ©ratifs du marchĂ©. Ce sont des gens Ă©quilibrĂ©s
 Ils ont un boulot
 des enfants
 En rĂ©alitĂ©, mĂȘme s’ils ont un autre job, il agissent en professionnels
 Quand on voit avec quelle application Philippe Will a relu le texte de Dealer ou la valse des maudits alors qu’il s’agit d’une réédition, on devine qu’il Ă©crit par plaisir et non pour le plaisir. C’est difficile de vivre de sa plume ? — Oui
 1% seulement des auteurs français perçoivent l’équi- valent de trois fois le SMIC... Cependant, je suis persuadĂ© que des auteurs IGB Ă©mergeront
 Certains seront mĂȘme primĂ©s... Vraiment ? — 
 Si on fait bien notre boulot, il n’y a aucune raison de ne pas y arriver... D’ailleurs, on vient de faire une premiĂšre levĂ©e des fonds sur la base d’un business plan intelligible
 19 BOOKSMARKET À quoi ressemble le plan d’affaires d’un petit Ă©diteur ? — 
 À une feuille de route oĂč l’on dĂ©montre qu’avec des au- teurs dĂ©butants et un circuit commercial Ă©mergeant, on est capable de gĂ©nĂ©rer progressivement du cash
 Quels sont les Ă©cueils Ă  Ă©viter ? — Il y en a deux principaux
 En premier lieu... Il faut Ă©viter de mentir et de se mentir
 Il est indispensable de bĂątir un plan de dĂ©veloppement que l’on peut tenir aprĂšs avoir apprĂ©ciĂ© avec objectivitĂ© l’environnement dans lequel on se situe
 Quand le secteur Ă©ditorial du premier groupe français reprĂ©- sente seulement 280 millions d’euros de chiffre d’affaires, prĂ©- senter des perspectives pharaoniques de retour sur investisse- ment n’est pas crĂ©dible
 Il ne faut jamais oublier qu’une li- brairie est le commerce de dĂ©tail de France le moins rentable. En second lieu, il faut se marier avec les bonnes personnes
 ce qui n’est jamais facile... Vous avez l’expĂ©rience de la crĂ©ation d’entreprise ? — 
 Un peu
 J’ai exercĂ© trois mĂ©tiers
 CrĂ©ateur de jeux de sociĂ©tĂ© et de jouets
 puis, Ă©diteur de livres de voyages
 et crĂ©ateur d’algorithmes de compression des donnĂ©es numĂ©- riques
 Donc
 j’ai fondĂ© ma premiĂšre entreprise Ă  26 ans
 la seconde Ă  33, la troisiĂšme Ă  44 ans et co-fondĂ© IGB Ă  61 ans
 Quand j’ai quittĂ© l’industrie du jouet en 1992, Ernst &Young a estimĂ© que mes inventions avaient engendrĂ© un flux financier supĂ©rieur Ă  100 millions de dollars
 Au cours de ma carriĂšre, j’ai crĂ©e plus de 500 emplois
 et avec mon labo de recherches sur la compression, j’ai levĂ© 12 millions d’euros auprĂšs des hĂ©- ritiers Dassault et Wendel
 Le cabinet amĂ©ricain de propriĂ©tĂ© intellectuelle Dennemeyer avait estimĂ© Ă  trois milliards de dol- lars la valeur potentielle des 101 brevets qui m’avaient Ă©tĂ© dĂ©- livrĂ©s dans 45 pays
 je suis donc familiarisĂ© Ă  la crĂ©ation d’en- treprise et Ă  la crĂ©ation de richesses
. 20 BOOKSMARKET Justement
 quelle est la premiĂšre richesse d’IGB ? — Claire Izard ! Claire Izard et sa facultĂ© Ă  repĂ©rer un rĂ©cit pro- metteur ! À cela rien d’étonnant, les grands Ă©diteurs comme JĂ©rome Lindon des Éditions de Minuit ou Bernard de Fallois des Éditions de Fallois avaient ce don que d’autres ne possĂš- dent pas. C’est ainsi que vous l’avez vendue aux actionnaires ? — Je n’ai pas vendue Claire ! Je l’ai louĂ©e ! LouĂ©e dans tous les sens du terme d’ailleurs, puisque j’ai vantĂ© son expĂ©rience de grande lectrice qui, ayant analysĂ© plus de bestsellers, sait distinguer les passages addictifs des paragraphes moins dynamiques et repĂ©rer les sections inutiles ou les parties sura- bondantes. Sachant que les investisseurs achĂštent le passĂ© afin de se prĂ©munir des risques de l’avenir, j’ai pu convaincre ! Je ne les ai d’ailleurs pas trompĂ©s dans la mesure oĂč les li- braires et les critiques soulignent actuellement la qualitĂ© des sorties IGB du printemps et de l’étĂ©. D’ailleurs, je ne doute pas un instant que les titres d’octobre et de novembre reçoivent les mĂȘmes Ă©loges. Quel est le patrimoine d’une maison d’édition ? — Chez un Ă©diteur Ă©tabli, ce sont ses auteurs bankables et leur capacitĂ© Ă  gĂ©nĂ©rer des revenus futurs. Cela Ă©tant, est-ce valorisable ? Si Guillaume Musso dĂ©cĂšde, Calmann-LĂ©vy vau- dra beaucoup moins, alors que chez IGB, si un auteur fait une chute de poney, ça n’aura aucune incidence ! Est-ce Ă  dire qu’IGB ne vaut rien ? Contrairement aux autres Ă©diteurs, IGB vaut par ses invendus puisqu’elle les valorise auprĂšs de ses abonnĂ©s. IGB vaut Ă©galement par sa capacitĂ© Ă  imaginer la monĂ©tisation des rĂ©cits dont elle a acquis les droits et y com- pris ceux qui peinent Ă  sĂ©duire leur marchĂ©. Vous voulez que je vous explique comment ? Volontiers ! — C’est simple
 AprĂšs s’ĂȘtre adjoint les services d’une boĂźte de communication qui nous donnera plus de visibilitĂ©, puis aprĂšs avoir rĂ©solu le problĂšme des ouvrages non commerciali- sĂ©s en librairie et avoir créé une division Jeunesse en appelant Anna et Emma auprĂšs d’elle, quelle avant-derniĂšre brique de- vra poser Claire pour achever la consolidation de son Ă©difice ? Vous allez me le dire ! — L’audiovisuel, Sylvie ! L’audiovisuel ! Dans moins de six mois, IGB disposera d’une division chargĂ©e de scĂ©nariser et de transformer des histoires en crĂ©ations digitales. Nous possĂ©- dons la matiĂšre premiĂšre qui est constituĂ©e par les rĂ©cits dont nous avons les droits, mĂȘme si certains marchĂ©s comme celui du Young Adult est compliquĂ©. Ensuite sur la base d’un pre- mier Ă©pisode ou d’un pilote significatif, il suffira de monter des co-productions ou de cĂ©der les droits Ă  des boĂźtes de prod ou Ă  des diffuseurs. Ensuite, nous attendrons tranquillement la 21 BOOKSMARKET programmation tĂ©lĂ©visĂ©e pour relancer nos titres et en lancer d’autres dans des formats adaptĂ©s Ă  nos cibles. C’est la raison pour laquelle, j’ai reçu mission de bĂątir un nouveau plan d’af- faires afin de lever des fonds plus consĂ©quents. C’est astucieux ! Quand cette idĂ©e est-elle nĂ©e ? — DĂšs la crĂ©ation de l’entreprise, en janvier 2020 ! Nous dĂ©ve- lopperons Ă©galement le merchandising quand il sera temps ! Quelle est la derniĂšre brique ? — 
 S’attacher les services d’un agent littĂ©raire pour per- mettre Ă  nos auteurs de pĂ©nĂ©trer les marchĂ©s Ă©trangers. Combien de temps avez-vous mis pour lever les fonds et sous quel dĂ©lai pensez-vous boucler le second tour ? — Entre la rĂ©flexion stratĂ©gique ayant imposĂ© Ă  Claire de rĂ©- flĂ©chir aux sacrifices qu’elle devait s’imposer, l’écriture du bu- siness plan et les nĂ©gociations
 quatre mois ont Ă©tĂ© nĂ©ces- saires. Pour la nouvelle levĂ©e de fonds
 douze mois seront indispensables pour lever un Ă  deux millions d’euros. Utiliser une plateforme de financement participatif ne serait pas plus rapide ? — Pfff
 Depuis l’invention de l’imprimerie, des Ă©diteurs ont recours Ă  la souscription
