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Lesouvrages en français de Barbara Cartland. Ă bord du diamant bleu. Ă jamais conquise. Ă l'ombre de ton cĆur. Ă la conquĂȘte de l'amour. Ă la dĂ©couverte du paradis. Ă la poursuite d'un rĂȘve. Ă la recherche de l'amour. Ă toi pour l'Ă©ternitĂ©.
Chantal: Merci Mathilde pour votre accompagnement, vous nous aidez Ă prendre conscience de notre potentiel, de qui nous sommes, l'ouverture de notre cĆur, notre vrai soi, retrouver l'amour de soi, notre crĂ©ativitĂ©, apprĂ©hender et guĂ©rir nos blessures pour une vie Ă©panouie. Faire un don.
Top 10 Meilleurs Site De Rencontre. âLa cuLture est une rĂ©sistance Ă La distractionâ /////// PasoLini Un docu-théùtre intime qui mĂȘle textes, photos, vidĂ©o et passe au crible la rĂ©alitĂ© de la sociĂ©tĂ© libanaise. jazz / SpĂ©cial voix p. 40-47 / le musicien congolais lokua Kanza signe un exceptionnel nouvel album empreint dâune grĂące paisible et lumineuse. La Terrasse / 4 avenue de corbĂ©ra 75012 paris / TĂ©l 01 53 02 06 60 / Fax 01 43 44 07 08 / email / prochaine parution le 5 mai 2010 / Directeur de la publication Dan Abitbol LINA SANEH & RABIH MROUĂ PHOTO-ROMANCE théùtre / 13 - 24 avril C ie MPTA / MATHURIN BOLZE DU GOUDRON ET DES PLUMES cirque / 15 - 25 avril 5 acrobates embarquĂ©s sur un agrĂšs hors norme. Une autre vision du monde... le journal de rĂ©fĂ©rence de la vie culturelle 2010 / N° 177 AVRIL âą paru le 31 mars 2010 / 18 e saison / 80 000 ex. / / / / Sommaire et abonnement en page 2. © Thomas Aurin. © Jean-Louis Fernandez. théùtre / SelecTion p. 4-24 / Frank castorf revient en France avec Kean ou DĂ©sordre et GĂ©nie. Un spectacle associant la piĂšce dâalexandre Dumas Ă Hamlet-machine de Heiner MĂŒller. classique / SelecTion p. 31-39 / lâopĂ©ra Dans la colonie pĂ©nitentiaire ou Kafka de philip Glass est mis en scĂšne par Richard Brunel Ă lâathĂ©nĂ©e. © DR. © Christophe Campana. *** parution juillet 2010 w w w. a v i g n o n - e n - s c e n e s . f r Danse / SelecTion p. 24-30 / Manta, HĂ©la Fattoumi revĂȘt le voile pour sâenfoncer au plus profond des sensations dâun corps en cage. Un acte artistique, une expĂ©rimentation hautement politique. 01 40 03 75 75 2 2 / n°177 / avril 2010 / la terrasPage 6 6 / n°177 / avril 2010 / la terrasPage 10 10 / n°177 / avril 2010 / la terraPage 14 14 / n°177 / avril 2010 / la terraPage 18 18 / n°177 / avril 2010 / la terraPage 22 22 théùtre critiques / N°177 / aPage 26 26 / N°177 / avril 2010 / la terraPage 30 30 / N°177 / avril 2010 / la terraPage 34 34 / N°177 / avril 2010 / la terraPage 38 38 / N°177 / avril 2010 / la terraPage 42 42 / N°177 / avril 2010 / la terraPage 46 46 / N°177 / avril 2010 / la terra
Nous embarquons. Je me retrouve assise Ă cĂŽtĂ© dâune passagĂšre dont on dirait quâelle agonise. ProfondĂ©ment endormie, elle a le teint dâun spectre, que la lumiĂšre crue dĂ©range. Face au stewart, loin du hublot, nous dĂ©collons mer de nuages, bleu dĂ©sertique le paradis est assez inquiĂ©tant. 9h00 heure locale. PremiĂšres pertes de soi. Je me rĂ©veille, enfin, dans une autre contrĂ©e. Jâouvre pour la premiĂšre fois les guides et cartes qui jalonneront mon sĂ©jour, car il faut dĂ©cider dâun quartier oĂč rĂ©sider. Je prends le temps, accapare un espace aux abords de lâaĂ©roport, trĂšs calme, mais mes papiers sâenvolent. Je ne sais comment rejoindre la ville ; mon guide nâest pas trĂšs clair, et au fond il ne sert a rien. Renseignements pris, je finis par attendre un bus. Il fait beau. Ne restent plus du temps dâavant que quelques vagues souvenirs, car dĂ©jĂ je plonge dans ce bain de soleil Ă©rotique qui embrase les alentours. Lisbonne sensuelle, je tâai enfin trouvĂ©e ! Premiers mots incompris, premiĂšres phrases indĂ©cises, en portugais. Mais jâapprends que ce peuple est rĂ©putĂ© pour sa gentillesse ; ils me pardonneront. Des Anglais, des Allemands personne encore nâa perdu sa nationalitĂ©, mais dĂ©jĂ je ne parle plus français, tachant de me fondre parmi la petite foule. Le bus, enfin, nous emmĂšne en plein cĆur, Ă travers une banlieue exotique, plantĂ©e de palmiers. Je ne sais oĂč descendre, car jâai finalement dĂ©cidĂ© dâaller au hasard. Alors je glisse de maisons en maisons, de places en avenues larges et feuillues, jusquâĂ ce que quelque chose mâarrĂȘte. AbsorbĂ©e par ce que je vois, je mâaperçois tout Ă coup que jâai Ă©tĂ© jusquâau terminus, le Cais do SodrĂ©, câest-Ă -dire la gare ferroviaire jâai traversĂ© la ville, assez voyagĂ©, je peux dĂšs Ă prĂ©sent repartir ! Une jeune femme, me voyant paniquĂ©e, mâoffre un plan. Tout nâest pas perdu. FlanquĂ©e de mes bagages, au bord du Tejo, la Mer de Paille, comme on lâappelle ici, le fleuve nourricier qui jadis inspirait tant les poĂštes, et forme comme une mer intĂ©rieure aux reflets verts et jaunes, jâapprĂ©hende la gare dĂ©corĂ©e dâazulejos ces carreaux de faĂŻence colorĂ©s qui dessinent, souvent en bleu, des trompe-lâĆil et des motifs gĂ©omĂ©triques, qui vous emporte vers lâocĂ©an, Ă qui Lisbonne tourne presque le dos. Je commence Ă errer, le long des quais en travaux, au hasard sinon vers lâouest. DĂ©jĂ Lisbonne mâa engloutie. Couleur de sable, couleur de sang, jamais les murs ne sont criards. Lisbonne, surnommĂ©e la ville blanche et pourtant sa pierre est plutĂŽt ocre, terreuse, ses nuances infinies, un peu sales, mĂȘme. Rien nâest tranchĂ©, mais toujours en suspens, et se dĂ©place en dâinfinies nuances que lâon ne peut dĂ©crire, sous un soleil dorĂ© qui rehausse les contrastes. Je pressens quelque chose comme un recommencement qui ne serait pas dĂ©finitif, une nouvelle vie sans absolu, sans illusion, mais la belle illusion de la vie, offerte lĂ , devant moi, qui sâĂ©chappe des sensations, indĂ©pendante et magnifique comme une lune quâon ne saurait attraper. Jâatteins ma premiĂšre destination, la Praça do ComĂ©rcio, vide et trop spacieuse, mais pas de taille inhumaine. Elle accueille la lumiĂšre et les voyageurs dans un vrai jaune terrien ; une statue en son centre lâhabille, seule. Un marchand de glace improbable - il nây a personne en ce lieu touristique sans ombre, sous la canicule - attend. Pour ma part je prĂ©fĂšre suivre les voies des trolleys, sĂ»re quâalors elles me mĂšneront quelque part, lĂ ou je sais quâil y a des pensĂŁos, dans le quartier Alfama, quand soudain, rua Bacalhoeiros, un homme me hĂšle et, sans que je lui ai rien demandĂ©, me dit quâil y en a une lĂ , tout prĂšs ; n° 8 - 1er Ă©tage de la Casa dos Bicos, curieuse bĂątisse dont la façade est couverte de pointes en pierre. Je prĂ©fĂšre, assez fiĂšre, monter au second, oĂč je sais que sâen trouve une autre. Mais la sonnerie est si discrĂšte que je me demande si câest bien la bonne porte. La logeuse, petite dame Ă lunettes, a lâallure internationale dâune concierge, et ne parle pas un mot dâanglais, ni de français, ni dâespagnol ; le contact est pourtant passĂ©. Elle insiste pour me demander si je suis seule - jâinsiste aussi. Pour moi ce sera la chambre n° 9, une chambre pour deux qui reviendrait moins cher. Quatre nuits prĂ©vues. Je mâinstalle, me dĂ©fait de la France. Il est temps de me reposer. 15h00. Ai-je dit que la chambre nâavait pas de fenĂȘtres ? Une penderie, dont le miroir est dĂ©formant, un lavabo surplombĂ© par un miroir penchĂ©, une coiffeuse et sa psychĂ© trouble, deux tables de nuit, deux chaises, constitueront tout mon mobilier - plus une tĂ©lĂ©vision, accrochĂ©e au-dessus de la penderie, que je nâavais pas vue de prime abord. Le plafond est dâune hauteur Ă©trange ni assez haut pour y loger une mezzanine, ni assez bas pour satisfaire aux normes. Impossible de se retrouver dans aucun des miroirs ; on ne peut sây voir en vĂ©ritĂ©. Cela vaut mieux probablement⊠AprĂšs une sieste, une douche, jâausculte les plans. Je suis la voie que je mâĂ©tais tracĂ©e. Pour oĂč dĂ©jĂ ? Je sors. Quartier Baixa. Jâopte pour la droite ; tout est fonction de la lumiĂšre, de la rĂ©sistance du sol sous mes pas, des murs recouverts dâazulejos. De larges rues rectilignes dessinent des perspectives inattendues, et recueillent sur le sol pavĂ© lâombre des immeubles aux balcons forgĂ©s. Jâaperçois la silhouette de Bernardo Soares, et celles de toutes les petites gens laborieuses, enfants de lâombre et de lâennui au dos courbe, qui glissent sur le sol lisse et tendre de ce quartier calme et bourgeois, et commercent. Je nâai pas encore mangĂ©, aussi je mâarrĂȘte au restaurant rapide O Brasileira, populaire et vĂ©tuste une touche dâexotisme dans lâexotisme. JâachĂšte un appareil photo jetable, et dĂ©jĂ jâatteins la Praça Pedro IV, qui me semblait pourtant beaucoup plus lointaine, sur mon plan, lorsque je rĂ©alise que câest le jour anniversaire de la RĂ©volution des Ćillets. Comment cela a-t-il pu mâĂ©chapper ? Nouvel arrĂȘt. Manifestement tout est allĂ© trop vite ; je suis passĂ©e sans rien voir. Les manifestants ont une joyeuse indiffĂ©rence ; ils sont peu nombreux en fait. Peut-ĂȘtre est-ce dĂ©jĂ fini, et la foule se disperse. Maintenant je remarque les fleurs rouges Ă la boutonniĂšre, les habits du dimanche que portent les petites filles. Sur la place, un vieux char bariolĂ© Ă la peinture en bombe, une profusion de fleurs et de slogans pacifiques. Je ne peux mâempĂȘcher de penser Ă la RĂ©volution Française, qui jamais nâautoriserait ces tags sur un appareil militaire. Mais ici tout est limpide, et il suffit de sây plonger, sans avoir peur de se noyer au pire, quelque accident de surface accroche nos sensations, et ce sont autant de coquillages pour la pensĂ©e. Je ne sais trop quelle direction prendre, maintenant, sauf celle de revenir en arriĂšre. Allons Ă lâouest quartier Socorro, en hauteur. Mais pour sortir du terre-plein il faut aller Ă lâest - je renonce pour un temps Ă mes rĂ©flexes parisiens de traverser nâimporte ou nâimporte quand -. Du coup un bĂątiment Ă gauche mâintrigue et mâattire, tout en arabesques. Adieu Socorro, jây entre comme je vois que personne ne surveille, monte les escaliers, sans toujours savoir oĂč je suis, et finis par rejoindre la lumiĂšre - la sortie, de ce qui nâĂ©tait en fait quâune gare - autre ville, autre ambiance, qui ressemble un peu aux escaliers de Montmartre, mĂȘme sâils ne sont pas si raides. Je monte, longeant les librairies dâoccasion et les petits hĂŽtels, sur les pavĂ©s envahis de mousse et de petites plantes - avec lâintention dâarriver au point le plus haut - peine perdue. Je mâarrĂȘte Ă un croisement pour savoir enfin oĂč je suis ; du coup je pars Ă gauche. Petites ruelles merveilleuses et sordides, le linge pantelant ; les balcons des maisons Ă deux Ă©tages sont fleuris. Je voudrais prendre des clichĂ©s de ce quartier populaire, mais il faudrait tout photographier, alors je renonce mon souvenir en sera dâautant plus vivant. Je redescends, remonte, me perds dans ce dĂ©dale de rues, jusquâĂ dĂ©boucher sur la Praça CamĂ”es, qui me déçoit. Jâaurais aimĂ© quelque chose de plus grand, de plus Ă©pique, Ă la hauteur de cet Ă©crivain national, et je nây vois quâun chien, dans lâaxe de la statue, qui fixe le sol, tandis quâun touriste se protĂ©geant les yeux regarde la statue qui elle est tournĂ©e vers le ciel. Le ciel est encadrĂ© de fils. Nouvel arrĂȘt. Jâai dĂ» encore une fois ne rien voir. Je prends une photo ; peut-ĂȘtre sa lumiĂšre mâapparaĂźtra plus tard, et câest un lieu balise dont on peut sans scrupules capter lâĂąme. Une place en contrebas, aprĂšs les deux Ă©glises qui se regardent en face, semble animĂ©e. Je lâignore, car tout ce temps une musique accompagnĂ©e de voix, crachotĂ©e dâun haut-parleur, mâintrigue. DâoĂč vient-elle ? Je dĂ©cide de ne pas aller voir directement, mais contourne. Du coup je passe devant le Teatro da Trindade - dans son sobre habit pourpre ; je regrette de ne pas avoir de camĂ©ra, Ă tout le moins dâappareil photo panoramique, quand sur une façade dâun autre théùtre, celui-lĂ jaune et richement dĂ©corĂ© en trompe-lâĆil, je remarque que les symboles de lâair et de la terre ne sont pas accompagnĂ©s du feu⊠Je termine de contourner le quartier, atteint la source du vacarme Ă©trange câest le char de la Praça Pedro IV, seul, immobile, qui proclame des airs et des mots pour moi incomprĂ©hensibles. La musique sâarrĂȘte alors quâun couple passe Ă cĂŽtĂ©, qui rend la scĂšne plus irrĂ©elle encore, sâil Ă©tait besoin. InterloquĂ©s, ils poursuivent cependant, comme moi, qui rejoint - comment ? - la place animĂ©e. Je passe entre les tables des cafĂ©s, sans apercevoir la statue assise de Pessoa, car quelque chose me pousse Ă aller vers la gauche, tout de suite aprĂšs la librairie ce sont des dĂ©bris dâazulejos, des papiers dĂ©chirĂ©s et ternis, rongĂ©s par endroit, dâun livre - Uma princesa -, et des reliques de jouets, petites figurines de soldats Ă lâĂ©pĂ©e levĂ©e, prĂȘts au combat. Il semble que personne nâait rien vu. Heureuse de mes trouvailles, que je regarde comme des reliques, je repars en descendant, retrouve hĂ©las la France au travers dâune librairie Fnac, entre pour voir la diffĂ©rence aucune, sinon que les titres sont en portugais. Y est projetĂ© un film, que je reconnais vite pour ĂȘtre " CapitĂŁes de Abril ", de Maria de Meideros. 