 RĂ©cemment un Ă©diteur de BD Ă©ro- tiques a utilisĂ© Ulule avec succĂšs... Chacun sursoit Ă  ses pro- blĂšmes de trĂ©sorerie comme il le peut
 Cela Ă©tant, si je ne nie pas l’utilitĂ© de cette forme de financement pour des projets humanitaire, je suis circonspect quand il s’agit de crĂ©ation d’entreprise
 Un entrepreneur ne fait pas la manche ! Il met en jeu son patrimoine pour la rĂ©ussite de son projet... Ma- dame Izard se situe dans cette logique ! Elle parle de rĂ©tribu- tion de risques par dĂ©livrance d’actions et non de goodies en Ă©change de dix balles ! Cela Ă©tant
 si ces plateformes peuvent dĂ©clencher le goĂ»t d’entreprendre
 au fond
 pourquoi pas... Combien de titres sortez-vous cette annĂ©e ? — Huit
 soit deux fois plus qu’en 2021. 25 titres sont dĂ©jĂ  programmĂ©s en 2022. À la mi-novembre 2022, IGB comptera plus de 100 rĂ©fĂ©rences. IGB Edition avance trĂšs vite. En juin prochain, le lancement de la collection Frousse d’Enfer va faire mal
 Pendant cinq ans, nous sortirons chaque annĂ©e six Ă  huit titres accompagnĂ©s d’un prĂ©sentoir de 24 Ă  32 exemplaires
 assortis de l’environnement promotionnel indispensable. Comment avez-vous recrutĂ© les auteurs Jeunesse ? — 
 Le plus simplement du monde
 Cherchant des auteurs irrĂ©prochables Ă  tout point de vue, j’ai sollicitĂ© Aude Hage et Pascal Tissier
 MĂȘme si je ne doute pas que d’autres auteurs IGB pourrait postuler, Claire s’apprĂȘte Ă  lancer un appel Ă  ma- nuscrit afin de complĂ©ter sa collection. 22 BOOKSMARKET Quelles sont les prochaines Ă©tapes ? — Regarder devant nous pour consolider nos acquis et prĂ©pa- rer les campagnes 2022 et 2023. Avec l’arrivĂ©e des Miss, nous allons peaufiner notre catalogue, commencer l’approche au- diovisuel, lancer de nouveaux auteurs et Ă©viter ceux atteints de bouffissure qui Ă  force d’écrire ont les pieds aussi gonflĂ©s que leur orgueil. Ayant la chance d’avoir une Ă©quipe d’auteurs sympas, nous veillerons Ă  la conservation de cette Ă©quilibre
 Enfin Ă  titre personnel, je vais mettre les bouchĂ©es doubles pour que Claire Izard se concentre sur ce qu’elle aime faire
 c’est-Ă -dire lire et promouvoir ses titres et ses auteurs. Comment voyez-vous l’avenir ? — Il sera celui que Madame Izard dessinera
 Dans trois ans, elle aura sorti une soixantaine de titres et lancĂ© une trentaine d’auteurs dont elle aura formĂ© la plupart. Alors, elle prendra la dĂ©cision de continuer ou de choisir une vie moins stressante
 Quel conseil donneriez-vous Ă  un auteur ? — Au plan littĂ©raire
 aucun
 car je n’ai pas encore fait mes preuves
 En tant qu’éditeur
 je conseillerais au postulant de suivre notre sens du marchĂ©, puisque rien n’est plus difficile que de prendre du recul par rapport Ă  son texte... Comment voyez-vous votre avenir ? — Claire m’a demandĂ© d’ĂȘtre Ă©diteur
 Je suis Ă©galement ro- mancier
 À la seconde mĂȘme oĂč ce que je fais ne me pas- sionnera plus, j’arrĂȘterai ! Quoi ! Vous arrĂȘteriez d’écrire ? — Croyez-vous que l’annonce de la fin de la carriĂšre de ro- mancier de Marc Gervais plongera la planĂšte dans un blues abyssal ou mettra en pĂ©ril l’économie mondiale ? Cela Ă©tant
 rassurez-vous
 vous n’ĂȘtes pas encore dĂ©barrassĂ©e de moi ! Hahaha
 Marc Gervais, merci ! Un dernier mot ? — Ouais
 abonnez-vous Ă  IGB MAG ! 23 SORTIES NATIONALES 24 SORTIES NATIONALES 9 JUILLET À la Saint-BarthĂ©lemy des camĂ©s, il y avait eu beaucoup de faux semblants et d’écrans de fumĂ©e
 Brian Jones
 Jimi Hendrix
 Janis Joplin
 Jim Morrison
 Tous fauchĂ©s au sommet de leur gloire
 Ă  vingt-sept ans ! Et si Ă  la fin des sixties, l'Ă©pidĂ©mie d'overdoses ayant dĂ©cimĂ© les plus grandes stars du rock ne devait rien au hasard ? Quelques semaines aprĂšs la disparition de Jim Morrison, le corps sans vie de Jean de Breteuil est retrou- vĂ© Ă  Tanger. Overdose. Une de plus ! Dealer des stars et star des dealers, il fournissait l'hĂ©roĂŻne la plus pure. La plus dangereuse aussi ! ÉlevĂ© par sa mĂšre dans le Marrakech des annĂ©es soixante, il Ă©tait programmĂ© pour re- prendre les rĂȘnes de l'empire de presse familial. HĂ©las, il choisira un autre destin. Si son implication dans la disparition de Jim Morrison ne fait plus de doute aujourd’hui — des tĂ©moins affirment avoir aperçu sa voiture sur le parking du Landmark HĂŽtel la nuit oĂč Janis Joplin a trouvĂ© la mort — Jean cĂŽtoyait Ă©galement Brian Jones et Jimi Hendrix... Une plongĂ©e vertigineuse au cƓur du plus grand mystĂšre de l’Histoire du rock ! Format 140 x 230mm 424 pages Prix public 19,90€ pass MAG NoĂ«l 2021 25 SORTIES NATIONALES 1er CHAPITRE 1 Le singe en lui s’était Ă©veillĂ© bien avant qu’il ne reprenne conscience. Tapi dans un repli de son hypophyse, il en Ă©tait encore aux manƓuvres d’approche. BientĂŽt, les mots doux feraient place Ă  une plainte sourde puis lancinante et le ma- caque Ă©voluerait vers quelque chose de plus menaçant une chose aux doigts griffus et aux dents acĂ©rĂ©es, qui le laisserait pantelant de sueur aigre sur son lit aux draps chiffonnĂ©s. Grappiller quelques minutes sur le commencement des opĂ©rations Ă©tait l’une de ses derniĂšres distractions. Une sorte de jeu pervers par lequel Jean rythmait ses journĂ©es et entre- tenait l’illusion d’un plaisir qui ne rĂ©sidait plus que dans l’interruption du cauchemar qui le prĂ©cĂ©dait. Tous les subterfuges Ă©taient bons pour repousser la li- mite contempler jusqu’à l’évanouissement les frises entre- lacĂ©es Ă  la surface du plafond, se concentrer sur les insectes virtuels Ă  la pĂ©riphĂ©rie de sa vision
 Jusqu’à ces derniĂšres semaines, il parvenait encore Ă  lire quelques lignes de la pile de journaux que l’on continuait Ă  dĂ©poser sur sa table de nuit, souvenir du temps aujourd’hui rĂ©volu oĂč il Ă©tait programmĂ© pour reprendre l’empire et de- venir, Ă  son tour, le Citizen Kane du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest. DĂ©sormais, c’était au-dessus de ses forces l’AmĂ©rique pouvait patauger autant qu’elle le voulait dans les riziĂšres vietnamiennes et les nuages s’amonceler dans le ciel du Pakistan. Rien de tout cela n’allumait plus la moindre lueur dans ses neurones fatiguĂ©s. À prĂ©sent, le singe possĂ©dait la taille d’un monstre de foire, ses yeux d’émeraude luisaient dans la semi-pĂ©nombre. À l’évidence, la phase amiable des nĂ©gociations Ă©tait sur le point de s’achever. Peu Ă  peu, Jean sentait une gangue de douleur l’envelopper. Un bourdonnement progressif qui vril- lait ses tempes et comprimait ses cĂŽtes. Ses os Ă©taient aussi 26 SORTIES NATIONALES froids que des morceaux de banquise et sa chair plus brĂ»lante que les flammes de l’enfer. Il allongea le bras. Un instant ses doigts s’attardĂšrent sur la face argentĂ©e de Dionysos, puis aprĂšs avoir ouvert l’écrin de bois prĂ©cieux, il en Ă©tala le contenu devant lui, ajusta ce qui devait l’ĂȘtre et nettoya les diffĂ©rents ustensiles. Lorsque le mĂ©lange fut prĂȘt, il entortilla un serpent brun autour de son bras gauche. Sous ses dents, le caoutchouc avait un goĂ»t pharmaceu- tique et rassurant. Il sentit Ă  peine l’aiguille fouiller sa chair. AprĂšs avoir observĂ© le reflux d’hĂ©moglobine fleurir la se- ringue translucide, il repoussa le piston vers l’avant et se dĂ©- barrassa de l’étreinte du garrot. Une dĂ©ferlante de chaleur s’empara de lui, mais rien de spectaculaire. En ce qui le con- cernait, la corolle orgasmique accompagnant le rush de l’hĂ©- roĂŻne n’était qu’un lointain souvenir. Dehors, le souffle du vent du nord se calmait peu Ă  peu. La mort Ă©tait le cas de figure le plus probable. Pour autant, vivre continuait Ă  faire partie de ses prioritĂ©s. Seulement la rĂ©solution de ce paradoxe ne dĂ©pendait plus de lui
 À la Saint-BarthĂ©lemy des camĂ©s, il y avait eu beaucoup de faux-semblants et d’écrans de fumĂ©e. Dommage qu’il ait Ă  ce point tardĂ© Ă  s’en rendre compte
 Il ferma les yeux. Quelque part au fond de lui, le singe en fit autant
 27 SORTIES NATIONALES 28 SORTIES NATIONALES 9 JUILLET InfluencĂ© par Alain Damasio, le scĂ©nario est dense et les scĂšnes d'action sont efficaces. Un vrai coup de cƓur pour cette plume prĂ©cise et fluide ! Paris 2034. Fred est effrayĂ©, l’enfer a frappĂ© Ă  sa porte les habita- tions sont vides, les rues sont dĂ©sertes, du sable noir jonche le sol ! Sa femme, ses amis et ses voisins ont disparu. Il est SEUL ! Du moins le croit-il ! PourchassĂ© par des mercenaires, comment survi- vra-t-il dans un univers dont la destruction a Ă©tĂ© pensĂ©e par un scientifique mĂ©galomane ? Fred comprendra-t-il que son passĂ© est Ă  l’origine du cataclysme ? Appartiendra-t-il au cercle restreint des 144 000 humains appelĂ©s Ă  reconstruire le monde ? Un thriller post-apocalyptique prĂ©cis et millimĂ©trĂ© ! Une intrigue soutenue par de multiples rĂ©vĂ©lations ! Format 140 x 230mm 464 pages Prix public 19,90€ pass MAG NoĂ«l 2021 29 SORTIES NATIONALES 1ers CHAPITRES 1 Le lanceur d’alerte Le jour d’avant, 23 h 55. C’est pour cette nuit ! Enfer- mez-vous dans les abris que vous avez construits et n’en sortez surtout pas avant mon signal ! Si par malheur, je ne parvenais pas Ă  vous recontacter, laissez passer trois jours avant de mettre le nez dehors. Sans repĂšre naturel, vous risquez de perdre toute notion du temps. Fiez-vous Ă  votre horloge biolo- gique ! Jusqu’à prĂ©sent, si vous avez suivi mes conseils vous ne risquez rien. Continuez Ă  me faire confiance ! Nous vivons les derniĂšres heures d’un monde que nous verrons disparaĂźtre. L’Histoire est une alternance perpĂ©tuelle de pĂ©riodes plus ou moins difficiles. La guerre, la paix ! La rĂ©cession, la prospĂ©ritĂ© ! La vie et la mort. On n’en sort jamais indemne, rien ne sera ja- mais plus comme avant. À bientĂŽt. Je l’espĂšre de tout mon cƓur ! Assis devant l’écran de son ordinateur, LĂ©onard se de- mande si tout cela a encore un sens. Pris d’un doute, il s’ac- corde quelques secondes pour rĂ©flĂ©chir Ă  la suite des Ă©vĂšne- ments. D’aprĂšs ses calculs, on est arrivĂ© au stade ultime du processus de destruction nul n’échappera Ă  la tempĂȘte la plus puissante de toute l’Histoire de l’humanitĂ© ! Avant de relire son texte, il inspire pour se donner du courage, tant il souhaite employer les mots justes. Quand il est certain d’avoir trouvĂ© la formulation adĂ©quate, il poste le message sur la page d’accueil de son blog avec la sensation Ă©pouvan- table de jeter une bouteille dĂ©risoire Ă  la mer. 30 SORTIES NATIONALES 2 PremiĂšres angoisses Le jour d’aprĂšs, 11 h 47. La terre hurle. PerchĂ© au sommet du Grand Canyon, j’entends sa voix. Elle s’échappe de gorges bĂ©antes qui dĂ©coupent le paysage Ă  perte de vue. Un hurlement d’une intensitĂ© sans Ă©gale portĂ© par un vent brĂ»lant qui monte depuis le fond du prĂ©cipice et me glace les sangs. Sans ce cauchemar insensĂ©, j’aurais sans doute pu dormir quelques heures de plus. CalĂ© au fond de mon lit, j’enfouis ma tĂȘte dans l’oreiller. AprĂšs quelques secondes, agacĂ© par une sonnerie lancinante, je me rĂ©sous Ă  ouvrir les yeux. Ils baignent dans un brouillard Ă©pais que je tente de chasser par un battement de cils. Le bruit provient de la rue. Il doit s’agir d’une alarme de voiture. Nous sommes au mois de mars. Le soleil n’est pas encore Ă  son zĂ©nith. Pourtant, j’ai la sensation que la luminositĂ© est aussi forte qu’en plein jour — Lucy ! On s’est pas rĂ©veillĂ© ! m’exclamĂ©-je avec un certain dĂ©couragement. Je suis fatiguĂ©. L’idĂ©e de devoir me prĂ©parer en quatriĂšme vitesse ne m’enchante guĂšre. D’un geste las, ma main balaie en vain les draps Ă  la recherche de Lulu. Lulu ? C’est le sur- nom de ma petite femme. Je ne m’inquiĂšte pas de ne pas la trouver comme il fait Ă©tonnamment chaud en cette fin d’hi- ver, elle a dĂ» se dĂ©couvrir dans son sommeil. NĂ©anmoins, lorsque je tourne la tĂȘte pour vĂ©rifier, je suis seul ! Dehors, l’alarme continue de retentir. Elle tourne en boucle comme un refrain insupportable. Je me redresse, jette un Ɠil par la fenĂȘtre et maugrĂ©e — Lulu ? Quelle heure est-il ? On est en retard ! 31 SORTIES NATIONALES Comme mon Ă©pouse ne rĂ©pond pas, je me lĂšve, attrape un peignoir Ă  la volĂ©e et me dirige vers notre salon plongĂ© dans la pĂ©nombre. J’appuie sur l’interrupteur pour vĂ©rifier ce que je soupçonne dĂ©jĂ  une panne d’électricitĂ© s’ajoute Ă  la somme de mes contrariĂ©tĂ©s. À l’extrĂ©mitĂ© du sĂ©jour, je trouve le disjoncteur et tente de le remettre en marche rien ! Comprenant alors qu’il s’agit d’une panne de secteur, je re- tourne Ă  tĂątons dans ma chambre en pensant Ă  Lucy. Elle a dĂ» partir tĂŽt. Je crois qu’elle avait une rĂ©union. À vrai dire, je n’en sais rien. Je n’ai pas les idĂ©es claires. En passant de- vant la salle de bains, j’aperçois mon visage dans le miroir. J’ai une sale gueule. Mes yeux sont rouges et cernĂ©s. Mal rasĂ©, les cheveux en bataille, j’ai du mal Ă  me reconnaĂźtre. Je caresse ma barbe naissante, Ă©tonnĂ© qu’elle ait autant poussĂ© durant la nuit. J’ai dĂ» oublier de me raser hier matin. Il faut que je tĂ©lĂ©phone Ă  Lucy. Au pied de mon lit, je rĂ©cupĂšre mon smartphone. À cet instant, je m’aperçois qu’il est dĂ©chargĂ©. Levant les yeux au ciel, j’ai la dĂ©sagrĂ©able sensation que le sort s’acharne et peste Ă  haute voix comme pour le conjurer — Fais chier, merde ! Ayant le sentiment d’avoir trop dormi ou pas assez, j’ai besoin d’un cafĂ© pour me rĂ©veiller. Dans le placard de la cui- sine il y a