18h30. Je ne comprends pas grand-chose, mais reste fascinĂ©e. Câest un film dâapparence romantique sur la RĂ©volution des Oeillets - je pense Ă ce que dit Godard des films de guerre - je pense que je ne mâen souviens plus trĂšs bien - seulement que la critique française fĂ»t mauvaise. Je pense que sur le seul mot de RĂ©volution, on ne se comprend dĂ©jĂ plus ; il nây eut pas des morts par dizaines, ni de blessĂ©s. CâĂ©tait une rĂ©volution en douceur. Je pense au pouvoir des images, que lâon comprend sans avoir le sous-titrage⊠Le film terminĂ©, jâaimerais avoir lâavis dâun Portugais. Un jeune homme sâapproche, je lâaccoste. Ce sera Ze, qui tout de suite me prĂ©sentera Ă Emir, Ăąge dâune soixantaine dâannĂ©es et sociologue, Debora, jeune mĂ©decin lĂ©giste fan de Death Metal, et Miguel, Ă©tudiant, plus timide. Ze est Ă©tudiant en philosophie. Ze ne sait pas regarder sans toucher - lobe de lâoreille, tempes, nuque, mains -. Ses yeux clignent rapidement, il a plein de tics de visage assez curieux, et il mâagace, tandis quâEmir mâintrigue, avec une plaquette Ă©crite en lettres grecques sous le bras " LâĂ©loignement du monde ". DĂ©jĂ je fais partie dâune bande trĂšs accueillante. La discussion sâengage, on en dĂ©place lĂ©gĂšrement lâaccent - elle portera dâailleurs sur les accents brĂ©silien et portugais. Les heures passent ; la langueur portugaise me gagne. Nous parlons aussi de lâĂąme aprĂšs la mort, si elle existe, et se survit. Debora " Il nây a pas dâĂąme ; quand nous mourons, tout de nous disparaĂźt " ; Emir " Je vis comme en un rĂȘve ; je nâexiste pas vraiment, je ne suis rien, je suis une ombre, mais jâai une Ăąme qui embrasse le monde, ou plutĂŽt, le monde, câest moi, et quand je mourrai le monde, mon Ăąme, me survivra ". Ze et Miguel restent au bord de la discussion, envahis par la nuit. Malheureusement, ils ne connaissent pas JoĂŁo CĂ©sar Monteiro, et le cafĂ© Snob ne leur dit rien, mais personne ne renonce Ă les trouver. Ăparpillement de mots français, anglais, italiens, espagnols. Lisbonne, ou Olisipo, ainsi nommĂ©e par les Romains en hommage Ă Ulysse, qui y aurait sĂ©journĂ©, sâaccorde parfaitement avec la diversitĂ© des langues et des cultures, les accueillant toutes sans sourciller, au risque de ne mĂȘme pas connaĂźtre un cinĂ©aste national⊠23h30. Nous nous quittons, aprĂšs Ă©change dâadresses et rendez-vous pris pour les jours Ă venir, mais je nâai pas envie de rentrer tout de suite. Jâaimerais Ă©couter du fado, boire du Porto. Je tourne un peu dans le Baixa ; Ă©glise de SĂ© dans lâAlfama, Ă cĂŽtĂ© de la pensĂŁo. En dĂ©sespoir de cause je rentre⊠et mâĂ©puise Ă jeter ces premiĂšres notes dont je sais dâavance que malgrĂ© leur prĂ©cision, elles restent lacunaires. Jâaurais attendu demain cela aurait Ă©tĂ© pire. Je me sens bien, ici. Câest une solitude toute tournĂ©e vers les autres, vers un dialogue naissant et trĂšs ouvert. Peut-ĂȘtre parce que Lisbonne mâĂ©chappe, ne se laisse pas cerner, ni figer en mots. Vendredi 26 avril 12h00. Je me suis rĂ©veillĂ©e au son des sirĂšnes de police, fatiguĂ©e de ma longue journĂ©e de la veille, et me prĂ©pare rapidement. Aujourdâhui jâai dĂ©cide dâaller Ă proximitĂ© de la pensĂŁo, au Castelo de SĂŁo Jorge, dont on peut apercevoir de loin les crĂ©neaux moyenĂągeux. Lâascension nâest pas trop difficile, et je suis accompagnĂ©e par le chant des oiseaux. Parfois aussi le vent marin siffle dans mes oreilles. Serait-ce une journĂ©e sous le signe de la musique ? Mes pas sont amortis par le sable et les dalles de pierre inĂ©gales qui jalonnent mon chemin. Ici pas de chaussures Ă talons, ce serait trop dangereux, et pour tout dire trop bruyant. Les terrasses dominent discrĂštement la ville, certaines en pierre blanche, avec ce charme des sites anciens dĂ©nudĂ©s, dâautres couvertes de tomettes rouges, renvoyant durement le soleil Ă sa place de midi. On y bavarde Ă lâombre dâoliviers, de chĂȘnes centenaires, de canons inutilisĂ©s, qui rouillent tranquillement. Le sol inĂ©gal, creuse, accidente, crisse sous les pas de lâagent Peirera, assez bonhomme, qui surveille et guide tous les badauds qui comme moi errent parmi les traces dâun passĂ© glorieux, pour qui on fait encore des fouilles. Curieusement une carcasse de bateau en bois a Ă©tĂ© dĂ©placĂ©e dans une des ailes extĂ©rieures. Vaisseau de parade, naviguant sur les pierres ancestrales, il me mĂšne plus sĂ»rement encore vers des rĂȘveries inĂ©dites, sans quâaucun pirate ne vienne me dĂ©ranger. Tout Ă lâheure lâappareil photo sâest coincĂ©. La pensĂ©e quâaucune photo nâen sortirait mâa remplie dâune certaine tristesse, mais au fond cela nâa pas dâimportance, et mĂȘme je prĂ©fĂ©rerais quâelles soient toutes ratĂ©es⊠Je cherche la rature parfaite, le trait saillant qui fasse vivre lâimage, au lieu de sâajouter indiffĂ©remment aux cartes postales lisses et sans saveurs qui abreuvent le marchĂ©. Une image qui ne soit pas simplement possible, mais nĂ©cessaire, de celles que lâon regarde, au lieu de simplement les voir. Je vais pour partir, mais lâagent Pereira me guide vers une curiositĂ© de la tourelle Ulysse la camera obscura, selon un principe de LĂ©onard de Vinci. On se presse autour de ce qui pourrait ĂȘtre une vaste vasque de pierre claire, comme Ă une rĂ©union de sorciĂšres, qui officieraient tout en surveillant la ville, car lâimage Ă 360 degrĂ©s de Lisbonne sây projette, grĂące Ă un miroir placĂ© au sommet de la tourelle. Lâimage est floue, fuyante, emportĂ©e par le vent qui dĂ©rĂšgle son mĂ©canisme. Miroir une fois de plus lĂ©gĂšrement dĂ©formant. Je mâen vais, repue dâeffluves touristiques. Je prends les minuscules ruelles blanches qui partent du chĂąteau, certaine que personne nâosera entrer dans ce labyrinthe de petites maisons, pour suivre mon ombre Ă la trace, et Ă©couter secrĂštement les conversations des oiseaux, mĂȘlĂ©es de sons tĂ©lĂ©visĂ©s. Je remarque, Largo do contador, ce tag Without truth you are the looser. Au Miradouro de Santa Luzia, petit jardin mauresque offrant un superbe point de vue, et qui nâa pas pu mâĂ©chapper, jâĂ©vite soigneusement une famille française. Mais Ă force dâĂ©viter et de contourner, dâaller lĂ oĂč mes pas me mĂšnent, je me suis perdue dans lâAlfama, et passe sans mâen rendre compte dans le Mouraria. Je ne suis pas la bienvenue, ici, dans ce quartier pauvre et mĂ©tisse ; alors je tĂąche de me confondre avec les ombres, je tĂąche de faire comme si dâores et dĂ©jĂ jâĂ©tais dâici, de ces ruelles inquiĂ©tantes oĂč chaque pas de porte est habitĂ© de faire comme si je connaissais parfaitement mon chemin, au lieu de sauter de pavĂ© en pavĂ©. Je rentre, dĂ©pitĂ©e. 20h00. Suivant les recommandations du guide, je me dirige vers le restaurant O Pereira, qui propose des concerts de fado. Jâai peine Ă le trouver dans un dĂ©dale de ruelles sombres, demande mon chemin ; jây suis. Mais je suis seule. Jâattends, comme les restaurateurs, que quelquâun dâautre vienne. Une grand-mĂšre en robe verte pailletĂ©e et chĂąle noir classique, Ă la mode dâAmalia Rodrigues, un serre-tĂȘte en faux diamants dans ses cheveux blancs, va enfin pour chanter, mais tousse fortement. Sans doute trop de cigarettes. Suave. Toujours seule. Je prends des photos de ce lieu drĂŽlement dĂ©corĂ© pour passer le temps, et me sortir de ma torpeur angoissĂ©e, mais jâai la dĂ©sagrĂ©able impression depuis ma dĂ©convenue de tout Ă lâheure, dâun franc retour Ă ma condition de touriste, voire mĂȘme de touriste arnaquĂ©e. MalgrĂ© tout chacun joue la comĂ©die, donne le change. Câest un jeu de faux-semblants absurde, ou abstrait. Jâaccepte, Ă vrai dire contrainte et forcĂ©e, dâĂȘtre prise en photo avec une guitarra dans les bras par un des musiciens, qui estime que certainement cela me fera plaisir de revenir avec ce souvenir du coup la scĂšne en devient ridicule. Je me perds en rires gĂȘnĂ©s ; il ne sait comment faire pour dissiper mon ennui. Un peu plus tard il viendra Ă ma table discuter en français, car il est passĂ© par la Belgique, puis le second musicien, Manoel, sâapprochera. Ils chanteront uniquement pour moi une chanson dâEdith Piaf dans le style du fado. Et mâavoueront que ce quâils jouent habituellement est du fado pour touristes. Un voisin arrive, vieil homme au visage burinĂ©, sec comme du bois dâolivier. Il chantera un fado convulsif, Ă©nergique, en grimaçant, tirant la langue, survoltĂ© mais contrĂŽlĂ©. Ses gestes sont violents, agressifs. Je nâarrive pas Ă discerner lâamour quâil est censĂ© chanter dans ses gestes, ne sais jamais sâil mâinsulte, ou vibre dâĂ©motion, de sorte quâil me donne envie de fuir ce lieu oĂč je suis dĂ©cidĂ©ment dĂ©calĂ©e. Lâaddition, poivrĂ©e, mâoblige Ă sortir avec Manoel chercher une banque, lorsque jâaperçois la Casa do Fado, lieu officiel du genre, un peu froid peut-ĂȘtre, mais oĂč lâon peut certainement en apprĂ©cier toutes les saveurs. Quelle ironie ! Si dâun cĂŽtĂ© jâai le goĂ»t authentique dâune adresse de quartier, de lâautre me manque la qualitĂ© de la musique. Manoel me raccompagne. Sa voix de jeune homme dans un corps dĂ©jĂ vieux mâintrigue. Rendez-vous demain, au Miradouro de Santa Luzia que tout Ă lâheure jâai vu en plein soleil, pour aller Ă la Feria de Ladre, et BelĂ©m. Puis je file, car le quartier, semble-t-il, nâest pas toujours bien frĂ©quentĂ©. Je file mais je ne rentre pas. AttirĂ©e par des sons de concert, jâentre dans un cafĂ© afro. Tout de suite Nela, habituĂ©e du lieu, mâaborde, avec sa voix rocailleuse, et mâadopte. Elle est mĂ©tissĂ©e anglo-brĂ©silien-africain. Elle a 40 ans environ, une fille en Angleterre, et se saoule sur un air dâafrican saudade, pour Ă©chapper Ă je ne sais quel Ă©chec. Nous convenons de nous revoir demain soir. De Manoel ou de Nela , jâai les numĂ©ros de tĂ©lĂ©phone aussi simplement que jâai leur nom et leur adresse. Chaleur de vivre, sourires tendres. Il me semble quâici, Ă Lisbonne, la solitude est moins oppressante. Pas de Porto, denrĂ©e finie, pas de Ginja, autre boisson locale, mais du Kamasutra, doux et amer, Ă lâamande verte. De plus en plus sâimpose cette idĂ©e que non seulement je dois revenir ici, mais y habiter. La langue portugaise est merveilleuse, magique et poĂ©tique. Elle avale les mots pour nâen ressortir que la douceur. Je pensais Ă Tabucchi, qui apprit le portugais par amour pour Pessoa. Je pensais Ă Ulysse, au mĂ©tissage parfait des cultures. Nela a ses attaches Ă Lyon, Toulouse, Londres. Elle est venue Ă Paris plusieurs fois. Aux confins de lâEurope, le Portugal se rĂ©gale de rencontres contrastĂ©es. Un peu Ă©mĂ©chĂ©e, ivre de Lisbonne, je tĂąche de rassembler quelques Ă©lĂ©ments de cette journĂ©e. Jâentends dans lâAlfama des tĂ©lĂ©viseurs allumĂ©s, un fado lointain, une bande en train de discuter. La Casa do Fado Ă©tait trop froide, certainement, tandis quâO Pereira mâa servi du rĂ©chauffĂ©. Et puis finalement jâentends un voisin de chambrĂ©e ronfler bruyamment. La saudade, ce sentiment intraduisible qui ressemble un peu Ă de la nostalgie, se vit. Elle nâest ni triste ni gaie. MĂ©lancolique, douce et Ăąpre, violente et sincĂšre, le fado lâexprime par son souffle et son Ăąme. Je mâoublie dans la musique. Il faut venir Ă Lisbonne seul, pour ne lâĂȘtre plus jamais, et agrandir son Ăąme. Samedi 27 avril 11h00. Je rejoins Manoel, comme prĂ©vu, mais lĂ©gĂšrement en retard. Il mâattend dans un cafĂ©, pour me montrer la Feria de ladre, du cĂŽtĂ© de Graça, câest-Ă -dire la foire aux voleurs. Partout par terre, des particuliers ont installĂ© leurs marchandises, comme un immense vide-grenier, en plein air. On trouve de tout ici, et des cartes religieuses et autres bibelots de priĂšre cĂŽtoient sans jurer un nombre impressionnant de revues pornographiques, le tout vendu Ă des prix dĂ©risoires, quâil convient cependant de contester. On se promĂšne dans des allĂ©es bordĂ©es de fils Ă©lectriques et de matĂ©riel de bricolage, de disques anciens et de livres, de bijoux simples mais rutilants. Jây achĂšte ce qui sera mes souvenirs de voyage, selon la tradition, Ă disperser Ă mon retour, mĂȘme si jâaimerais y Ă©chapper, et cela mâoblige Ă rĂ©flĂ©chir au plus typique, et donc au plus diffĂ©rent de moi, et de la France au fond une simple nuance, parfois tĂ©nue, parfois criante, mais de ce cri qui appelle Ă rester. BientĂŽt mon guide et interprĂšte me laisse, pour rejoindre son pĂšre, mais nous devons nous retrouver a 15h00 pour visiter BelĂ©m, autre joyau de Lisbonne. Je privilĂ©gie une adresse de quartier pour dĂ©jeuner Ă part la barriĂšre de la langue, je me sens Ă nouveau confondue parmi les autochtones, et me laisse aller Ă rĂȘver de nâen plus repartir. Jâai dĂ©jĂ pris quelques habitudes, et me suis dĂ©faite de celles françaises, ce qui finalement nâest pas si difficile, mais une invite au vĂ©ritable voyage, celui oĂč lâon part de soi pour se retrouver autre. La couleur locale a dĂ©jĂ dĂ©teint sur moi, et je nâai quâun lĂ©ger effort a faire pour aller de lâavant. 