ma trousse de secours ». SpĂ©cialement conçue pour les pannes d’électricitĂ©, elle contient mon kit de survie filtre, cafĂ© et briquet. Engourdi par le sommeil, je remplis une casserole d’eau. J’allume le gaz qui s’enflamme en cou- ronne autour du brĂ»leur et contemple l’amĂ©nagement de mon loft. Ma cuisine s’ouvre sur le salon dont les combles ont Ă©tĂ© entiĂšrement dĂ©gagĂ©s. L’ensemble offre une belle hauteur sous faĂźtage. J’aime particuliĂšrement le cadre en acier de la baie vitrĂ©e qui dĂ©core harmonieusement la piĂšce. Cet endroit m’a toujours invitĂ© Ă  la rĂ©flexion. Mais alors que je bois mon cafĂ© et pense Ă  remplir la cou- pelle du chat, mon regard se pose au pied du canapĂ©. Aban- donnant ma tasse sur la table, je m’approche avec une cer- taine apprĂ©hension de ce qui ressemble Ă  de la terre. Je m’ac- croupis, tends la main et dĂ©couvre une pyramide de quelques 32 SORTIES NATIONALES centimĂštres de hauteur. Ce n’est pas de la terre, mais du sable ! Du sable ? Oui ! Du sable noir comme on en trouve dans les Ăźles volcaniques ! Les yeux Ă©carquillĂ©s, j’en prends une poignĂ©e et relĂšve la tĂȘte pour vĂ©rifier le plafond. Les poutres sont intactes. Aucun interstice ne permet de laisser filtrer la moindre matiĂšre. Du- bitatif, je me mets Ă  quatre pattes, me penche et regarde sous le canapĂ© rien ! Dehors, l’alarme continue de retentir. Les grains de sable filent entre mes doigts. Comme au ralenti, je visualise alors les derniĂšres minutes le rĂ©veil, l’absence de Lucy et cette sonnerie Ă©pouvantable. GagnĂ© par l’anxiĂ©tĂ©, j’inspire profon- dĂ©ment. Face Ă  un puzzle qui m’affole, je n’y comprends plus rien ! Calme-toi Fred ! Rassemble tes idĂ©es ! TĂ©lĂ©phone Ă  Lucy ! m’intimĂ©-je en m’habillant en toute hĂąte pour aller emprunter un tĂ©lĂ©phone Ă  mon voisin. À cet instant, je suis loin d’imaginer ce qui est advenu, ce qui va m’arriver et en- core moins ce qui s’est tramĂ© dans le monde pendant mon sommeil. 33 34 SORTIES NATIONALES 25 AOUT J’ai vingt ans. Mon pĂšre est l’amour de ma vie. Je m’appelle Rubis. J’ai de vilaines pensĂ©es autour de moi les mĂ©chants tombent comme des mouches. Je n’ai aucune excuse, je suis nĂ©e dans les beaux quartiers de Paris. Donc, loin de la Vologne et du petit GrĂ©gory. J’étais heureuse, j’étais Ă©tudiante Ă  Boston. Suite aux attentats du 11 septembre, ma vie a basculĂ© en une se- conde ! J’ai appris l’existence d’un grand-pĂšre dont ma famille ne m’avait jamais parlĂ© et que mon pĂšre n’était pas mon gĂ©niteur ! ExpulsĂ©e des États-Unis en attendant de prouver mon innocence, je suis partie Ă  la recherche de mes ori- gines. J’ai dĂ©couvert des secrets familiaux sordides datant de la Seconde Guerre mondiale. On a blessĂ© papa, on m’a fait du mal
 alors, je me suis vengĂ©e ! Si vous pensez que je suis possĂ©dĂ©e et que cela vous effraie, n’ou- vrez pas ce livre j’ai le don d’entraĂźner tout le monde dans des histoires de dingues ! DĂšs les premiĂšres lignes, vous lirez jusqu’au bout de la nuit ! GeneviĂšve. Libraire. Paris Format 110 x 178mm 464 pages Prix public 9,90€ pass MAG NoĂ«l 2021 35 SORTIES NATIONALES 1er CHAPITRE 1 Faites entrer l’accusĂ©e ? À vingt ans, on est immortel. Du moins, on le croit. On n’imagine pas avoir quarante ans ni ressembler un jour Ă  sa grand-mĂšre. On se lĂšve, on balbutie, on s’endort. Rien ne peut arriver, l’avenir est abs- trait, le futur se borne aux Ă©chĂ©ances immĂ©diates une fĂȘte, un exa- men, un rendez-vous. Notre existence se rĂ©sume Ă  l’instant, on ne se projette pas, on mĂ©morise le passĂ© pour retenir l’essentiel un regard, un baiser, une caresse. Le cƓur battant, le fard aux joues, le souffle court, on s’affranchit des interdits. On aimerait ĂȘtre plus ĂągĂ©e, grandir plus vite, mais surtout ne pas vieillir. On passe des heures devant un miroir, on se dĂ©teste, on envie la silhouette de sa meilleure ennemie. Puis on franchit le cap qui autorise Ă  ĂȘtre de mauvaise humeur cinq jours par mois l’enfance s’éloigne. Notre corps prend forme on part Ă  sa dĂ©couverte, seule ou sur les conseils d’une copine. On s’ob- serve, et on exĂšcre ce qui est toujours trop ou pas assez. Ensuite, on ne comprend plus rien les parents deviennent stu- pides, sourds, ou aveugles. On pleure d’ĂȘtre incomprise, mais on adore ĂȘtre regardĂ©e. Un copain, un voisin, un cousin ? Peu importe, on redevient l’objet de toutes les attentions. En fait, ce qui prĂ©cĂšde ne vaudrait pas la peine d’ĂȘtre exposĂ©, si ma vie n’avait pas basculĂ© en une fraction de seconde. En rĂ©alitĂ©, le terme est impropre. Mon exis- tence n’a pas Ă©tĂ© secouĂ©e par un mouvement de balancier, les murs ne se sont pas lĂ©zardĂ©s. Je ne suis pas passĂ©e de la lumiĂšre Ă  l’ombre, du bonheur Ă  l’incomprĂ©hension, ou du rire aux larmes. Ce fut pire, je n’ai rien vu venir. En un instant, la nuit s’est exonĂ©rĂ©e des contraintes du temps, le sol s’est ouvert, la terre m’a engloutie. Sur un mot, une rĂ©primande, ou une lettre anonyme, la haine m’a emportĂ©e. Plus tout Ă  fait adolescente ni tout Ă  fait femme, je n’étais pas prĂȘte Ă  ĂȘtre cata- pultĂ©e dans un univers oĂč rien ne prĂ©dispose une fille Ă  subir ce que l’on m’a infligĂ©. J’ai vingt ans. 36 SORTIES NATIONALES Étant appelĂ© Ă  me juger, votre tĂąche s’annonce pĂ©rilleuse et vous risquez d’ĂȘtre déçu je suis banale, ordinaire, dramatiquement quel- conque. Hormis un prĂ©nom dont on m’a affublĂ© Ă  une Ă©poque oĂč toutes les filles s’appelaient CĂ©line, AurĂ©lie ou encore Virginie, vous ne dĂ©cĂšlerez chez moi aucune originalitĂ©, aucun traumatisme ni stig- mate qui me disculperaient. Je n’ai aucune excuse je suis nĂ©e dans l’un des plus beaux quartiers de Paris. Donc loin de la Vologne et du petit GrĂ©gory. Je n’ai pas de circonstances attĂ©nuantes ! Je ne suis pas le produit d’un acte incestueux, d’un plan cul Ă  l’arriĂšre d’une voi- ture, ou la consĂ©quence d’une pilule oubliĂ©e. AprĂšs une grossesse difficile, ma mĂšre a mĂȘme renoncĂ© Ă  sa carriĂšre pour s’occuper de moi. Pendant prĂšs de vingt ans, j’ai cru ĂȘtre une fille unique dans tous les sens du terme jusqu’à ce que les flics amĂ©ricains m’immergent dans les secrets sordides d’une famille dĂ©composĂ©e. Comment en suis -je arrivĂ©e lĂ  ? Il est naturel de se poser la question. J’y ai beaucoup rĂ©flĂ©chi, je n’ai pas de rĂ©ponse. J’ai disjonctĂ©. Je ne sais pas pourquoi j’ai franchi la ligne jaune. C’est comme ça, c’est tout ! Pourtant, ma vie Ă©tait belle. Je n’ai pas manquĂ© d’amour. En fait, je n’ai manquĂ© de rien. Je n’ai pas changĂ© de maison un week-end sur deux ni frĂ©quentĂ© un beau-pĂšre, ou la derniĂšre conquĂȘte d’un pĂšre volage. Je ne suis pas tombĂ©e sous l’influence d’un type qui m’a