15h00 Rendez-vous manquĂ© pour aller Ă BelĂ©m avec Manoel, et je nâarrive pas Ă le joindre par tĂ©lĂ©phone. Du coup jây vais seule, certaine de pouvoir me dĂ©brouiller, comme au premier jour. Un trolley moderne mây emmĂšne, passant sous le pont imposant 25 de Abril. De lĂ on aperçoit bien, sur lâautre rive du Tejo, la statue du Christ en rĂ©plique Ă celle de Rio de Janeiro - Cristo Rei, bras ouverts a tous les voyageurs -. Malheureusement je ne pourrai aller la voir de plus prĂšs, car dĂ©jĂ sâannonce le compte Ă rebours. Je reste sur la rive droite de la Mer de Paille. Une autre fois sĂ»rement je goĂ»terai lâair marin et les poissons des Ăźles⊠ArrivĂ©e Ă BelĂ©m, jâopte pour le port, ne sachant trop quoi voir de ce quartier cĂ©lĂšbre. Le temps de mâapercevoir que le Jardim de Ultramar se trouve de lâautre cĂŽtĂ© de lâavenue principale, je ne peux mây promener et aller sur les traces de Pessoa quâune demi-heure avant la fermeture. On y trouve de longues allĂ©es bordĂ©es de palmiers, un jardin japonais, des oies en libertĂ©, et surtout des statues de visages africains sculptĂ©s dans une pierre noire de jais, Ă lâeffigie de diffĂ©rentes tribus, qui rappelle lâhistoire coloniale du Portugal, dans sa version pacifiĂ©e et reposĂ©e. Je dĂ©cide de revenir demain et vais grignoter dans la fameuse Pasteleria de BelĂ©m je ne me refuse pas un petit plaisir touristique, et je fais bien, car leurs produits sont vĂ©ritablement dĂ©licieux, de ceux dont les papilles gardent le souvenir longtemps aprĂšs. 18h00 Je rejoins au cafĂ© Vyrus, trĂšs moderne, le groupe dâamis du premier jour. Nous nâabandonnons pas les recherches du cafĂ© Snob et de JoĂŁo Cesar Monteiro, mais dans le Bairro Alto, quartier des sorties nocturnes, une vieille dame nous dit quâil a disparu. Nous gagnons alors le Meia Note, lieu de rendez-vous ce soir des aficionados de Moon Spell, un groupe de hard rock dont je nâai jamais entendu parler un point partout. Au milieu du vacarme et de la foule, quelques figures Ă©mergent, maquillĂ©es de noir et arborant des bracelets cloutĂ©s, aux coiffures punk ou gothiques. Debora sây sent Ă lâaise ; pour ma part, jâai envie de fuir, mais des membres de sa famille nous rejoignent. Je suis invitĂ©e Ă revenir en Ă©tĂ©, les rejoindre au bord de lâocĂ©an qui nâest quâĂ quelques kilomĂštres de lâagglomĂ©ration. Qui sait⊠23h00 Changement de cap ; nous optons pour un nouveau cafĂ© dont la dĂ©coration est rouge, ce qui a le don dâattirer les prostituĂ©es du quartier. Kindala, la serveuse, connaĂźt Debora, et toutes les deux parlent de leur BrĂ©sil natal, de la difficultĂ© de se faire comprendre ici, au Portugal. Nous partirons, tous Ă©mĂ©chĂ©s, faire une promenade prĂšs du Tejo, puis irons petit-dĂ©jeuner sur le port tous les samedis soirs, quâon soit dâici ou dâailleurs, se ressemblent. Le rendez-vous avec Nela est ratĂ© ; jâespĂšre quâelle ne mâen voudra pas. Il est temps de tout reconstituer, mais je suis trop Ă©puisĂ©e. Dimanche 28 avril 15h00. Les levers sont de plus en plus difficiles, et les journĂ©es sont trop courtes. Remise Ă peine de ma soirĂ©e dâhier, je mâengage sur la Praça do Comercio inondĂ©e de soleil, dâoĂč lâon prend le bus pour BelĂ©m. Cette fois-ci jâai dĂ©cidĂ© de descendre plus loin, pour visiter la Torre de BelĂ©m. Depuis le tremblement de terre de 1755, celle-ci est proche du rivage, et il suffit de marcher sur une passerelle pour lâatteindre. Est-ce la fatigue ; est-ce lâagacement de mes sens ? Je suis incapable dâen saisir la beautĂ©, et pourtant les visages sculptĂ©s me font de lâoeil. Il me semble quâil sây passe quelque chose comme une domination facile, et une envie de partir qui reste au port. Pessoa est partout, rĂ©gnant en maĂźtre le long des quais, insufflant sa rĂ©signation Ă ceux qui seraient tentĂ©s de sâen aller. Heureusement nous sommes encore en hors saison lâafflux des touristes ne gĂȘne pas trop la contemplation. 18h00 Je rejoins Emir au mĂ©tro Baixa-Chiado pour aller visiter un ensemble moderne assez Ă©loignĂ© du centre de Lisbonne. Entre Exposition Universelle et centre commercial, ce quartier offre un cadre de vie agrĂ©able et humain, Ă lâarchitecture novatrice et rĂ©ussie, trĂšs colorĂ©e. On y trouve encore les constructions dâAsie et dâOrient, des pyramides de verre bleu formant des volcans dâeau, et surtout un curieux tĂ©lĂ©phĂ©rique, qui ne mĂšne pourtant Ă nulle station de ski. Le quartier Ă©tant construit sous le signe de la mer, le toit en verre et acier du bĂątiment principal dĂ©verse en continu de lâeau, faisant ainsi jouer les rais de lumiĂšre sur le sol carrelĂ© et nos visages tournĂ©s vers les cieux. Il y fait bon vivre, et nous nous attablons autour de spĂ©cialitĂ©s portugaises comme le leiton, viande de petit cochon, dissertant Ă loisir sur la sensualitĂ© de Lisbonne, son ouverture au monde, son mĂ©tissage ancestral. 21h00 Retour au centre. Nous dĂ©couvrons un petit jardin magique par cette nuit de pleine lune, que lui-mĂȘme ne connaĂźt pas. Des statues fantomatiques de grands voyageurs, comme Vasco de Gama, et dâautres figures inconnues, sont enlacĂ©es par le lierre, reposant tranquillement Ă lâabri de regards trop curieux. Le quartier de sortie Bairro Alto nous offre un dernier verre de Ginja, puis je quitte Emir. A vrai dire, je ne rentre pas de suite, car divers bruits comme des klaxons mâont avertis quâil se prĂ©parait une grande fĂȘte et en effet les supporters de lâĂ©quipe de foot Sporting sont en liesse, et envahissent les abords de la Praça do Municipe. Partout ce nâest que fanfaronnades. Je me faufile parmi la foule aux couleurs vertes du club pour tenter de les photographier, en me faisant passer pour un reporter professionnel. Je rentre cette fois-ci un brin de gaietĂ© mâanime, et je mâendors apaisĂ©e. Lundi 29 avril 12h00 Nâayant rĂ©servĂ© que pour quatre nuits, je me vois contrainte de dĂ©mĂ©nager. Fort heureusement, la chambre n° 1 de la mĂȘme pensĂŁo est libre retour Ă la case dĂ©part ; je refais puis dĂ©fais rapidement mes bagages, ce qui me donne un avant-goĂ»t du lendemain... Le Jardin de BelĂ©m est fermĂ© le lundi ma derniĂšre tentative pour y aller est ratĂ©e. Pendant ce temps la garde nationale change la relĂšve. Je choisis quelques cartes postales, qui me permettent de contempler tout ce que je nâaurais pas pu voir. Sur le chemin du retour, je mâarrĂȘte Cais de Rocha, et me perds au milieu du quartier des ambassades, loin des quartiers rĂ©putĂ©s, mais plus proche du Lisbonne des Lisboetes. Quelques perles dâarchitecture et de dĂ©coration baroque ; la vie paisible, calme et dĂ©sintĂ©ressĂ©e. Quelques fissures, aussi, et des boutiques dĂ©finitivement fermĂ©es, me rappellent que le Portugal est victime de la crise, comme partout en Europe. Retour au Baixa-Chiado, vers le Teatro da Trindade, pour prendre les photos que je mâĂ©tais promises de refaire. Car jâai voulu que ce dernier jour soit libre de toute contrainte de parcours, afin de revenir sur les jours prĂ©cĂ©dents. Un peu plus loin la Torre de Santa Justa sâoffre Ă moi. AngoissĂ©e de nâavoir pas tout vu, je grimpe dans cette construction toute mĂ©tallique de Gustave Eiffel, qui nâen vaut pas forcement la peine, et me confirme dans mon Ă©trangetĂ©. Je ne partirai pas sans aller au cinĂ©ma. Je me mets a la recherche de la cinĂ©mathĂšque portugaise, qui a dĂ©mĂ©nagĂ© depuis peu. AprĂšs de longues pĂ©ripĂ©ties, je finis par dĂ©couvrir quâelle Ă©tait Ă cĂŽtĂ© de mon point de dĂ©part. Ce soir on joue " O homem desaparecido ", de Imamura. La version originale japonaise est sous-titrĂ©e en anglais. 22h00 Je me perds complĂštement dans le Bairro Alto, Ă la recherche du cafĂ© rouge oĂč mes amis et moi Ă©tions lâautre jour, mais impossible de le retrouver ; il semble sâĂȘtre envolĂ©. Je ne rĂ©ussis quâĂ rencontrer un groupe de jeunes marginaux qui vont aux catacombes, et mâinvitent Ă les suivre, mais je dĂ©cline la proposition. DerniĂšre recherche du cafĂ© Snob dans une quatriĂšme rue Ă gauche, qui nâexiste pas. Au Brasiliera, le cafĂ© oĂč allait Pessoa, je prends un dernier verre de Porto ; je suis leur derniĂšre cliente, et demain je dois disparaĂźtre de cette Lisbonne si enchanteresse, oĂč je me sens uma pessoa. 30 avril Eu sou. Fica.
30,171 Je commence Ă imaginer Sanid dans une version encore plus extrĂȘme. DACIA logan break, polo, chaussures de randonnĂ©e, sacoche, lunette oa..kley demi cerclees. Et s'il est ton responsable, nari, mchiti fiha 30,172 Hamdoulah, on profite b chmissa et toi ? Ăa va ? Facance lel maghrib ou pas ? 30,173 Hamdoulah, on profite b chmissa et toi ? Ăa va ? Facance lel maghrib ou pas ? Hamdolilah Euh non câest pas prĂ©vu lol 30,174 les filles qui mettez aussi des combi ou pas ? Si oui quel style portez vous ? J'en ai 2. Une noire style cargo et une autre avec des petites fleurs style pantalon large, je les porte avec des gilets longs. 30,176 nwidiya je nâen porte pas Mercipapa Ă©pisode caniculaire prĂ©vue la semaine prochaine sur la France. Que Dieu nous aide 30,177 Salam, Quand tu vois que Justin Bieber a dĂ©jĂ 28 ans. Ca passe vite Baby baby bayyyyyby Ooooh ooooh⊠30,178 Coucou Laynou !! Et bon courage pour ton dĂ©mĂ©nagement Alors je tâavoue que pour la dĂ©pose en gĂ©nĂ©ral jâai un coup de stress dans ma vie pro ou perso et je les arrache comme un bourrin, une fois sur deux en arrachant une partie de lâongle donc clairement ne suis pas mon exemple je tâen supplie Mais sinon ma petite sĆur en est adepte a mon grand dam, mais bon que veux tu câest sa gĂ©nĂ©ration, les filles en ont toutes ça sur les doigts Ă son Ăąge câest abusĂ© et elle pour le coup Ă dĂ©jĂ utilise ceux de primark, la colle marche trĂšs bien apparemment mais au bout de 2 3 semaines max ils tombent. Et encore cest une petite flemmarde donc elle arrive Ă esquiver le mĂ©nage une fois sur deux autant te dire que toi avec ton dĂ©mĂ©nagement et les taches du quotidien je pense que ça finira par sâenlever tout seul peut etrz Je suis passĂ©e chez primark en plus ttaleur lol je zyeutais sur les faux cils ⊠aprĂšs je me suis dit vas-y ça doit ĂȘtre trop galĂšre Ă mettre je passe mon tour lol Ceci dit on mâa parlĂ© de ceux dâaction qui sont mieux paraĂźt-il ⊠Qqn a testĂ© ? 