entraĂźnĂ©e dans des dĂ©rives sectaires. Je n’étais pas perdue. Je ne suis pas partie Ă  la recherche d’une cause, d’un combat, ou d’un dieu qui aurait souhaitĂ© que l’on s’entretue en son nom. Au contraire, j’ai Ă©tĂ© cocoonĂ©e par un couple qui me servait de modĂšle. Mes parents Ă©taient profondĂ©ment Ă©pris. Papa regardait ma- man, et ma mĂšre ne concevait pas un instant sans lui. La maison Ă©tait calme. Je n’ai jamais entendu un cri, surpris une attitude Ă©quivoque, ni devinĂ© avoir Ă©tĂ© l’objet de dissensions. Ils ont toujours parlĂ© d’une voix unique il suffisait que l’un dĂ©cide pour que j’obĂ©isse Ă  l’autre. De fait, je ne leur ai posĂ© aucun problĂšme particulier. ClassĂ©e Enfant Intellectuellement PrĂ©coce par l’Éducation Nationale, mes rĂ©sultats ont toujours Ă©tĂ© ceux pour lesquels mon pĂšre m’a formĂ©e. Je suis une Ă©ponge il suffit que j’écoute pour comprendre, il suffit que je lise pour rĂ©citer. MalgrĂ© tout, l’apprentissage fut douloureux. J’aimais les histoires de princesses, papa rĂȘvait d’avoir un petit mec jusqu’à ce que mon corps ressemble Ă  celui de ma mĂšre, il me surnommait Char- 37 SORTIES NATIONALES lie. Pour voir ses yeux briller, j’ai pratiquĂ© la boxe, fait du krav-maga et jouĂ© au foot, mais il ne m’a rien Ă©pargnĂ©. Souvent punie, rarement fĂ©licitĂ©e, je n’ai jamais usĂ© de mes charmes comme ces collĂ©giennes qui exacerbent la faiblesse des hommes mĂ»rs pour trouver le papa gĂąteau leur faisant dĂ©faut j’étais plutĂŽt sage. Alors ? Alors quoi ? Qu’auriez-vous fait Ă  ma place ? J’ai fait comme toutes les filles qui ne veulent pas dĂ©cevoir leurs parents j’ai cachĂ© mes bĂȘtises, dissimulĂ© mes peines, masquĂ© mes larmes. En rĂ©a- litĂ©, j’ai appris Ă  dire Ă  mon pĂšre ce qu’il voulait entendre. Il voulait un garçon, j’en ai le caractĂšre. Il voulait un soldat, j’en ai la rĂ©sistance mĂȘme si je suis Ă  l’opposĂ© des adolescentes narcissiques qui se dĂ©- couvrent un trouble de la personnalitĂ© limite pour excuser leurs ca- prices de mĂŽme en quĂȘte d’amour filial. Papa rĂȘvant de Polytechnique, du bicorne et du dĂ©filĂ© du 14 juillet sur les Champs-ÉlysĂ©es, mon unique rĂ©bellion fut de choisir Harvard, Boston et la cĂŽte Est des États-Unis. Naturellement, je sais dĂ©sormais qu’ĂȘtre allĂ©e en AmĂ©rique a Ă©tĂ© un choix funeste. Mais comment de- viner qu’un 11 septembre le monde saisi d’effroi m’entraĂźnerait dans sa chute abyssale ? SincĂšrement, vous saviez ce qui se produirait ce jour-lĂ  ? Mon Dieu, comme je peux ĂȘtre naĂŻve vous n’intervenez pas sur Terre pour endiguer les tragĂ©dies, mais pour enregistrer les rĂ©- ponses, jauger du degrĂ© de culpabilitĂ©, et espĂ©rer une rĂ©demption ! Alors dans ce cas, j’avoue ma surprise d’avoir Ă©tĂ© autant impactĂ©e alors que ma gĂ©nĂ©ration espĂ©rait tant dans ce nouveau millĂ©naire. L’Internet venait d’arriver, un vent de libertĂ© soufflait sur la planĂšte, on avait mĂȘme oubliĂ© la suffisance de vos insuffisances. AprĂšs deux mille ans de Guernica, de Shoah et d’Hiroshima, nous imaginions un univers enchantĂ© les voitures voleraient dans le ciel, les cimes des arbres tutoieraient les nuages, nul ne mourrait plus de faim, de soif et de chagrin. Je vous Ă©tonne ? C’est normal, vous ne me connaissez pas. Je m’appelle Rubis. Oui, Rubis comme la pierre de joaillerie ! Rubis comme le bijou des rois, des dragons, des chimĂšres. S’il vous plaĂźt, ne souriez pas Ă  lui seul, ce prĂ©nom hors du temps, hors des modes, et hors de tout rĂ©sume mon destin. Selon une lĂ©gende, j’ai Ă©tĂ© conçue Ă  38 SORTIES NATIONALES Venise par une nuit de la Saint-Valentin dans la douceur d’une suite de l’hĂŽtel Danieli. Officiellement nĂ©e soixante-trois jours avant terme le 11 septembre 1981, je suis officieusement morte vingt ans plus tard. Je ne suis pas sotte ! Je sais bien que morte ne signifie pas ĂȘtre dĂ©cĂ©dĂ©e. DĂ©cĂ©dĂ©e, je ne le suis pas encore, c’est pour bientĂŽt. Vous ne comprenez pas ? Je reprends depuis le dĂ©but. Je suis Rubis Bouviers, avec un s » Ă  la fin je dois mon prĂ©nom Ă  une mĂšre qui voulait un joyau. Au dĂ©part, elle avait choisi Jade, mais papa espĂ©rait plus brillant. C’est la raison pour laquelle je porte le nom d’une pierre prĂ©cieuse qu’il a mise sous cloche jusqu’à mon dĂ©part aux US. Il m’a choyĂ©e, protĂ©gĂ©e, Ă©duquĂ©e, mais en rĂ©alitĂ© j’étais en libertĂ© surveillĂ©e. Quand vint le temps des premiers Ă©mois et des seconds aussi, j’ai menti. Rien d’important des mensonges de nanas ! Des bobards sans consĂ©quence, pour respirer, pour marcher seule. Ne faites pas semblant d’ĂȘtre offusquĂ© une ado sans secret ne se construit pas ! En tout cas, mes petits arrangements avec la vĂ©ritĂ© Ă©taient bien innocents par rapport Ă  ce que le FBI m’a rĂ©vĂ©lĂ©. Com- ment aurais-je pu imaginer que des parents soient capables de mysti- fier leur enfant Ă  ce point ? Ils m’ont dĂ©truite ! J’ai cru ne jamais pou- voir m’en relever. Pour avoir trop pleurĂ©, dĂ©sormais mon cƓur est sec. Quand je l’écoute battre, j’ai l’impression de jouer Ă  la marelle sur des branches mortes. Pourquoi ? Vous ĂȘtes sĂ©rieux ? Comment cela peut-il vous Ă©ton- ner ? Vous croyez tout savoir, tout maĂźtriser, tout contrĂŽler ? À vous, rien n’échappe ? En ĂȘtes-vous persuadĂ© ? On vous a toujours tout dit ? Soyez honnĂȘte, on ne vous a jamais rien cachĂ© ? Rassurez-vous, je ne suis pas cinglĂ©e ! Je ne suis pas une Illuminati hurlant au com- plot on a marchĂ© sur la lune, Elvis est mort, la Terre est ronde ! Soyons clairs, je n’ai jamais pensĂ© que la crucifixion Ă©tait un jeu sexuel entre adultes consentants ayant mal tournĂ© ! Comme toutes les petites filles, je croyais que les papas disent la vĂ©ritĂ© et que les ma- mans ne dissimulent rien ! J’avais confiance, j’ai eu tort, je me suis trompĂ©e ! Sur eux, sur moi ! Qu’ai-je ressenti ? À votre avis ? PassĂ© le temps de la stupĂ©fac- tion, j’ai compris que Charlie avait Ă©tĂ© prise pour une imbĂ©cile depuis sa naissance, que Rubis ne serait pas celle qu’elle devait devenir, que 39 SORTIES NATIONALES j’avais bossĂ© pour rien ! L’amertume me submergeant, j’ai dĂ©cidĂ© de partir Ă  la recherche de mon passĂ©. Puis lorsque j’ai dĂ©couvert le cal- vaire de mon pĂšre, je n’ai eu de cesse de vouloir chĂątier les crimes impunis. Comme vous le constaterez, j’assume ĂȘtre l’enfant de ChloĂ© et de Paul. ChloĂ©, c’est ma mĂšre. Elle a quarante-deux ans. 1m75. Elle est Ă©lancĂ©e. Elle ne paraĂźt pas son Ăąge, elle est belle, elle est brune. D’aprĂšs ce que l’on m’a dit, on se ressemble beaucoup. Elle m’a lĂ©guĂ© une poitrine Ă  la rondeur parfaite et l’intensitĂ© de ses yeux verts. J’ai empruntĂ© sa voix rauque, ses doigts effilĂ©s, et la sensualitĂ© de lĂšvres dĂ©licatement