30,179 Trop chaud pour dormir Les prochains jours vont ĂȘtre ya3ni 3la slamtek babouches 30,180 Regardez ça, si vous commandez chez shein 122 KB Affichages 31 DerniĂšre Ă©dition 13 Juin 2022 ya3ni 3la slamtek babouches 30,181 Regardez ça KB Affichages 29 KB Affichages 22 KB Affichages 23 30,182 nwidiya je nâen porte pas Mercipapa Ă©pisode caniculaire prĂ©vue la semaine prochaine sur la France. Que Dieu nous aide Va falloir investir dans une clim 30,183 Je mets pas en doute le travail forcĂ© dans le milieu du PAP mais je connais le domaine de l'impression.. Et quand tu imprimes des Ă©tiquettes de lavages ou autre support c'est en grosse quantitĂ©.. Avant impression y a des vĂ©rifications qui sont faites en amont.. Et avant d'imprimer le client doit donner son BAT pour valider les impressions... Et tu peux pas imprimer une Ă©tiquette ou une centaine comme ça avec Ă©crit on est exploitĂ©.. Ca me paraĂźt gros. Sachant que dans le milieu de l'impression les machines tournent tout le temps pour pas perdre de l'argent... Y a des gens qui surveillent.. Et en plus ta des planning a respecter.. Sur les plans de production quand tu imprimes c'est en fonction d'une quantitĂ© dĂ©fini par le client. Exemple si kiabi veut imprimer 10 000 t-shirt avec donc 10 000 Ă©tiquettes de lavage la machine qui imprime elle s'arrĂȘte pas.. C'est impossible que quelqu'un modifie le fichier d'impression en Ă©crivant aidez moi et qu'on imprime cette Ă©tiquette 10 000 fois.. Une machine tu peux pas l'arrĂȘter pour imprimer quelques Ă©tiquettes.. DĂ©jĂ c'est une perte d'argent pour l'imprimeur mais en plus c'est pas possible.. Avec toute les vĂ©rification qui sont faites en amont et aprĂšs.. Y aussi des inspections dans les usines en Chine. Les fournisseurs envoient des Ă©chantillons avant validation.. DerniĂšre Ă©dition 13 Juin 2022 30,184 Regardez ça, si vous commandez chez shein Jâai une amie qui a trouvĂ© cette inscription sur un de ces haut de Shein. C triste ya3ni 3la slamtek babouches 30,185 Je mets pas en doute le travail forcĂ© dans le milieu du PAP mais je connais le domaine de l'impression.. Et quand tu imprimes des Ă©tiquettes de lavages ou autre support c'est en grosse quantitĂ©.. Avant impression y a des vĂ©rifications qui sont faites en amont.. Et avant d'imprimer le client doit donner son BAT pour valider les impressions... Et tu peux pas imprimer une Ă©tiquette ou une centaine comme ça avec Ă©crit on est exploitĂ©.. Ca me paraĂźt gros. Sachant que dans le milieu de l'impression les machines tournent tout le temps pour pas perdre de l'argent... Y a des gens qui surveillent.. Et en plus ta des planning a respecter.. Sur les plans de production quand tu imprimes c'est en fonction d'une quantitĂ© dĂ©fini par le client. Exemple si kiabi veut imprimer 10 000 t-shirt avec donc 10 000 Ă©tiquettes de lavage la machine qui imprime elle s'arrĂȘte pas.. C'est impossible que quelqu'un modifie le fichier d'impression en Ă©crivant aidez moi et qu'on imprime cette Ă©tiquette 10 000 fois.. Une machine tu peux pas l'arrĂȘter pour imprimer quelques Ă©tiquettes.. DĂ©jĂ c'est une perte d'argent pour l'imprimeur mais en plus c'est pas possible.. Avec toute les vĂ©rification qui sont faites en amont et aprĂšs.. Y aussi des inspections dans les usines en Chine. Les fournisseurs envoient des Ă©chantillons avant validation.. Regarde le com d intissar, son amie Ă pu voir ce message. 30,186 Est-ce que qqn parmi vous possĂšde une liseuse de type kindle ou kobo ? Vous en ĂȘtes satisfait ? Vous conseillez quoi comme modĂšle par exemple ? Merci Hello J'ai la Kindle 10em gĂ©nĂ©ration je crois J'adore. J'avais du mal Ă me dĂ©cider avant de l'acheter. J'aimais trop lire de vrais livres, tourner de vraies pages... Mais finalement je l'ai achetĂ© & j'en suis hyper satisfaite. C'est hyper pratique. Plus besoin de m'encombrer avec des livres partout oĂč je vais. Le lien entre Kindle & Amazon est top !! Tu achĂštes un livre >> si la wifi est activĂ© >> il est direct sur ta kindle. Si tu rĂ©cupĂšres un PDF, tu as juste Ă l'envoyer Ă une adresse email qu'ils te donnent & c'est direct sur ta kindle. 30,187 Yes je l'ai ! J'ai la kobo depuis qq annĂ©es, faut que je te retrouve le modĂšle exact si tu veux Perso jai pas du tout accrochĂ©, mais c'est pas liĂ© Ă la performance de l'outil en tant que tel c'est liĂ© au mode de consommation J'ai sous estimĂ© l'apprĂ©ciation que j'avais pour le fait de toucher le livre, tourner les pages et le plaisir d'errer dans une librairie Ă la recherche de nouveautĂ©s. Bref je me suis retrouvĂ©e Ă acheter toujours la mĂȘme quantitĂ© de livre papier, donc ca n'a pas du tout Ă©tait Ă©conomique pour moi ni en place ni en cash, ce qui Ă©taient q dmĂȘme les objectifs principaux Aussi faut penser Ă la charger ! Deja que je suis toujours sans batterie sur le tel autant te dire que penser Ă charger la Kobo ca relevait du miracle pour moi Comme tu peux le voir ce sont des pbm trĂšs personnels liĂ©s Ă mon modĂšle de consommation si tu fais partie de ceux qui sont deja adepte des lecture sur Ă©cran, clairement c'est un super investissement car ca te bousille bcp moins les yeux Ma kindle, je la charge rarement. Je trouve qu'elle dure hyper longtemps. Plusieurs semaines 30,188 les filles qui mettez aussi des combi ou pas ? Si oui quel style portez vous ? Hello nwidiya Yes j'en porte. Voici quelques styles que je porte. Le seul hic avec les combi une vraie galĂšre pour aller aux 30,189 C797 KB Affichages 17 30,190 Ma kindle, je la charge rarement. Je trouve qu'elle dure hyper longtemps. Plusieurs semaines Merci pour ton feed-back Tu mâas convaincue lol Kindle 1 - kobo 0 30,192 J'en ai 2. Une noire style cargo et une autre avec des petites fleurs style pantalon large, je les porte avec des gilets longs. Bessaha 30,193 nwidiya combi comme ça ça passe ? Mdrrrrr franchement ça passe trop bien je trouve 30,194 Les filles avec le Kindle vous nâavez pas la sensation de manque de toucher du papier ? Un bon livre sur lequel on tourne les pages tout ça 30,195 Regardez ça, si vous commandez chez shein Choquant 30,196 Mdrrrrr franchement ça passe trop bien je trouve Je met ça en dessous de mes robes lol Tricheuuuuuuuuse ya3ni 3la slamtek babouches 30,197 Soomy KINGjulian Leur mensonge dĂ©voilait Maison squattĂ©e en Essonne les nouveaux propriĂ©taires ont menti ! Alors que le ministre de lâIntĂ©rieur Ă©tait intervenu pour permettre Ă des propriĂ©taires de rĂ©cupĂ©rer leur maison squattĂ©e en Essonne, il se trouve que ces derniers ont manipulĂ© la presse pour expulser les occupants. La vĂ©ritĂ© a Ă©tĂ© sciemment travestie. Ălodie et Laurent ont achetĂ© une maison en... En plus les 'squatteurs se sont fait agressĂ©. On voit sur l'image des maghrĂ©bin ? Darmanin fiĂšre de lui d'avoir virĂ© les 'squatteurs arabes Ă©trangers hein. 30,199 nwidiya combi comme ça ça passe ? Ăa passe, c'Ă©tait Ă la mode je crois ? Short cyclistes 30,201 Les filles avec le Kindle vous nâavez pas la sensation de manque de toucher du papier ? Un bon livre sur lequel on tourne les pages tout ça J'ai aussi Kindle, mais je prĂ©fĂšre livre. MĂȘme pour les formations, j'imprime les pages pour gribouiller, surligner etc. Mais dans le train, j'utilise Kindle, plus discret. DerniĂšre Ă©dition 13 Juin 2022 30,202 Soomy KINGjulian Leur mensonge dĂ©voilait Maison squattĂ©e en Essonne les nouveaux propriĂ©taires ont menti ! Alors que le ministre de lâIntĂ©rieur Ă©tait intervenu pour permettre Ă des propriĂ©taires de rĂ©cupĂ©rer leur maison squattĂ©e en Essonne, il se trouve que ces derniers ont manipulĂ© la presse pour expulser les occupants. La vĂ©ritĂ© a Ă©tĂ© sciemment travestie. Ălodie et Laurent ont achetĂ© une maison en... En plus les 'squatteurs se sont fait agressĂ©. On voit sur l'image des maghrĂ©bin ? Darmanin fiĂšre de lui d'avoir virĂ© les 'squatteurs arabes Ă©trangers hein. Câest marrant quâils soient dĂ©logĂ©s aussi rapidement car ça a Ă©tĂ© mĂ©diatisĂ© alors que pleins de gens vivent exactement la mĂȘme chose et que lâĂ©tat ne fait rien vous savez on peut rien faire ça peut prendre des annĂ©es bla-bla-bla » Ps. Attend je vais lire lâarticle et je re dâautre part, ils savaient, lors de lâachat, que celle-ci Ă©tait squattĂ©e. » Câest bien ce qui mâa semblĂ© Une maison tu la visites avant de lâacheter Tu demandes des documents Tu reviens plusieurs fois dans le quartier pour prendre la tempĂ©rature Tu fais ton enquĂȘte Câest impossible quâils nâaient pas su quâelle Ă©tait squattĂ©e ya3ni 3la slamtek babouches 30,203 Câest marrant quâils soient dĂ©logĂ©s aussi rapidement car ça a Ă©tĂ© mĂ©diatisĂ© alors que pleins de gens vivent exactement la mĂȘme chose et que lâĂ©tat ne fait rien vous savez on peut rien faire ça peut prendre des annĂ©es bla-bla-bla » Ps. Attend je vais lire lâarticle et je re dâautre part, ils savaient, lors de lâachat, que celle-ci Ă©tait squattĂ©e. » Câest bien ce qui mâa semblĂ© Une maison tu la visites avant de lâacheter Tu demandes des documents Tu reviens plusieurs fois dans le quartier pour prendre la tempĂ©rature Tu fais ton enquĂȘte Câest impossible quâils nâaient pas su quâelle Ă©tait squattĂ©e Il a une vidĂ©o qui date dil y a un moment, qui tourne en ce moment et l'agent immobilier avait expliquĂ© leur stratagĂšme. Meme les affaires mĂ©diatisĂ© ça va pas aussi rapidement. Les gens galĂšrent pendant longtemps encore. 30,204 Il a une vidĂ©o qui date dil y a un moment, qui tourne en ce moment et l'agent immobilier avait expliquĂ© leur stratagĂšme. Meme les affaires mĂ©diatisĂ© ça va pas aussi rapidement. Les gens galĂšrent pendant longtemps encore. Manipulation mĂ©diatique encore 30,205 Regardez ça, si vous commandez chez shein Jâai commandĂ© un truc chez Shein je regarderai ce soir lâĂ©tiquette si jâai ça aussi
Citation fait un pour autre DĂ©couvrez une citation fait un pour autre - un dicton, une parole, un bon mot, un proverbe, une citation ou phrase fait un pour autre issus de livres, discours ou entretiens. Une SĂ©lection de 60 citations et proverbes sur le thĂšme fait un pour autre. 60 citations > Citation de Sophie Marceau n° 163235 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesSur le quai de la gare, oĂč elle a tenu Ă l'accompagner, tous les tĂ©moins ont vu combien il leur en coĂ»tait de se sĂ©parer. Jusqu'au moment du dĂ©part ils sont demeurĂ©s enlacĂ©s, les bras croisĂ©s Ă hauteur de la taille, n'en finissant pas de se regarder, de s'embrasser, n'Ă©changeant pas un mot, tĂ©tanisĂ©s Ă l'idĂ©e que bientĂŽt un train rĂ©gional allait les arracher brusquement l'un Ă l'autre, parvenir Ă scinder cette crĂ©ature Ă deux tĂȘtes qu'ils forment sur le quai. Les quelques passagers qui attendent avec eux ont beau faire semblant de s'intĂ©resser au trafic, de tendre l'oreille vers les haut-parleurs nasillards qui recommandent de faire attention au passage d'un train voie C ou que le train prĂ©vu Ă telle heure arrivera voie B, avec un retard de dix minutes environ, de se passionner pour les pigeons perchĂ©s sur le bord de la marquise, ou de dĂ©gager leur poignet pour vĂ©rifier que leur montre marque bien la mĂȘme heure que l'horloge suspendue entre deux cĂąbles deux lampadaires, on sent bien qu'ils se privent avec peine de la contemplation du beau couple, qu'ils ne demanderaient pas mieux que de s'installer sous leur nez et de compter Ă la trotteuse de la mĂȘme montre la durĂ©e de leur baiser, ou du moins simplement les contempler, comme s'ils Ă©taient derriĂšre une glace sans tain, se gavant en toute impunitĂ© de cet Ă©blouissement partagĂ© de deux cĆurs insatiables. Comme ça ne se fait pas [...], alors ils font comme les moineaux, toujours la tĂȘte en mouvement, pour capter des Ă©clats de Femme promise 2009 de Jean RouaudRĂ©fĂ©rences de Jean Rouaud - Biographie de Jean RouaudPlus sur cette citation >> Citation de Jean Rouaud n° 163163 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 468 votesDe fait, on ne reconnaissait plus le grenier. Si l'on considĂšre que l'ordre n'est qu'une variation algorithmique subjective du dĂ©sordre, alors on peut dire du grenier ordonnĂ© selon grand-pĂšre que c'Ă©tait la mĂȘme chose qu'avant mais dans le dĂ©sordre, c'est-Ă -dire qu'au chaos il avait substituĂ© un autre chaos, avec cette diffĂ©rence pour nous que celui-lĂ ne nous Ă©tait pas champs d'honneur 1990 de Jean RouaudRĂ©fĂ©rences de Jean Rouaud - Biographie de Jean RouaudPlus sur cette citation >> Citation de Jean Rouaud n° 163129 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesMa mĂšre nous fait photographier