charnues. MĂȘme corps, mĂȘme taille je lui pique ses fringues, ses chaussures, ses sacs Ă  main. Elle planque sa lingerie, mais elle m’a toujours cou- verte vis-Ă -vis de papa lorsque je laissais traĂźner au pied de mon lit ses body Aubade ou l’un de ses tangas en dentelle de Calais. Si cer- tains ont eu une mĂšre, mais pas de maman, moi j’ai eu les deux. Ma- man est ma mĂšre, ce n’est pas ma copine. Une mĂšre dont les mots soulagent, dont le regard rassure, dont les caresses apaisent. Une mĂšre ! Ma mĂšre Ă  moi ! Une maman rien qu’à moi ! Je lui dois beaucoup. Renonçant Ă  sa carriĂšre d’analyste financiĂšre et Ă  la possibilitĂ© de travailler avec papa, elle a fait passer ma vie avant la sienne. Longtemps, elle a Ă©tĂ© mon refuge quand mon pĂšre revenait inlassablement sur les dĂ©clinaisons latines, les Ă©quations Ă  trois inconnues, ou me saoulait avec Platon. Depuis que je suis Ă  Har- vard, elle est ma confidente je l’appelle quasiment chaque jour, mĂȘme si elle reste avant tout l’épouse de Paul. Paul Bouviers, mon pĂšre ! Paul Bouviers ! Cinquante-huit ans, 1m82, svelte. Des cheveux poivre et sel Ă  faire exploser les ventes de dosettes de cafĂ©, des traits d’une finesse insensĂ©e, un timbre de voix irrĂ©sistible. PlutĂŽt rĂ©servĂ©, ses mots et sa capacitĂ© Ă  montrer ses Ă©motions sont tellement rares que je me demande comment il a fait pour sĂ©duire maman. Si je lui trouve des dĂ©fauts, il n’a que des qualitĂ©s depuis que j’ai ouvert les yeux, je crĂšve littĂ©ralement pour ce mec. Mais la rĂ©ciproque est vraie ! Quand maman a accouchĂ©, papa a refusĂ© de couper le cordon. 40 SORTIES NATIONALES Pour tout vous dire, moi non plus ! J’ai essayĂ©, mais je n’y suis ja- mais rĂ©ellement parvenue. J’ai hĂ©ritĂ© de mon pĂšre un esprit aiguisĂ©, un sens de l’humour par- ticulier, et le goĂ»t de l’effort. Cependant, il m’a transmis son carac- tĂšre je suis entĂȘtĂ©e, boudeuse et rancuniĂšre. Qu’est-ce que l’on a pu se disputer ! Il ne voulait pas cĂ©der, je lui tenais souvent tĂȘte. De vous Ă  moi, je crois que ça lui plaisait. Quoi qu’il en soit, je lui suis recon- naissante de m’avoir acceptĂ©e. Alors qu’il attendait un garçon, il vit arriver une grande prĂ©maturĂ©e, rose comme un cochon, et couverte de poils bruns. NĂ©anmoins entre nous, ce fut fusionnel mon pĂšre a pas- sĂ© la premiĂšre annĂ©e de mon existence Ă  veiller sur mon sommeil, maman le retrouvait parfois endormi sur le sol Ă  cĂŽtĂ© de mon berceau. Ensuite il a surveillĂ© mes devoirs, puis scrutĂ© mes frĂ©quentations jus- qu’à ce que je rĂ©ussisse Ă  m’enfuir Ă  Harvard. Au cours de l’étĂ©, un homme avait secrĂštement pansĂ© mes blessures, j’avais besoin de par- tir loin, de m’affranchir, de mĂ»rir. C’est pourquoi j’ai crisĂ© lorsque Papa s’est fait durablement muter Ă  Wall Street ! New York-Boston, une heure de vol ! L’imaginant dĂ©jĂ  tous les soirs devant la grille du campus, je l’ai trĂšs mal pris ! Je lui ai balancĂ© des horreurs Ă  la figure. Nous sommes restĂ©s fĂąchĂ©s deux ans, au point de ne pas nous parler. Quand Maman traversait l’Atlantique pour me cĂąliner, papa restait Ă  New York. Il lui promettait de m’appeler, je lui jurai de le faire. Mais Ă©duquĂ©e Ă  ĂȘtre la plus forte, j’ai attendu son appel qui finit par arriver trois jours avant mon vingtiĂšme anniversaire. J’étais folle de joie, mais je n’ai rien laissĂ© paraĂźtre. Pour quelles raisons ? J’avais lu la dĂ©ception dans ses yeux quand je lui ai lancĂ© entre autres qu’il me faisait chier je ne savais pas comment m’excuser. ImmĂ©diatement aprĂšs, j’ai eu envie de le pren- dre dans mes bras, mais j’ai eu peur qu’il me repousse, car contraire- ment Ă  ce que vous pourriez penser, je suis infiniment respectueuse. D’ailleurs jusqu’à trĂšs rĂ©cemment, mon naturel enjouĂ© faisait l’unani- mitĂ©. Sans me vanter, on me trouve charmante contrairement Ă  Paul Bouviers, je suis sociable. Je ne rĂ©serve pas exclusivement mon re- gard, et mes mots Ă  ceux que j’aime. Mais Ă©levĂ©e comme un petit 41 SORTIES NATIONALES mec, je suis de surcroĂźt le produit d’une nouvelle gĂ©nĂ©ration. Ne faites pas attention Ă  ce que l’on dit quel que soit notre milieu social, que l’on soit une fille ou un garçon quand quelque chose nous em- merde, on n’hĂ©site pas Ă  dire que ça nous casse les couilles ! Suis-je allĂ©e jusque-lĂ  avec mon pĂšre ? Oui, malheureusement ! Je me suis exprimĂ©e comme ça en juin 1998. Pourtant j’étais prĂ©venue maman m’avait recommandĂ© de me prĂ©occuper du monde qui m’en- toure. Quand le malheur frappe, on dĂ©plore avoir blessĂ©, ignorĂ©, ou- bliĂ©. Pour ma dĂ©fense, je ne connaissais pas l’enfance de Paul Bou- viers je croyais qu’il refusait de voir sa fille s’envoler. Or pour moi, c’était vital malgrĂ© les interventions de maman, et les recommanda- tions de Maria, la concierge de notre immeuble, il Ă©tait tellement om- niprĂ©sent. De la maternelle jusqu’au bac, il n’y eut pas une soirĂ©e sans qu’il ne contrĂŽle mes connaissances. Mozart et Tiger Woods, cela vous dit-il quelque chose ? Comme eux, j’ai Ă©tĂ© formĂ©e pour performer plus vite, plus haut, plus fort. Entre les cours particuliers et les devoirs de vacances, j’ai appris Ă  viser plus loin, Ă  rĂȘver plus grand, Ă  ne jamais relĂącher la pression. Pour moi, Ken n’a jamais Ă©tĂ© le fiancĂ© de Barbie, mais un mot bien utile au Scrabble. Pour ne pas le dĂ©cevoir, vingt fois sur le mĂ©tier je remettais mon ouvrage je de- vais mĂ©riter d’ĂȘtre une Bouviers ! ArrĂȘtez de sourire ! Serait-ce la premiĂšre fois que vous rencontrez une fille dingue de son pĂšre parce qu’il est le seul homme Ă  n’avoir jamais cessĂ© de la regarder ? Pour plaire Ă  celui-ci, j’ai engrangĂ© les points, collectionnĂ© les bons points, dĂ©multipliĂ© les mentions. Vous imaginez comment j’ai pu rĂ©agir trois jours aprĂšs ne pas avoir cĂ©lĂ©brĂ© mon anniversaire quand on m’a dit que j’avais Ă©tĂ© Ă  deux doigts de rĂ©ussir. Quelle ex- pression cynique ! Elle ne veut rien dire ! Deux doigts, c’est ce qui sĂ©pare le second du premier, le romancier de l’écrivain, le musicien du concertiste. Ce n’est pas une formule, c’est une excuse, un regret, un remords ! Et en ces domaines, croyez bien que j’en ai Ă  revendre plus que tout autre, car pour me punir on m’a portĂ©e disparue. Je suis morte Ă  Boston. À moins que ce ne soit Ă  New York, ou Ă  Washing- ton Je sais simplement que mes rĂȘves se sont envolĂ©s la malĂ©- diction des Bouviers m’a rattrapĂ©e. Que voulez-vous dans notre fa- mille, notre inaptitude au bonheur est malheureusement sĂ©culaire, congĂ©nitale et hĂ©rĂ©ditaire ! 