pour pouvoir nous voir, voir si nous grandisÂsons normalement. Elle nous regarde longuement comme d'autres mĂšres, d'autres enfants. Elle compare les photos entre elles, elle parle de la croissance de chacun. Personne ne lui rĂ©pond. Ma mĂšre ne fait photographier que ses enfants. Jamais rien d'autre. Je n'ai pas de photographie de Vinhlong, aucune, du jardin, du fleuve, des avenues droites bordĂ©es des tamariniers de la conquĂȘte française, aucune, de la maiÂson, de nos chambresL'Amant 1984 de Marguerite DurasRĂ©fĂ©rences de Marguerite Duras - Biographie de Marguerite DurasPlus sur cette citation >> Citation de Marguerite Duras n° 162691 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 467 votesEn fait, il en va de la lecture comme des hommes pour les femmes. Certains papillonnent de l'une Ă l'autre, d'autres sont fidĂšles Ă une seule. Moi je n'Ă©tais le lecteur que d'un seul roman. Bloodsilver de Wayne Barrow 2006 de Xavier MaumĂ©jeanRĂ©fĂ©rences de Xavier MaumĂ©jean - Biographie de Xavier MaumĂ©jeanPlus sur cette citation >> Citation de Xavier MaumĂ©jean n° 162420 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesQuand l'homme bouffait l'homme, je suis sĂ»r que personne n'embrassait personne. Et puis un jour les temps se sont apaisĂ©s, quelqu'un a inventĂ© l'agriculture et la vache, et le lait, l'oeuf et l'abondance et un type plus malin que les autres a dĂ» dire Ă ses copains prĂ©historiques que ce n'Ă©tait pas possible de continuer comme ça, comme des bĂȘtes, qu'il fallait trouver autre chose pour, sous les Ă©toiles, se montrer qu'on s' parfum d'herbe coupĂ©e 2013 de Nicolas DelesalleRĂ©fĂ©rences de Nicolas Delesalle - Biographie de Nicolas DelesallePlus sur cette citation >> Citation de Nicolas Delesalle n° 162081 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 468 votesJe sus que j'entrais dans un autre monde que celui que je pouvais dĂ©couvrir de la maison, et aussi que j'Ă©tais parti pour un long voyage. il ne s'agissait plus d'aller en ville, cette fois, mais beaucoup plus loin ; un voyage comme j'en avais jamais fait. Un Ă©tĂ© indien 1985 de Truman CapoteRĂ©fĂ©rences de Truman Capote - Biographie de Truman CapotePlus sur cette citation >> Citation de Truman Capote n° 161862 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesSi vous dites II fait beau temps, et que vous disiez vĂ©ritĂ©, il fait donc beau temps. VoilĂ pas une forme de parler certaine ? Encore nous trompera-t-elle. Qu'il soit ainsi, suivons l'exemple. Si vous dites Je mens, et que vous disiez vrai, vous mentez donc. L'art, la raison, la force de la conclusion de cette-ci sont pareilles Ă l'autre ; toutes fois nous voila embourbĂ©s. Je vois les philosophes Pyrrhoniens qui ne peuvent exprimer leur gĂ©nĂ©rale conception en aucune maniĂšre de parler; car il leur faudrait un nouveau langage. Le notre est tout formĂ© de propositions affirmatives, qui leur sont de tout ennemies. De façon que, quand ils disent Je doute », on les tient incontinent Ă la gorge pour leur faire avouer qu'au moins ils assurent et savent cela, qu'ils doutent. [...] Cette fantaisie est plus sĂ»rement conçue par interrogation Que sais-je ? » comme je la porte Ă la devise d'une II, 12, Apologie de Raimond Sebond de Michel de MontaigneRĂ©fĂ©rences de Michel de Montaigne - Biographie de Michel de MontaignePlus sur cette citation >> Citation de Michel de Montaigne n° 161311 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 470 votesEt ce qui me fait souffrir, ce n'est pas tant la mort d'un amour que celle d'un ĂȘtre vraiment vivant que nous avions créé l'un et l'autre, que peut-ĂȘtre moi j'avais créé seule⊠Cet ĂȘtre Ă©tait une union de vous et de moi, tels que nous nous voulions l'un et l'autre. C'Ă©tait vous comme j'avais besoin que vous fussiez ; non pas un admirateur de ma personne comme vous avez prĂ©tendu, mais un homme qui m'aimait ; qui, Ă cause de cet amour, trouvait de l'intĂ©rĂȘt Ă tout ce qui venait de moi ; devant lui, je pouvais avoir tous mes dĂ©fauts et toutes mes qualitĂ©s ; je pouvais me laisser aller au dĂ©sordre⊠ce dĂ©sordre lyrique et inattendu oĂč tous les instincts se livrent en paroles et en cris pour ensuite permettre aux sĂ»res directions de l'Ăąme de retrouver la route et de continuer. Et j'imaginais qu'aucun de ces abandons ne troublait votre amour et votre de Marcelle SauvageotRĂ©fĂ©rences de Marcelle Sauvageot - Biographie de Marcelle SauvageotPlus sur cette citation >> Citation de Marcelle Sauvageot n° 161297 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesCe serait une erreur de croire que la sensibilitĂ© Ă la beautĂ© est le privilĂšge d'un petit nombre de gens cultivĂ©s. Au contraire, la beautĂ© est la seule valeur universellement reconnue. Dans le peuple, on emploie constamment le terme de beau ou des termes synonymes pour louer non seulement une ville, un pays, une contrĂ©e, mais encore les choses les plus imprĂ©vues, par exemple une machine. Le mauvais goĂ»t gĂ©nĂ©ral fait que les hommes, cultivĂ©s ou non, appliquent souvent trĂšs mal ces termes mais c'est une autre question. L'essentiel, c'est que le mot de beautĂ© parle Ă tous les prĂ©-chrĂ©tiennes 1951 de Simone WeilRĂ©fĂ©rences de Simone Weil - Biographie de Simone WeilPlus sur cette citation >> Citation de Simone Weil n° 161263 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesNotre fonction est la reproduction ; nous ne sommes pas des concubines, des geishas ni des courtisanes. Au contraire tout a Ă©tĂ© fait pour nous Ă©liminer de ces catĂ©gories. Rien en nous ne doit sĂ©duire, aucune latitude n'est autorisĂ©e pour que fleurissent des dĂ©sirs secrets, nulle faveur particuliĂšre ne doit ĂȘtre extorquĂ©e par des cajoleries, ni de part ni d'autre ; l'amour ne doit trouver aucun prise. Nous sommes des utĂ©rus Ă deux pattes, un point c'est tout vases sacrĂ©s, calices ambulants. La Servante Ă©carlate 1987 de Margaret AtwoodRĂ©fĂ©rences de Margaret Atwood - Biographie de Margaret AtwoodPlus sur cette citation >> Citation de Margaret Atwood n° 161161 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesL'amour ne saurait donc naĂźtre chez l'aimĂ© que de l'Ă©preuve qu'il fait de son aliĂ©nation et de sa fuite vers l'autre. Mais, de nouveau, l'aimĂ©, s'il en est ainsi, ne se transformera en amant que s'il projette d'ĂȘtre aimĂ©, c'est-Ă -dire si ce qu'il veut conquĂ©rir n'est point un corps mais la subjectivitĂ© de l'autre en tant que telle. Le seul moyen, en effet, qu'il puisse concevoir pour rĂ©aliser cette appropriation, c'est de se faire aimer. Ainsi nous apparaĂźt-il qu'aimer est, dans son essence, le projet de se faire aimer. D'oĂč cette nouvelle contradiction et ce nouveau conflit chacun des amants est entiĂšrement captif de l'autre en tant qu'il veut se faire aimer par lui Ă l'exclusion de tout autre ; mais en mĂȘme temps, chacun exige de l'autre un amour qui ne se rĂ©duit nullement au projet d'ĂȘtre-aimĂ© ». L'Etre et le NĂ©ant 1943 de Jean-Paul SartreRĂ©fĂ©rences de Jean-Paul Sartre - Biographie de Jean-Paul SartrePlus sur cette citation >> Citation de Jean-Paul Sartre n° 159679 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 479 votesUn hĂ©ros n'est fait que pour subjuguer et dĂ©truire. Un roi ne doit s'Ă©tudier qu'Ă rendre ses sujets bons et heureux. Il faut nĂ©cessairement des ennemis Ă l'un pour se faire un nom; l'autre n'a besoin pour sa gloire que d'ĂȘtre aimĂ© de ses diverses in Oeuvres choisies de Stanislas I, Roi de Pologne de Stanislas LeszczynskiRĂ©fĂ©rences de Stanislas Leszczynski - Biographie de Stanislas LeszczynskiPlus sur cette citation >> Citation de Stanislas Leszczynski n° 158348 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 467 votesVoilĂ les hommes qui sollicitent nos suffrages et, de guerre lasse, les obtiennent. Ils nous reprĂ©sentent. Vous voyez maintenant qu'ils nous reprĂ©sentent mal, et mĂȘme qu'ils ne nous reprĂ©sentent pas du tout. Quand on les voit s'effondrer en pantalonnades ou se gonfler en plastronnades, il faut bien se dire que, pendant ce temps, nous faisons tout autre chose ; nous construisons des usines, nous inventons des vaccins, nous Ă©crivons des livres, labourons les champs, ou nous nous promenons main dans la main, sur les collines de thym et d'asphodĂšles. C'est Ă peine, si, en lisant le journal du soir, nous disons Qu'est-ce qu'ils ont encore fait, ces imbĂ©ciles ? » Jusqu'au jour, Ă©videmment, oĂč nous en aurons assez. Mais ce sera pour changer un cheval borgne contre un aveugle. Les Trois Arbres de Palzem, 1984 de Jean GionoRĂ©fĂ©rences de Jean Giono - Biographie de Jean GionoPlus sur cette citation >> Citation de Jean Giono n° 157855 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesLe jour de mon dĂ©part, nous nous sommes longuement serrĂ© la main. Ce n'est pas un de ces imbĂ©ciles qui vous broient les phalanges pour vous faire croire Ă leur franchise. Non il prĂ©fĂšre un chaud contact, paume contre paume, l'enveloppante caresse de l'amitiĂ©. On ne lui Ă©chappe pas. Sa mĂ©fiance naturelle une fois Ă©vanouie, son regard dit tout. Figurez-vous que je suis trĂšs fier de lui avoir plu, d'avoir Ă©tĂ©, du moins en certaines circonstances, Ă sa hauteur. Il m'a fait don d'un peu de son courage et auprĂšs de lui, j'ai retrouvĂ© ma qualitĂ© d'homme. Naturellement, il Ă©tait tard aux yeux des autres, aux yeux de Daniel surtout, mais je ne quĂȘte plus d'autre approbation que la Poneys sauvages 1970 de Michel DĂ©onRĂ©fĂ©rences de Michel DĂ©on - Biographie de Michel DĂ©onPlus sur cette citation >> Citation de Michel DĂ©on n° 157259 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesMon Johnny Ă moi, c'est le Johnny de Que je t'aime », pas celui de Dallas. On s'envoyait des petits mots avant sa mort. Il m'avait aussi dit un jour en plaisantant, alors qu'il avait dĂ©jĂ un grave problĂšme aux poumons, Tu me feras ma nĂ©cro, hein ? J'ai fait sa nĂ©cro. Et Ă la fin, je voulais ajouter Nous nous reverrons un jour ou l'autre. Embrasse Coluche et Gainsbourg pour moi, mais ce n'est pas sorti. J'Ă©tais anĂ©anti. Entretien Le Parisien - Propos recueillis par MichaĂ«l Zoltobroda le 04 juillet 2018 de Michel DruckerRĂ©fĂ©rences de Michel Drucker - Biographie de Michel DruckerPlus sur cette citation >> Citation de Michel Drucker n° 154121 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 466 votesSi je pouvais rester toujours jeune, je demeurerais cĂ©libataire. Je voudrais m'amuser tout le temps, et faire la coquette avec tout le monde, jusqu'Ă la veille d'ĂȘtre qualifiĂ©e de vieille fille; alors, pour Ă©chapper Ă cette ignominie, et aprĂšs avoir fait des centaines de conquĂȘtes et brisĂ© le coeur de tous sauf un, je prendrais un mari, noble, riche, indulgent et que, d'autre part, cinquante belles dames mourraient d'envie d' Grey 1847 de Anne BrontĂ«RĂ©fĂ©rences de Anne BrontĂ« - Biographie de Anne BrontĂ«Plus sur cette citation >> Citation de Anne BrontĂ« n° 154085 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 469 votesL'Ă©lastique est donc le symbole idĂ©al pour nous aider Ă comprendre le cycle de l'intimitĂ© masculine, cycle fait d'un rapprochement suivi d'un Ă©loignement, puis d'un nouveau rapprochement plus serrĂ©. MĂȘme quand un homme adore une femme, il Ă©prouve de temps Ă autre le besoin de s'isoler, pour mieux revenir auprĂšs d'elle par la suite. C'est Ă©tonnant pour la plupart des femmes. Ce retrait est instinctif chez l'homme ; il n'est aucunement dĂ©libĂ©rĂ©, ni hommes viennent de Mars, les femmes viennent de VĂ©nus 1992 de John GrayRĂ©fĂ©rences de John Gray - Biographie de John GrayPlus sur cette citation >> Citation de John Gray n° 153318 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 468 votesVivre l'Ă©criture. Le corps et l'esprit tout entiers tendus vers elle. Malaxer les mots, comme un sculpteur le fait de sa terre glaise. Murmurer ad libitum des bribes de phrases, pour les accoucher tout Ă fait. Rester indiffĂ©rents aux bruits et aux appels. Ă la faim et au sommeil. N'entendre rien, rien d'autre que le bouillonnement du verbe Ă l'intĂ©rieur de soi, et la musique qui parfois le prĂ©cĂšde. FlĂąner entre les intervalles de Jacques HigelinRĂ©fĂ©rences de Jacques Higelin - Biographie de Jacques HigelinPlus sur cette citation >> Citation de Jacques Higelin n° 153239 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 467 votesJ'ai l'impression Mamie Rose qu'on a inventĂ© un autre hĂŽpital que celui qui existe vraiment. On fait comme si on venait Ă l'hĂŽpital pour guĂ©rir. Alors qu'on y vient aussi pour mourir...Oscar et la dame rose 2002 de Eric-Emmanuel SchmittRĂ©fĂ©rences de Eric-Emmanuel Schmitt - Biographie de Eric-Emmanuel SchmittPlus sur cette citation >> Citation de Eric-Emmanuel Schmitt n° 146666 - Ajouter Ă mon carnet de citations Notez cette citation - Note moyenne sur 475 votes< 134Votre commentaire sur ces citations ThĂšmes populaires + Autres belles citations et proverbes sur fait un pour autre Toutes les citations sur fait un pour autre Citations fait un pour autre Citation fait un pour autre et Proverbe fait un pour autre Citation sur fait Citations courtes fait PoĂšmes fait un pour autre Proverbes fait un pour autre Etendez votre recherche avec le dictionnaire des dĂ©finitionsCitation et amour Citation sur l'amour Citation l'amitiĂ© Citation la vie Citation le bonheur Citation la femme citation le couple Citation la sagesse Ciation la tristesse Citation la mort Citation la nature Citation sur l'absence Citation le manque Citation l'enfance Age Animal AmitiĂ© Amour Art Avenir BeautĂ© Avoir Bonheur Conscience Couple Confiance Courage Culture DĂ©sir Dieu Education Enfant Espoir Etre Faire Famille Femme Guerre Homme Humour Jeunesse Joie Justice LibertĂ© Mariage MĂ©re Monde Morale Naissance Nature Paix Passion PĂšre Peur Plaisir Politique Raison Religion RĂȘve Richesse Sagesse Savoir Science SĂ©duction SociĂ©tĂ© Souffrance Sport Temps TolĂ©rance Travail VĂ©ritĂ© Vie Vieillesse Voyage