42 SORTIES NATIONALES Veuillez m’excuser, mais les Ă©toiles pĂąlissent Ă  ma fenĂȘtre. Le jour se lĂšve, on va venir me chercher. Je me marie aujourd’hui mal- grĂ© ce qui est arrivĂ©, je ne voulais pas finir vieille fille. On va me pas- ser la bague au doigt et la corde au cou. Sans doute le mĂ©ritĂ©-je ! Je suis toxique la mort rĂŽde autour de moi. Si je vous effraie, ne regar- dez pas la page de droite ! Refermez ce livre avant qu’il ne soit trop tard j’ai un don particulier pour entraĂźner les autres dans des his- toires de dingues ! Ce n’est pas le journal de Bridget Jones, la complainte d’une femme de quarante ans que son mari a larguĂ©e pour partir avec une jeunette, ou les avatars savoureux d’une Ă©ditrice qui n’aimait pas lire. Peu importe la maniĂšre dont je me fringue, car le diable ne s’habille pas forcĂ©ment en Prada ma descente aux enfers est Ă©difiante, et elle dĂ©bute le 11 septembre 2001 alors que le soleil se lĂšve sur le Massa- chusetts. 43 SORTIES NATIONALES RENCONTRE Rubis, votre personnage central de La FiancĂ©e du 11 sep- tembre » ne laisse pas indiffĂ©rente. Elle n’a pas sa langue dans sa poche. Brisant le quatriĂšme mur, elle prend le lecteur Ă  tĂ©- moin. On l’adore ou on la dĂ©teste. Pourquoi avoir crĂ©e une hĂ©- roĂŻne avec un caractĂšre aussi affirmĂ© ? — Je suis auteur de thriller social, c’est-Ă -dire des rĂ©cits dont l’intrigue gĂ©nĂ©rale permet d’évoquer des sujets clivants. Pour aborder des sujets sociĂ©taux essentiels tels que le statut de la femme dans le monde, le respect de toute diffĂ©rence, la pĂ©do- philie, le fanatisme de tout bord, j’avais besoin d’un person- nage qui s’insurge contre l’injustice. Rubis a vingt ans. Elle em- ploie les mots d’une gĂ©nĂ©ration qui s’élĂšve avec une dĂ©termi- nation gĂ©nĂ©reuse contre toute forme de discrimination. Rubis choque, car elle ne recule devant rien. Mais, on l’envie parce qu’elle ose. Elle ose s’élever contre l’iniquité  Elle ose aimer un homme qui a l’ñge d’ĂȘtre son pĂšre
 Elle ose s’exprimer sans frein
 mais cela ne l’empĂȘche pas d’ĂȘtre sensible, atten- tionnĂ©e et empathique
 Rubis est la part d’ombre que nous avons en nous et que nous nous interdisons de laisser filtrer. Vous n’avez jamais eu envie de dire merde Ă  un chef, un voisin ou Ă  mĂȘme à
 un conjoint ? Vous n’avez jamais poussĂ© un coup de gueule contre l’avanie, le mensonge et l’hypocrisie ? Pour crĂ©er Rubis, votre entourage vous a-t-il inspirĂ© ? — Oui ! Rubis a le caractĂšre de ma fille ! Je ne m’en cache pas et je suis fier de sa libertĂ© de ton qui lui permet d’avancer avec audace dans la vie sans qu’on l’emmerde ! S’exprimer avec conviction ne l’empĂȘche pas d’ĂȘtre une jolie personne et une jeune femme magnifique formidablement aimĂ©e par son com- pagnon. Dans La FiancĂ©e », il y a Ă©galement Sarah qui est le pendant raisonnable de Rubis. Pour donner de la consistance Ă  ce personnage, je me suis inspirĂ© d’une amie de ma fille qui appartient Ă  une communautĂ© religieuse martyrisĂ©e depuis deux millĂ©naires et dont l’humour est la politesse du dĂ©ses- poir, selon les mots de Chris Maker. Pourquoi le 11 septembre ? — Deux Ă©vĂšnements retransmis en direct Ă  la tĂ©lĂ©vision m’ont marquĂ©. La premiĂšre fois, c’était le 20 juillet 1969 quand Ă  dix ans, j’ai vu un homme marcher sur la Lune. Ce jour-lĂ , je me suis dit qu’il ne pouvait plus rien nous arriver de fĂącheux. La 44 SORTIES NATIONALES seconde fois, c’était le 11 septembre 2001
 j’ai immĂ©diate- ment compris que c’était foutu ! Ceux qui sont en Ăąge de se souvenir savent ce qu’ils faisaient ce jour-lĂ  ! Je n’ai pas oubliĂ© et j’y pense frĂ©quemment Pourquoi cet Ă©vĂšnement vous a-t-il autant marquĂ© ? — Au-delĂ  du nombre de victimes, c’est la mĂ©thode employĂ©e qui m’a profondĂ©ment choquĂ©. Je n’ai pas connu la Shoah et la mise en Ɠuvre industrielle de la destruction d’un peuple. Certes, je n’ignore rien du martyre des ChrĂ©tiens, de la Saint BarthĂ©lemy, des pogroms, des stalags, des gĂ©nocides perpĂ©- trĂ©s par Pol Pot, par les Hutus et par le Tutsis. Mais, je n’ai ja- mais compris comment l’Homme avait pu ĂȘtre aussi cruel en- vers son prochain entre 1934 et 1945. En 2001, devant la lo- gistique dĂ©ployĂ©e par Ben Laden, j’ai compris que l’acte de pouvoir terrifier n’importe qui venait de naĂźtre. Alors, j’ai voulu dĂ©noncer les 11 septembre » que subissent les femmes, vic- times de violences conjugales
 des enfants subissant des exactions
 et plus gĂ©nĂ©ralement de toutes celles et ceux qui ne peuvent vivre sereinement la façon dont ils entendent me- ner leur vie. Quel message entendez-vous faire passer ? — Je ne suis pas un philosophe
 et encore un donneur de le- çon... Je ne suis qu’un petit romancier dĂ©butant. NĂ©anmoins, Ă©crire me permet de m’élever contre le fanatisme, contre toute forme de violence envers autrui ou encore contre l’homopho- bie
 Cela Ă©tant, ĂȘtre publiĂ© m’offre la chance de m’exprimer en tant que citoyen du monde. Les critiques littĂ©raires soulignent votre aptitude Ă  captiver et user de l’humour. Comment peut-on faire rire avec les at- tentats du 11 septembre ? — Je ne moque pas du drame vĂ©cu par 2 977 personnes et par leurs proches
 Bien au contraire
 De mĂȘme, j’ai mis en scĂšne un jeune homme de confession musulmane pour lutter contre toute stigmatisation. En revanche, j’utilise l’humour et les destins croisĂ©s des unes et des autres pour aborder des sujets sĂ©rieux et mĂ©moriels. La rencontre entre Rubis et un couple de rĂ©sistants Ă  l’oppression nazie a Ă©tĂ© l’occasion de rappeler aux jeunes gĂ©nĂ©rations une pĂ©riode dramatique de notre Histoire. Cela Ă©tant, si je suis content de savoir que mon rĂ©cit a diverti, je suis encore plus heureux d’avoir appris que les lectrices et les lecteurs ont apprĂ©ciĂ© l’approche d’IGB basĂ©e sur la volontĂ© de divertir, d’émouvoir et de sensibiliser. Les avis Babelio mentionnent que votre rĂ©cit est addictif. Ceci est dĂ» Ă  la capacitĂ© de Rubis de se venger par tĂ©lĂ©pathie de ceux qui lui portent ombrage. Aimeriez-vous avoir ce don ? — Pas vous ? Soyez sincĂšre
 Avant une interro de math, vous n’avez jamais espĂ©rĂ© que votre prof tombe subitement ma- lade ? Le dimanche matin quand votre voisin vous rĂ©veille avec sa perceuse, vous n’avez jamais rĂȘvĂ© qu’il s’électrocute ? 45 46 SORTIES NATIONALES 23 SEPTEMBRE SĂ©duisante Bretonne au caractĂšre affirmĂ©, SolĂšne Melchior, Ă©levĂ©e au grade de capitaine, mĂšne une carriĂšre remarquĂ©e au 36. Alors que l’orage gronde sur Paris, Vulpescu, un tueur en sĂ©rie qu’elle vient d’interpeller, s’échappe d’un hĂŽpital psychiatrique en promettant de se venger. Sa hiĂ©rarchie lui refu- sant le droit de traquer le fugitif, SolĂšne enquĂȘte sur l’agression d’Axel Saint- Ambroix, un cĂ©lĂšbre violoniste. ConfrontĂ©e Ă  de sordides histoires de cette famille lui rappelant son terrible passĂ©, ses recherches la mĂšnent malgrĂ© elle sur la piste de Vulpescu. Que dĂ©couvrira-t-elle au pĂ©ril de sa vie quand le concertiste lui interprĂ©tera l’air de L’Adieu » en guise de premier opus d’une sĂ©rie d’enquĂȘtes palpitantes ? Quelle pĂ©pite ! Je suis conquise ! Un excellent roman policier ! Claudine. Chroniqueuse littĂ©raire. Lyon Format 140 x 230mm 416 pages Prix public 19,90€ pass MAG NoĂ«l 2021 47 SORTIES NATIONALES 1er CHAPITRE 1 Avant l’orage SolĂšne le sait, ça risque d’ĂȘtre mal interprĂ©tĂ©. Elle n’a pas souhaitĂ© aller Ă  l’église, entendre le prĂȘtre se lamenter du monde dans lequel nous vivons, oubliant que depuis toujours l’homme est un loup pour l’homme. Passant Ă©galement sous silence que selon Sa bible, Adam et Ève avaient mis au monde deux garçons, et que l’un d’eux Ă©tait le premier assas- sin et l’autre la premiĂšre victime. Non, elle n’a pas voulu Ă©couter tous ces orateurs, amis et collĂšgues se succĂ©der der- riĂšre le lutrin, jurer, main sur le cƓur, que Mathurin Mel- chior Ă©tait l’homme le plus admirable que la terre n’ait ja- mais portĂ©. Omettant, eux aussi, de prĂ©ciser qu’il Ă©tait capable de se montrer injuste et mesquin et souvent blessant. Et ça, pour en avoir souvent fait les frais, SolĂšne lui en garde une certaine rancune que mĂȘme sa mort ne peut absoudre. Mathurin n’était pas un mauvais homme, mais il pouvait se faire bien des ennemis. Il le revendiquait sans complexe. Pourtant, son oncle n’est pas mort sous les balles ni les coups d’un de ses adversaires, comme elle en voit trop souvent dans son mĂ©- tier. Alors qu’il traversait la rue, Mathurin a simplement Ă©tĂ© victime d’un chauffard, ivre, ayant eu la mauvaise idĂ©e de vouloir prendre la fuite. Celui que tout le monde qualifie dĂ©- jĂ  d’assassin n’a dĂ» son salut qu’à l’intervention des gen- darmes l’ayant sauvĂ© de la vindicte populaire. Alors non, SolĂšne n’a pas voulu entendre tout ça. Un seul enterrement aurait pu lui permettre de faire son deuil. Celui de ses pa- rents, les vrais, et de Titouan, son jeune frĂšre, tuĂ©s froide- ment sous ses yeux. Mais pour eux, il n’y aura jamais de sĂ©- pulture oĂč elle pourrait se recueillir. Depuis, l’image de leur 48 SORTIES NATIONALES joie de vivre ensemble et le son de leurs voix s’estompent doucement. Seuls l’atroce vision de leur mort et le visage de leur assassin restent profondĂ©ment ancrĂ©s en elle, et hantent bien trop souvent ses nuits. Le plus terrible, c’est que pour sa propre sĂ©curitĂ©, elle n’a jamais pu Ă©voquer cela, avec qui- conque. Seuls ses parents adoptifs et sa cousine ChloĂ© ont Ă©tĂ© informĂ©s de cette folle histoire. SolĂšne doit nĂ©anmoins reconnaĂźtre que Mathurin est l’homme qui l’a recueillie, alors qu’à douze ans, elle aurait pu se retrouver Ă  la DDASS, puis probablement dans une famille d’accueil. Alors, il lui faut bien l’admettre, rien que pour ça, cet homme mĂ©ritait un minimum de reconnaissance de sa part. Pourtant, et elle n’en est pas trĂšs fiĂšre, SolĂšne s’est dĂ©brouillĂ©e pour arriver en re- tard Ă  la gare de Saint-Brieuc1. Une demi-heure plus tard, un taxi l’a dĂ©posĂ©e alors que la foule recueillie et compatissante sortait de l’église de Yffi- niac. Comme elle s’y attendait, sa tante Louison, Ă©plorĂ©e, soutenue par sa fille, fond en larmes en la voyant approcher. — Tu es venue quand mĂȘme. Je n’y croyais plus ! SolĂšne fait semblant de ne pas relever la perfidie Ă  peine dissimulĂ©e de la remarque. — DĂ©solĂ©e, le train a pris deux heures de retard, Ă  cause d’un incident sur la ligne. — Le principal, c’est qu’elle soit lĂ , non ? intervient sĂš- chement sa cousine. Frisant de trĂšs prĂšs la quarantaine, ChloĂ©, contrairement Ă  ses parents, a toujours Ă©tĂ© de nature franche et plutĂŽt joviale. Bien que brutale, la mort de son pĂšre ne semble pas l’affecter particuliĂšrement. Elle est habituĂ©e aux sempiternelles jĂ©rĂ©- miades de sa mĂšre et s’est rarement privĂ©e de lui faire com- prendre que cela la saoulait. Mais ChloĂ© le sait, ce n’est pas le jour ni le lieu d’étaler ses Ă©tats d’ñme. Quant Ă  SolĂšne, si elle est reconnaissante envers son oncle et sa tante, elle n’a jamais senti la moindre preuve d’affec- tion dans cette famille. Et on ne s’embarrassait mĂȘme pas de faire semblant. Au moins, cela lui a Ă©pargnĂ© des relents lar- moyants sur la disparition de ses parents Vincent et Élise. 49 SORTIES NATIONALES Leur discrĂ©tion Ă  ce sujet, au moins celui-ci, a toujours Ă©tĂ© exemplaire. C’est tout juste s’ils ont dĂ©jĂ  prononcĂ© le prĂ©- nom de Titouan. Il faut aussi leur concĂ©der qu’ils n’avaient guĂšre eu l’occasion de les voir depuis leur dĂ©part en voilier. PĂ©riple qu’ils estimaient stupide et dangereux. Le drame qui s’ensuivit Ă©tait forcĂ©ment la preuve que Mathurin et Louison avaient raison. Le juge des affaires familiales leur ayant con- seillĂ© l’adoption plĂ©niĂšre de leur niĂšce, SolĂšne adopta leur patronyme ; Melchior. Ce nom lui sembla si prometteur, qu’elle s’y rĂ©fugia et finit par l’intĂ©grer pleinement. MĂȘme s’il lui est impossible d’oublier l’autre, le vrai. Autour des trois femmes, le recueillement se fait un peu moins discret. Certains se congratulent, dĂ©solĂ©s nĂ©anmoins de se retrouver dans de telles circonstances. Quelques-uns lorgnent avec envie en direction du bar l’AngĂ©lus oĂč ils pourraient poursuivre leur conversation. AprĂšs tout, ce Ma- thurin Melchior, ce n’était qu’un cousin Ă©loignĂ© et ils n’étaient pas en si bons termes que cela pour qu’ils fassent l’effort d’aller jusqu’au cimetiĂšre de Saint-Ilan. Quelques- uns sont venus Ă  pied jusqu’à l’église et, faire trois kilo- mĂštres par cette chaleur, ne leur semble guĂšre envisageable. SolĂšne aide sa tante Ă  s’installer sur les siĂšges Ă  l’arriĂšre du corbillard avec ChloĂ©. Celle-ci lui tend un trousseau de clĂ©s et lui dĂ©signe sa voiture. — C’est la Clio bleue de l’agence. Tu peux nous suivre, s’il te plaĂźt ? Aussi discrĂštement que possible, SolĂšne s’insĂšre dans le convoi funĂ©raire longeant la grĂšve jusqu’à un cimetiĂšre isolĂ© en pleine nature. Les feuilles des marronniers jaunies et flĂ©- tries font elles aussi une tĂȘte d’enterrement. Toute la nature environnante semble souffrir de cette chaleur hors normes, pour la rĂ©gion. Finalement, il n’y a guĂšre plus d’une quin- zaine de personnes Ă  avoir fait le dĂ©placement. PressĂ© d’en finir et de regagner la relative fraĂźcheur de son Ă©glise, le prĂȘtre se fend nĂ©anmoins d’une courte bĂ©nĂ©diction devant la biĂšre croulant sous des couronnes et des gerbes de fleurs sa- crifiĂ©es pour l’occasion. AprĂšs la descente au tombeau, sous 50

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