1 2 IGB MAG N°3 juillet 2021 lâĂ©dito Claire Izard, prĂ©sidente dâIGB ĂDITION Un an ! Douze mois dĂ©jĂ , mais douze mois seu- lement ! Le 9 juillet 2020, les titres de mes pre- miers auteurs â La FiancĂ©e du 11 septembre et Le projet Vanility â sortaient en librairie. Coups de cĆur de la FNAC, ils Ă©taient suivis par la pa- rution du tome 2 de Vanility et par LâĂditrice, coup de cĆur de la FNAC et de Cultura. Depuis, dix auteurs ayant rejoint IGB, le catalogue 2021- 2022 comprendra au minimum 32 rĂ©fĂ©rences. En mai, Folle de nuit a Ă©tĂ© coups de cĆur FNAC et CULTURA. Panique Ă lâĂvĂȘchĂ© rencontre ses lec- teurs. Le silence des Chartreux vient dâarriver en librairie. Dealer ou la valse des maudits et K-144 sont vivement attendus. Dâailleurs le 21 juillet, Philippe Will dĂ©dicacera Ă la librairie Albin Mi- chel du boulevard Saint-Germain Ă Paris. Enfin, jâai lancĂ© IGB MAG per- Un pas aprĂšs lâautre, car les arbres mettant de recevoir dix livres neufs Ă prix gratuit ! Comme ne montent pas jusquâau ciel ! vous le savez, prix gratuit ne signifie pas nul ». GrĂące Ă vous, les auteurs perçoivent des droits sur des ouvrages non commercialisĂ©s, et ils vous re- mercient chaleureusement de contribuer Ă augmenter leur au- dience. Pour ma part, je suis heureuse que cette dĂ©marche no- vatrice permette dâaccĂ©der Ă la littĂ©rature Ă moindre coĂ»t. Dâailleurs, je lancerai prochainement une carte cadeau, la pos- sibilitĂ© de rĂ©gler lâabonnement Ă IGB MAG en trois mensualitĂ©s et offrirai deux livres de poche pour un brochĂ©. Cela Ă©tant, jâavance avec prudence. SĂ©duits par un plan dâaf- faires pertinent, des partenaires mâont permis de mâadjoindre les services dâune agence de communication afin dâaccroĂźtre la notoriĂ©tĂ© de mes auteurs. Ă cet Ă©gard, chargĂ© du Business development, Marc Gervais dĂ©voile nos choix stratĂ©giques dans ce numĂ©ro de juillet consacrĂ© pour partie Ă Alexis Giaco- muzzi. Vous dĂ©couvrirez François Montjaret, un blogueur pas- sionnĂ© de thrillers, DaphnĂ© RĂ©a, une artiste internationale dâorigine italienne et Pierre Lajudie, interviewer dâauteurs. En- fin, la rubrique une_lectrice_a_paris donne lâoccasion de con- naĂźtre mes coups de cĆurs littĂ©raires. PAGE DE GAUCHE Je vous souhaite un magnifique Ă©tĂ© et vous donne rendez- vous en octobre pour la rentrĂ©e littĂ©raire, avant de vous dĂ©voi- Librairie FNAC PARIS TERNES ler nos pĂ©pites de lâannĂ©e 2022 grĂące Ă un numĂ©ro spĂ©cial qui Folle de nuit vous rĂ©servera de belles surprises pour NoĂ«l. Coup de cĆur des libraires Juin 2021 3 IGB MAG N°3 Ă©tĂ© 2021 le sommaire 58 FOCUS 8 PRESSBOOK Alexis Giacomuzzi Anna Liron et Emma Palissot 12 BOOKSMARKET Lâinterview de Marc Gervais par Sylvie Roussel 24 Sorties nationales Dealer, ou la valse des maudits K-144 La FiancĂ©e du 11 septembre LâAdieu 4 sommaire 44 RENCONTRE RUBIS par Marc Gervais 54 RENCONTRE SOLĂNE MELCHIOR par Pascal Tissier 56 Les coups de cĆur de lâĂ©ditrice Mon amie AdĂšle. Sarah Pinborough & Lâesclavage, un crime contre lâhumanitĂ© 5 sommaire 65 BOOKSTAGRAM Francois_and_the_books 70 BOOKSADDICT DaphnĂ© Rhea Pellissier 80 BOOKSMAKER Pierre Lajudie 6 sommaire 83 BOOKLIST 2021-2022 84 Frissons 94 Anticipation 97 VĂ©cu 112 Jeunesse 114 Poche 7 8 PRESSBOOK Anna et Emma ont vingt ans. Talentueuses, pleines dâenvies et pressĂ©es dâaffronter la vie rĂ©- elle, elles nâont pas attendu dâĂȘtre diplĂŽmĂ©es pour partir Ă la conquĂȘte de marchĂ©s. SĂ©duite par leur volontĂ© dâentreprendre, Claire Izard leur a confiĂ© le design de ses collections. CI-DESSUS 9 Emma Palissot, graphiste et designer PAGE DE GAUCHE Anna Liron, illustratrice PRESSBOOK Welcome on board, les Miss ! Anna et Emma ? Elles sont jeunes, il est vrai ! Mais aux Ăąmes CI-DESSUS bien nĂ©es, la valeur nâattend point le nombre des annĂ©es ! Souvent citĂ© Ă contre-emploi, ce vers de Pierre Corneille quali- Exemple de design de produit fie nĂ©anmoins parfaitement ces deux femmes de leur Ă©poque © 2021 Palissot qui font fi de leur jeunesse. En effet, alors quâelles nâont mĂȘme pas lâĂąge requis pour boire une biĂšre aux Ătats-Unis, elles ex- CI-DESSUS pĂ©rimentent lâentrepreneuriat depuis deux ans. Exemple de design web BacheliĂšres prĂ©coces, elles se sont rencontrĂ©es sur les bancs © 2021 Palissot de lâuniversitĂ© Gustave Eiffel, situĂ©e Ă Marne-la-VallĂ©e. Entre projets pour lâĂ©cole et services rendus aux copains, lâidĂ©e dâex- ploiter leur complĂ©mentaritĂ© a germĂ©, puis sâest structurĂ© le 1er juillet 2019. A cette Ă©poque, lâune et lâautre Ă©taient Ă peine majeures. Deux ans plus tard, ce binĂŽme fonctionne Ă merveille. Emma Palissot est passionnĂ©e par lâensemble des domaines artistiques et aime mettre en valeur sa crĂ©ativitĂ© sur tout type de mĂ©dias. Graphiste et notamment experte en identitĂ© vi- suelle, cette Toulonnaise dessine, photographie, encre et colo- rie depuis lâenfance. PersuadĂ©e que lâĂ©motion passe par lâimage que lâon se fait de lâimage », elle publie Ă lâĂąge de dix- sept ans, un recueil de pensĂ©es intitulĂ© Et AprĂšs ? » aux Ă©di- tions Saint-HonorĂ©. CI-CONTRE Exemple de graphisme de Letterbox © 2021 Palissot/Greneu 10 CI-DESSUS PRESSBOOK Portrait de Yeule, artiste Singapourienne Puis, elle en profite pour sâimmerger dans la communication © 2020 Liron interactive. Alors, elle en vient naturellement Ă crĂ©er un studio indĂ©pendant de jeux vidĂ©o dĂ©nommĂ© Maki Edition pour ex- ploiter Letterbox, un jeu immersif oĂč le choix stratĂ©gique dâun design Ă©purĂ© sublime une histoire complexe. InspirĂ© du roman Inconnu Ă cette adresse » de Kressmann Taylor, Emma et son conjoint Mathias Greneu ont conçu et codĂ© leur jeu en cinq semaines ! DĂ©veloppĂ©e pour Android et disponible exclu- sivement sur Playstore, cette application consiste Ă dĂ©couvrir la vie dâun inconnu via les lettres quâil reçoit quotidiennement. Une entrepreneuse est nĂ©e, la fondatrice dâIGB sait que le dy- namisme dâEmma amĂšnera Maki Edition et le studio EP vers les sommets. Anna Liron est illustratrice. Une pure dessinatrice. Parisienne, fille dâimprimeur et titulaire dâune licence dâArt NumĂ©riques, elle a la ferme intention de dĂ©crocher de nombreux contrats afin de pouvoir assumer les frais onĂ©reux dâune formation de concept art et ainsi faire le job de ses rĂȘves. En effet, tombĂ© amoureuse de Prince of Persia Ă lâĂąge de dix ans, Anna nâest jamais revenue de son voyage dans lâunivers des jeux vidĂ©o. Ainsi, elle se destine Ă ĂȘtre concept artist, câest- Ă -dire celle qui, sous la houlette dâun directeur artistique ou dâun rĂ©alisateur, transformera un concept en une crĂ©ation vi- suelle digitale. Pour ce faire, il faut visualiser une atmosphĂšre et la reproduire avec exactitude. BriefĂ©e sur les couvertures de Frousse dâenfer, Anna possĂšde cet instinct consistant Ă trans- former trois lignes en dessin rĂ©aliste. Aussi, dans quelques annĂ©es, Claire Izard ne doute pas quâelle apercevra le patronyme dâAnna au crĂ©dit de blockbusters pro- duits par les majors de Los Angeles ou de la Silicon Valley. CI-CONTRE Le SamouraĂŻ du Mont Fuji © 2021 IGB/ Liron 11 12 CI-DESSUS Sylvie Roussel et Marc Gervais © 2021 Claire Izard BOOKSMARKET PAGE DE GAUCHE Ă lâoccasion du premier anniversaire de la commercialisa- tion des titres dâIGB Ădition, Sylvie Roussel, animatrice de Marc Gervais. 62 ans. lâĂ©mission ça se discute » sur FM et prĂ©sidente de Cofondateur dâIGB Ădition. Radio VallĂ©e VĂ©zĂšre depuis sa crĂ©ation en 1981, interroge Ancien Ă©diteur. Marc Gervais. Retranscrite comme elle a Ă©tĂ© enregistrĂ©e, SpĂ©cialiste de la crĂ©ation dâentreprise cette interview menĂ©e sans complaisance, ni langue de © 2021 Claire Izard bois permet dâapprĂ©hender lâĂ©conomie du livre, de dĂ©cou- vrir la stratĂ©gie de dĂ©veloppement dâun Ă©diteur indĂ©pen- dant et de cerner les mĂ©canismes dâune levĂ©e de fonds. 13 BOOKSMARKET Marc Gervais⊠dâhabitude, quand vous arrivez Ă la station, CI-DESSOUS vous faites le clown⊠Mais aujourdâhui, je vous sens tendu⊠Chargement de pins. â ⊠Je suis fatigué⊠Avec Claire Izard, la prĂ©sidente dâIGB Ădi- Smurfit Kappa. Landes. tion, nous venons de vivre un trimestre intense oĂč nous avons bossĂ© non-stop dix-huit heures par jour⊠Mais le printemps a dĂ©butĂ© sous les meilleurs auspices⊠LâĂ©tĂ© sera beau et avec la sortie de MĂ©tacitĂ©s et probablement la commercialisation de deux autres pĂ©pites, lâautomne sera agrĂ©able⊠Sur notre antenne, vous avez dĂ©clarĂ© que votre oiseau prĂ©- fĂ©rĂ© est le faucon, car vous aviez rĂ©cemment croisĂ© deux vrais cons⊠Dois-je comprendre que lâhiver a Ă©tĂ© rude ? â ⊠Pfff⊠sourires⊠Je dirais quâil a Ă©té⊠disons⊠chahutĂ© ! Mais, ce nâest pas Ă©tonnant⊠câest le quotidien des entreprises en dĂ©marrage⊠Cela Ă©tant⊠vous ne mâavez quand mĂȘme pas fait lever aux aurores pour mâinterroger sur mes Ă©tats dâĂąme ! Pourquoi ? Vous en avez ? â Aucun ! Je suis au service dâIGB Ădition⊠on mâa ordonnĂ© de protĂ©ger sa fondatrice Claire Izard et son actionnariat⊠JusquâĂ ce que lâon mâintime dâinterrompre ma mission, je le ferai sans remord⊠et⊠naturellement sans regret ! Ăa tombe bien, car nous nâallons pas parler rĂ©cits, mais fi- nances ! Victoire passant son bac, je la remplace⊠Il nây aura pas dâinterview dĂ©calĂ©e, ni dâhumour au xiĂšme degrĂ©. Jâattends que vous vous exprimiez sans langue de bois afin que nos au- diteurs et les abonnĂ©s dâIGB MAG dĂ©couvrent vraiment les dessous de lâĂ©conomie du livre ! Vous ĂȘtes prĂȘt ? â Allons y ! Marc Gervais⊠Sommairement... quâest-ce que lâĂ©dition ? â Je sens que je vais ĂȘtre dĂ©testé⊠Euh⊠Comme vous ĂȘtes une ancienne de lâindustrie papetiĂšre, vous allez comprendre⊠Selon une rĂ©cente communication du syndicat des Ă©diteurs, lâĂ©dition⊠câest annuellement tonnes de livres adres- sĂ©es aux libraires⊠tonnes dâouvrages retournĂ©es aux Ă©diteurs et tonnes mises au pilon ! Ăa fait combien dâarbres ? â Beaucoup ! Sachant que 12 arbres sont nĂ©cessaires pour fabriquer une tonne de papier, je vous laisse faire le calcul⊠ça doit faire arbres et quelques qui ont Ă©tĂ© coupĂ©s en pure perte, car câest cela dont il sâagit... Vous utilisez du papier recyclĂ© ? â Non ! Je ne vois pas pourquoi nous payerons plus cher du papier que nous avons contribuĂ© Ă fabriquer en donnant nos invendus aux recycleurs⊠et ce dâautant plus que, selon une Ă©tude publiĂ©e en 2020 par lâuniversitĂ© de Yale, lâimpact envi- 14 CI-DESSUS BOOKSMARKET Impression dâun ouvrage IGB ronnemental du papier recyclĂ©, dont la production implique CPI BussiĂšre lâusage des Ă©nergies polluantes, induit une empreinte carbone trĂšs Ă©levĂ©e. Chez IGB, nous prĂ©fĂ©rons replanter les arbres que nous avons utilisĂ©s et surtout Ă©viter de dĂ©truire ce que nous avons imprimé⊠dâoĂč la crĂ©ation du Mag IGB dont lâabonne- ment permet de recevoir dix livres gratuits ! LĂ est la vĂ©ritable attitude Ă©co-responsable ! Il ne suffit pas de lĂ©gifĂ©rer pour pousser les industriels Ă utiliser des encres composĂ©es de 75% dâeau au lieu dâencres Ă base de solvant pour ĂȘtre Ă©co- friendly⊠Lâencre Ă lâeau Ă©tant hydrophile, elle nâest pas dissol- vable⊠et ne peut donc pas ĂȘtre recyclĂ©e⊠Vous avez une autre question sur le sujet ? Sourires Non ! Mais je voudrais revenir sur lâabonnement qui permet de recevoir dix livres... Comment cette idĂ©e de livres Ă prix gratuit a-t-elle Ă©tĂ© accueillie ? â ⊠Tout dâabord⊠des livres Ă prix gratuit » est un slogan ! Jeu de mot avec livres Ă prix rĂ©duit », prix gratuit » ne si- gnifie pas prix nul », puisque la rĂ©ception des ouvrages est subordonnĂ©e au paiement dâun abonnement. Ceci Ă©tant prĂ©ci- sĂ©, je vous confirme que mĂȘme les libraires nous fĂ©licitent⊠En effet, ils ont compris que nous renforcions le potentiel lecto- rat de nos auteurs avec des ouvrages dont ils nâont pas vou- lu⊠Ils devinent que dĂ©couvrir Ă moindre coĂ»t de nouveaux auteurs les servira Ă terme⊠et quâils sont en prĂ©sence dâun Ă©diteur intelligemment comptable de ses investissements⊠Comme vous lâimaginez, les lecteurs sont ravis de faire une bonne affaire, mĂȘme sâils reçoivent les ouvrages aprĂšs leur du- rĂ©e de vie en librairie⊠Je suppose que les auteurs IGB sont ravis ! â Ă vrai dire, ils auraient probablement prĂ©fĂ©rĂ© que nous nâayons pas eu Ă inventer ce systĂšme de diffusion⊠Chacun espĂšre vendre un maximum de livres en librairie afin de perce- voir 10% sur le prix public hors taxe⊠soit 1,80 euros pour un bouquin vendu 19,90 TTC. Cela Ă©tant, une majoritĂ© dâauteurs IGB ont Ă©tĂ© nos premiers abonnĂ©s, car ils ont compris lâavan- tage du systĂšme leur permettant de percevoir soixante-dix centimes par ouvrage diffusĂ© via le pass Mag. En fait, nous ap- pliquons Ă nos auteurs le pourcentage prĂ©vu pour la commer- cialisation en club⊠soit 15% du prix tarif Les auteurs se partagent sept euros⊠au prorata du nombre de leurs titres retenus Ă chaque abonnementâŠ. Oui⊠mais 70 centimes, câest moins quâ1,80 euros ! â ⊠Sourires⊠Je vous confirme mĂȘme que ça fait 1,10 euros de diffĂ©rence par ouvrage⊠mais câest mieux que zĂ©ro, car je vous rappelle que nous parlons dâinvendus ! Quel auteur sâen plaindrait ? ArrĂȘtons de dĂ©conner... il faudrait avoir la puis- sance de rĂ©flexion dâun mollusque pour dĂ©nigrer un systĂšme permettant de percevoir de lâargent sur un produit non com- mercialisé⊠Cette facultĂ© nâexiste nulle part... sauf chez IGB⊠Vous imaginez la SACEM versant des droits pour des disques non diffusĂ©s Ă lâantenne... Un restaurateur percevant de lâar- 15 BOOKSMARKET gent sur des plats non commandĂ©s... Un producteur de films touchant des droits dâentrĂ©e sur les siĂšges vides⊠ou tenez⊠un assureur vous indemnisant pour un sinistre qui nâa pas eu lieu ? En interprĂ©tant judicieusement le juridisme de la loi Lang, nous avons rĂ©ussi Ă modifier la chaĂźne traditionnelle du livre en plaçant le consommateur de part et dâautre du cycle de la vie dâun livre. Quâest-ce que votre organisation recouvre ? â En apprĂ©hendant les goĂ»ts littĂ©raires de nos abonnĂ©s dont la pierre angulaire est constituĂ© par les membres de notre co- mitĂ© de lecture, nous pouvons bĂątir un catalogue oĂč chaque titre est appelĂ© Ă devenir un classique⊠Alors que la durĂ©e de vie dâun livre en librairie est de trois mois et que les invendus sont systĂ©matiquement retournĂ© Ă lâĂ©diteur au bout de douze mois maximum afin dâĂȘtre dĂ©truit, nous distribuerons tout rĂ©- cit via lâabonnement tant quâil sera rĂ©servĂ© en quantitĂ© raison- nable⊠naturellement. Cela explique pourquoi les auteurs IGB font des envieux, Justement⊠câest quoi un auteur ? â Comptablement⊠un code-barre ! Une sortie de caisse ! Hahaha⊠vous allez vous faire des amis ! â SincĂšrement... vous connaissez un auteur dĂ©daignant le terme reddition des comptes » ? Celles et ceux qui parlent de leur rĂ©cit comme dâune Ćuvre, sont les premiers Ă rĂ©clamer le paiement de leur droit⊠Donc⊠pour vous⊠un livre se borne à ça ? â Je nâai pas inventĂ© le commerce ! Mais oui⊠le livre est un produit⊠un code ISBN⊠Pour les grands groupes Ă©ditoriaux, un livre⊠câest un patronyme⊠Musso⊠Levy⊠Nothomb⊠ou 16 CI-DESSUS BOOKSMARKET Jean-Pier Delaume-Myard un titre⊠Harry Potter⊠AstĂ©rix⊠Pour les Ă©diteurs indĂ©pen- DR La RĂ©publique du Centre dants, câest une couverture⊠un prix public et un rĂ©sumĂ© sur la quatriĂšme de couverture⊠On travaille trĂšs dur au quotidien pour quâun jour Tissier⊠Hage⊠Giacomuzzi⊠Will⊠Pecylak⊠Bigourie⊠Battista⊠Delaume⊠Dubat et dâautres comme Cy- rielle Menguy ou encore Julie Gaillard deviennent une marque incontournable⊠au mĂȘme titre que les Rolling Stones⊠ou les fraises Tagada⊠Et vous ? â Je ne mâexclue pas, car je nâĂ©chappe pas Ă la rĂšgle⊠Le jour oĂč je cesse de recevoir de bonnes critiques et que mes rĂ©cits ne rencontrent pas leurs lecteurs, jâarrĂȘte ! Mon statut de co- fondateur dâIGB ne me protĂšge pas⊠Pourquoi irais-je obĂ©rer les capacitĂ©s dâinvestissements dâIGB et par-delĂ sanctionner indirectement mes consĆurs et mes confrĂšre pour des rĂ©cits qui nâintĂ©ressent que mon conjoint ou ma belle-sĆur ? Quâest-ce quâun rĂ©cit ? â Câest une excellente question ! Un rĂ©cit est une espĂ©rance ! Un vecteur de fidĂ©lisation dâun lectorat⊠En fait, câest un Ă©ter- nel recommencement qui impose Ă lâauteur de se remettre en cause Ă chaque titre⊠Mais au prĂ©alable, câest une interroga- tion, une Ă©motion⊠ou une intuition ! Vous mâexpliquez ? â Chez tout Ă©diteur, lâintĂ©gration dâun titre au catalogue est forcement la conclusion dâune rĂ©flexion⊠Si les premiĂšres pages envoyĂ©es par le soumettant ne sont pas exception- nelles, le rĂ©cit doit ĂȘtre adoubĂ© par le comitĂ© de lecture⊠câest alors une interrogation⊠IGB nâĂ©chappe pas Ă la rĂšgle⊠Mais la souplesse de notre structure nous permet dây dĂ©roger⊠Quand un vendredi aprĂšs-midi, Claire se plonge dans le texte de Julie Gaillard⊠que je vois ses yeux briller... Et que je lâen- tend rire ou pleurer⊠je devine que nous inscrirons un nou- veau titre au catalogue⊠Enfin, lâintuition recouvre la percep- tion que nous pouvons avoir de la personnalitĂ© dâun auteur⊠IGB est une chance unique pour les primo-romanciers⊠En somme⊠un Ă©diteur est un dĂ©nicheur de talents ? â Restons humbles ! Câest dâabord une personne physique qui travaille avec le matĂ©riel littĂ©raire et le potentiel humain correspondant Ă sa taille. Ensuite, câest un passionnĂ© qui a la chance de se battre dans un marchĂ© Ă©chappant Ă la saisonna- litĂ©, mĂȘme si pour les formats de poche, certaines pĂ©riodes de lâannĂ©e sont plus favorables que dâautres. Dans le cas dâun Ă©diteur dĂ©butant... quand tout va bien, il une force de proposi- tion⊠Dans le cas contraire, Atlas porte le monde sur ses Ă©paules⊠Nous sommes dans le monde des affaires, pas dans celui des Bisounours⊠IGB nâĂ©dite pas pour flatter les egos, mais pour adresser le produit le plus parfait possible Ă la cible Ă laquelle il est destinĂ©. Ensuite, le marchĂ© dĂ©cide, mĂȘme si notre organisation et notre ligne Ă©ditoriale rĂ©duit les risques⊠17 BOOKSMARKET Pourquoi ? CI-DESSOUS â ⊠Nos livres peuvent se vendre toute lâannĂ©e⊠On peut MAXIBOUR$E inventĂ© par Marc Gervais acheter du Tissier de janvier Ă dĂ©cembre⊠Nous ne sommes 1er jeu de sociĂ©tĂ© occidental commercialisĂ© pas dans le scolaire ludique qui se vend en juillet et en aoĂ»t⊠ou dans le scolaire pur dont 90% du chiffre dâaffaires est rĂ©ali- sĂ© en septembre⊠MĂȘme si Frousse dâenfer permet dâap- prendre en sâamusant Ă lire, nous comptabiliserons des ventes tout au long de lâannĂ©e⊠Vous comptez pĂ©nĂ©trer les segments Ă©ducatifs ? â Certainement pas ! MĂȘme si les Frousse ont une forte con- notation Ă©ducative, vouloir pĂ©nĂ©trer un marchĂ© vĂ©rouillĂ© par Hachette, Belin, Magnard, Nathan et Playbac est suicidaire⊠à ce point ? â ⊠Je sais de quoi je parle pour avoir rĂ©flĂ©chi Ă ce type de diversification quand jâĂ©tais un crĂ©ateur de jeux de sociĂ©tĂ© en vogue Ă la fin des annĂ©es 80, puisque jâai Ă©tĂ© dĂ©signĂ© trois an- nĂ©es de suite crĂ©ateur de lâannĂ©e. La puissance et la capacitĂ© de lobbying de Nathan au sein de lâĂducation Nationale Ă©taient telles que les majors amĂ©ricaines qui me soutenaient comme Mattel ou Hasbro ont renoncĂ© Ă se lancer dans la ba- garre de lâĂ©ducatif ⊠En consĂ©quence, IGB restera dans la fic- tion et se fera une place au soleil avec une ligne Ă©ditoriale in- temporelle destinĂ©e Ă Ă©mouvoir, divertir et sensibiliser les en- fants de dix Ă quatre-vingt-dix ans ! Je rĂ©sume⊠Un Ă©diteur est une force de proposition qui place ses espoirs de gain dans un produit sans avoir la certi- tude quâil trouvera preneur et dont les auteurs constituent son ADN. Ai-je bien compris ? â ⊠Non ! LâADN dâune maison dâĂ©dition, câest une ligne Ă©di- toriale clairement dĂ©finie, portĂ©e par des rĂ©cits parfaitement aboutis enveloppĂ©s dans emballage le plus attrayant possible, proposĂ©s Ă un prix raisonnable et dont le succĂšs commercial dĂ©pend grandement dâune prĂ©sence assidue de lâauteur sur les rĂ©seaux sociaux. Enfin pour ĂȘtre complet⊠Hormis Philippe Will et Pascal Tissier qui disposent dâune base de quelques milliers de lecteurs, les auteur IGB sont des diamants bruts ap- pelĂ©s Ă devenir des littĂ©rateurs⊠câest-Ă -dire des auteurs, qui mis en confiance par les efforts promotionnels de leur Ă©diteur, prennent plaisir Ă produire Ă intervalle rĂ©gulier. En somme⊠les auteurs IGB sont heureux ! â Pourquoi ne le seraient-ils pas ? Tout dâabord, ĂȘtre Ă©ditĂ© Ă compte dâĂ©diteur est un privilĂšge de plus en plus rare⊠Cer- tains de nos auteurs ont connu des Ă©checs, ils connaissent donc leur chance... Ensuite, ils touchent du pognon sur les stocks morts ». Enfin, leurs rĂ©cits sont diffusĂ©s par une Ă©di- trice qui a prĂ©fĂ©rĂ© sâassurer les services dâune boĂźte de com de renom au lieu de privilĂ©gier les salaires ! Cette dĂ©marche est tellement rare que Claire Izard mĂ©rite dâen ĂȘtre remerciĂ©e. 18 BOOKSMARKET Qui est rĂ©ellement Claire Izard ? â ⊠Une folle ! ⊠Une gonzesse totalement cinglĂ©e⊠Une na- na qui a dĂ©cidĂ© de mettre entre parenthĂšse une vie profes- sionnelle oĂč rien de fĂącheux ne pouvait lui arriver et par-delĂ de se mettre en danger pour vivre son rĂȘve dâĂ©diter de bons rĂ©cits⊠Grande lectrice, elle raisonne en consommatrice⊠Elle mâĂ©pate, car alors quâelle dĂ©couvre les affres de la crĂ©ation dâentreprise, rien ne la dĂ©courage⊠Câest un monstre de vo- lontĂ© ! Dâun naturel rĂ©servĂ©, elle dĂ©teste se mettre en avant, mais elle apprend Ă une vitesse folle⊠Pour le succĂšs de ses auteurs, rien ne lui semble impossible⊠Cependant, elle a du caractĂšre et dĂ©teste ĂȘtre prise pour une imbĂ©cile ou quâon lui manque de respect elle attend de ses publiĂ©s quâils travaillent avec application et quâils soient les vecteurs constitutifs de la promotion de leurs ouvrages⊠Qui est Claire Izard ? Une Ă©di- trice moderne qui, contrairement Ă des confrĂšres Ă©tablis, nâac- cepte pas de subir des comportements de diva. Eu Ă©gard aux sacrifices quâelle sâimpose pour sortir de lâanonymat de par- faits inconnus, elle nâest pas prĂȘte Ă supporter les caprices. Câest difficile de porter un projet dâentreprise ? â ChĂšre Sylvie, vous avez fait votre carriĂšre chez un grand pa- petier et aujourdâhui vous Ćuvrez au dĂ©veloppement de votre radio⊠Donc, vous connaissez la diffĂ©rence entre une structure Ă©tablie et une crĂ©ation dâentreprise dont on pense Ă tort que câest un jeu dâenfant⊠Câest mĂȘme tout le contraire⊠Alors, la crĂ©ation dâune maison dâĂ©dition est un pensum... â Je ne dirais pas ça⊠Chez IGB, rien nâest rĂ©barbatif... Mais comme je lâai dĂ©jĂ dit sur votre antenne⊠lâĂ©chec peut ĂȘtre fi- nancier, mais lâerreur ne doit pas ĂȘtre humaine⊠Pour rĂ©- pondre Ă votre question⊠tout dĂ©pend qui on doit convaincre dâamender son texte pour quâil soit reçu par son cĆur de cible ou quel texte on corrige⊠Cela Ă©tant, notre quotidien est plu- tĂŽt plaisant, car les auteurs IGB sont intelligents⊠Ils ne sâac- crochent pas Ă leur texte initial comme une moule Ă son ro- cher⊠Ils comprennent les impĂ©ratifs du marchĂ©. Ce sont des gens Ă©quilibrĂ©s⊠Ils ont un boulot⊠des enfants⊠En rĂ©alitĂ©, mĂȘme sâils ont un autre job, il agissent en professionnels⊠Quand on voit avec quelle application Philippe Will a relu le texte de Dealer ou la valse des maudits alors quâil sâagit dâune réédition, on devine quâil Ă©crit par plaisir et non pour le plaisir. Câest difficile de vivre de sa plume ? â Oui⊠1% seulement des auteurs français perçoivent lâĂ©qui- valent de trois fois le SMIC... Cependant, je suis persuadĂ© que des auteurs IGB Ă©mergeront⊠Certains seront mĂȘme primĂ©s... Vraiment ? â ⊠Si on fait bien notre boulot, il nây a aucune raison de ne pas y arriver... Dâailleurs, on vient de faire une premiĂšre levĂ©e des fonds sur la base dâun business plan intelligible⊠19 BOOKSMARKET Ă quoi ressemble le plan dâaffaires dâun petit Ă©diteur ? â ⊠à une feuille de route oĂč lâon dĂ©montre quâavec des au- teurs dĂ©butants et un circuit commercial Ă©mergeant, on est capable de gĂ©nĂ©rer progressivement du cash⊠Quels sont les Ă©cueils Ă Ă©viter ? â Il y en a deux principaux⊠En premier lieu... Il faut Ă©viter de mentir et de se mentir⊠Il est indispensable de bĂątir un plan de dĂ©veloppement que lâon peut tenir aprĂšs avoir apprĂ©ciĂ© avec objectivitĂ© lâenvironnement dans lequel on se situe⊠Quand le secteur Ă©ditorial du premier groupe français reprĂ©- sente seulement 280 millions dâeuros de chiffre dâaffaires, prĂ©- senter des perspectives pharaoniques de retour sur investisse- ment nâest pas crĂ©dible⊠Il ne faut jamais oublier quâune li- brairie est le commerce de dĂ©tail de France le moins rentable. En second lieu, il faut se marier avec les bonnes personnes⊠ce qui nâest jamais facile... Vous avez lâexpĂ©rience de la crĂ©ation dâentreprise ? â ⊠Un peu⊠Jâai exercĂ© trois mĂ©tiers⊠CrĂ©ateur de jeux de sociĂ©tĂ© et de jouets⊠puis, Ă©diteur de livres de voyages⊠et crĂ©ateur dâalgorithmes de compression des donnĂ©es numĂ©- riques⊠Donc⊠jâai fondĂ© ma premiĂšre entreprise Ă 26 ans⊠la seconde Ă 33, la troisiĂšme Ă 44 ans et co-fondĂ© IGB Ă 61 ans⊠Quand jâai quittĂ© lâindustrie du jouet en 1992, Ernst &Young a estimĂ© que mes inventions avaient engendrĂ© un flux financier supĂ©rieur Ă 100 millions de dollars⊠Au cours de ma carriĂšre, jâai crĂ©e plus de 500 emplois⊠et avec mon labo de recherches sur la compression, jâai levĂ© 12 millions dâeuros auprĂšs des hĂ©- ritiers Dassault et Wendel⊠Le cabinet amĂ©ricain de propriĂ©tĂ© intellectuelle Dennemeyer avait estimĂ© Ă trois milliards de dol- lars la valeur potentielle des 101 brevets qui mâavaient Ă©tĂ© dĂ©- livrĂ©s dans 45 pays⊠je suis donc familiarisĂ© Ă la crĂ©ation dâen- treprise et Ă la crĂ©ation de richessesâŠ. 20 BOOKSMARKET Justement⊠quelle est la premiĂšre richesse dâIGB ? â Claire Izard ! Claire Izard et sa facultĂ© Ă repĂ©rer un rĂ©cit pro- metteur ! Ă cela rien dâĂ©tonnant, les grands Ă©diteurs comme JĂ©rome Lindon des Ăditions de Minuit ou Bernard de Fallois des Ăditions de Fallois avaient ce don que dâautres ne possĂš- dent pas. Câest ainsi que vous lâavez vendue aux actionnaires ? â Je nâai pas vendue Claire ! Je lâai louĂ©e ! LouĂ©e dans tous les sens du terme dâailleurs, puisque jâai vantĂ© son expĂ©rience de grande lectrice qui, ayant analysĂ© plus de bestsellers, sait distinguer les passages addictifs des paragraphes moins dynamiques et repĂ©rer les sections inutiles ou les parties sura- bondantes. Sachant que les investisseurs achĂštent le passĂ© afin de se prĂ©munir des risques de lâavenir, jâai pu convaincre ! Je ne les ai dâailleurs pas trompĂ©s dans la mesure oĂč les li- braires et les critiques soulignent actuellement la qualitĂ© des sorties IGB du printemps et de lâĂ©tĂ©. Dâailleurs, je ne doute pas un instant que les titres dâoctobre et de novembre reçoivent les mĂȘmes Ă©loges. Quel est le patrimoine dâune maison dâĂ©dition ? â Chez un Ă©diteur Ă©tabli, ce sont ses auteurs bankables et leur capacitĂ© Ă gĂ©nĂ©rer des revenus futurs. Cela Ă©tant, est-ce valorisable ? Si Guillaume Musso dĂ©cĂšde, Calmann-LĂ©vy vau- dra beaucoup moins, alors que chez IGB, si un auteur fait une chute de poney, ça nâaura aucune incidence ! Est-ce Ă dire quâIGB ne vaut rien ? Contrairement aux autres Ă©diteurs, IGB vaut par ses invendus puisquâelle les valorise auprĂšs de ses abonnĂ©s. IGB vaut Ă©galement par sa capacitĂ© Ă imaginer la monĂ©tisation des rĂ©cits dont elle a acquis les droits et y com- pris ceux qui peinent Ă sĂ©duire leur marchĂ©. Vous voulez que je vous explique comment ? Volontiers ! â Câest simple⊠AprĂšs sâĂȘtre adjoint les services dâune boĂźte de communication qui nous donnera plus de visibilitĂ©, puis aprĂšs avoir rĂ©solu le problĂšme des ouvrages non commerciali- sĂ©s en librairie et avoir créé une division Jeunesse en appelant Anna et Emma auprĂšs dâelle, quelle avant-derniĂšre brique de- vra poser Claire pour achever la consolidation de son Ă©difice ? Vous allez me le dire ! â Lâaudiovisuel, Sylvie ! Lâaudiovisuel ! Dans moins de six mois, IGB disposera dâune division chargĂ©e de scĂ©nariser et de transformer des histoires en crĂ©ations digitales. Nous possĂ©- dons la matiĂšre premiĂšre qui est constituĂ©e par les rĂ©cits dont nous avons les droits, mĂȘme si certains marchĂ©s comme celui du Young Adult est compliquĂ©. Ensuite sur la base dâun pre- mier Ă©pisode ou dâun pilote significatif, il suffira de monter des co-productions ou de cĂ©der les droits Ă des boĂźtes de prod ou Ă des diffuseurs. Ensuite, nous attendrons tranquillement la 21 BOOKSMARKET programmation tĂ©lĂ©visĂ©e pour relancer nos titres et en lancer dâautres dans des formats adaptĂ©s Ă nos cibles. Câest la raison pour laquelle, jâai reçu mission de bĂątir un nouveau plan dâaf- faires afin de lever des fonds plus consĂ©quents. Câest astucieux ! Quand cette idĂ©e est-elle nĂ©e ? â DĂšs la crĂ©ation de lâentreprise, en janvier 2020 ! Nous dĂ©ve- lopperons Ă©galement le merchandising quand il sera temps ! Quelle est la derniĂšre brique ? â ⊠Sâattacher les services dâun agent littĂ©raire pour per- mettre Ă nos auteurs de pĂ©nĂ©trer les marchĂ©s Ă©trangers. Combien de temps avez-vous mis pour lever les fonds et sous quel dĂ©lai pensez-vous boucler le second tour ? â Entre la rĂ©flexion stratĂ©gique ayant imposĂ© Ă Claire de rĂ©- flĂ©chir aux sacrifices quâelle devait sâimposer, lâĂ©criture du bu- siness plan et les nĂ©gociations⊠quatre mois ont Ă©tĂ© nĂ©ces- saires. Pour la nouvelle levĂ©e de fonds⊠douze mois seront indispensables pour lever un Ă deux millions dâeuros. Utiliser une plateforme de financement participatif ne serait pas plus rapide ? â Pfff⊠Depuis lâinvention de lâimprimerie, des Ă©diteurs ont recours Ă la souscription⊠RĂ©cemment un Ă©diteur de BD Ă©ro- tiques a utilisĂ© Ulule avec succĂšs... Chacun sursoit Ă ses pro- blĂšmes de trĂ©sorerie comme il le peut⊠Cela Ă©tant, si je ne nie pas lâutilitĂ© de cette forme de financement pour des projets humanitaire, je suis circonspect quand il sâagit de crĂ©ation dâentreprise⊠Un entrepreneur ne fait pas la manche ! Il met en jeu son patrimoine pour la rĂ©ussite de son projet... Ma- dame Izard se situe dans cette logique ! Elle parle de rĂ©tribu- tion de risques par dĂ©livrance dâactions et non de goodies en Ă©change de dix balles ! Cela Ă©tant⊠si ces plateformes peuvent dĂ©clencher le goĂ»t dâentreprendre⊠au fond⊠pourquoi pas... Combien de titres sortez-vous cette annĂ©e ? â Huit⊠soit deux fois plus quâen 2021. 25 titres sont dĂ©jĂ programmĂ©s en 2022. Ă la mi-novembre 2022, IGB comptera plus de 100 rĂ©fĂ©rences. IGB Edition avance trĂšs vite. En juin prochain, le lancement de la collection Frousse dâEnfer va faire mal⊠Pendant cinq ans, nous sortirons chaque annĂ©e six Ă huit titres accompagnĂ©s dâun prĂ©sentoir de 24 Ă 32 exemplaires⊠assortis de lâenvironnement promotionnel indispensable. Comment avez-vous recrutĂ© les auteurs Jeunesse ? â ⊠Le plus simplement du monde⊠Cherchant des auteurs irrĂ©prochables Ă tout point de vue, jâai sollicitĂ© Aude Hage et Pascal Tissier⊠MĂȘme si je ne doute pas que dâautres auteurs IGB pourrait postuler, Claire sâapprĂȘte Ă lancer un appel Ă ma- nuscrit afin de complĂ©ter sa collection. 22 BOOKSMARKET Quelles sont les prochaines Ă©tapes ? â Regarder devant nous pour consolider nos acquis et prĂ©pa- rer les campagnes 2022 et 2023. Avec lâarrivĂ©e des Miss, nous allons peaufiner notre catalogue, commencer lâapproche au- diovisuel, lancer de nouveaux auteurs et Ă©viter ceux atteints de bouffissure qui Ă force dâĂ©crire ont les pieds aussi gonflĂ©s que leur orgueil. Ayant la chance dâavoir une Ă©quipe dâauteurs sympas, nous veillerons Ă la conservation de cette Ă©quilibre⊠Enfin Ă titre personnel, je vais mettre les bouchĂ©es doubles pour que Claire Izard se concentre sur ce quâelle aime faire⊠câest-Ă -dire lire et promouvoir ses titres et ses auteurs. Comment voyez-vous lâavenir ? â Il sera celui que Madame Izard dessinera⊠Dans trois ans, elle aura sorti une soixantaine de titres et lancĂ© une trentaine dâauteurs dont elle aura formĂ© la plupart. Alors, elle prendra la dĂ©cision de continuer ou de choisir une vie moins stressante⊠Quel conseil donneriez-vous Ă un auteur ? â Au plan littĂ©raire⊠aucun⊠car je nâai pas encore fait mes preuves⊠En tant quâĂ©diteur⊠je conseillerais au postulant de suivre notre sens du marchĂ©, puisque rien nâest plus difficile que de prendre du recul par rapport Ă son texte... Comment voyez-vous votre avenir ? â Claire mâa demandĂ© dâĂȘtre Ă©diteur⊠Je suis Ă©galement ro- mancier⊠à la seconde mĂȘme oĂč ce que je fais ne me pas- sionnera plus, jâarrĂȘterai ! Quoi ! Vous arrĂȘteriez dâĂ©crire ? â Croyez-vous que lâannonce de la fin de la carriĂšre de ro- mancier de Marc Gervais plongera la planĂšte dans un blues abyssal ou mettra en pĂ©ril lâĂ©conomie mondiale ? Cela Ă©tant⊠rassurez-vous⊠vous nâĂȘtes pas encore dĂ©barrassĂ©e de moi ! Hahaha⊠Marc Gervais, merci ! Un dernier mot ? â Ouais⊠abonnez-vous Ă IGB MAG ! 23 SORTIES NATIONALES 24 SORTIES NATIONALES 9 JUILLET Ă la Saint-BarthĂ©lemy des camĂ©s, il y avait eu beaucoup de faux semblants et dâĂ©crans de fumĂ©e⊠Brian Jones⊠Jimi Hendrix⊠Janis Joplin⊠Jim Morrison⊠Tous fauchĂ©s au sommet de leur gloire⊠à vingt-sept ans ! Et si Ă la fin des sixties, l'Ă©pidĂ©mie d'overdoses ayant dĂ©cimĂ© les plus grandes stars du rock ne devait rien au hasard ? Quelques semaines aprĂšs la disparition de Jim Morrison, le corps sans vie de Jean de Breteuil est retrou- vĂ© Ă Tanger. Overdose. Une de plus ! Dealer des stars et star des dealers, il fournissait l'hĂ©roĂŻne la plus pure. La plus dangereuse aussi ! ĂlevĂ© par sa mĂšre dans le Marrakech des annĂ©es soixante, il Ă©tait programmĂ© pour re- prendre les rĂȘnes de l'empire de presse familial. HĂ©las, il choisira un autre destin. Si son implication dans la disparition de Jim Morrison ne fait plus de doute aujourdâhui â des tĂ©moins affirment avoir aperçu sa voiture sur le parking du Landmark HĂŽtel la nuit oĂč Janis Joplin a trouvĂ© la mort â Jean cĂŽtoyait Ă©galement Brian Jones et Jimi Hendrix... Une plongĂ©e vertigineuse au cĆur du plus grand mystĂšre de lâHistoire du rock ! Format 140 x 230mm 424 pages Prix public 19,90⏠pass MAG NoĂ«l 2021 25 SORTIES NATIONALES 1er CHAPITRE 1 Le singe en lui sâĂ©tait Ă©veillĂ© bien avant quâil ne reprenne conscience. Tapi dans un repli de son hypophyse, il en Ă©tait encore aux manĆuvres dâapproche. BientĂŽt, les mots doux feraient place Ă une plainte sourde puis lancinante et le ma- caque Ă©voluerait vers quelque chose de plus menaçant une chose aux doigts griffus et aux dents acĂ©rĂ©es, qui le laisserait pantelant de sueur aigre sur son lit aux draps chiffonnĂ©s. Grappiller quelques minutes sur le commencement des opĂ©rations Ă©tait lâune de ses derniĂšres distractions. Une sorte de jeu pervers par lequel Jean rythmait ses journĂ©es et entre- tenait lâillusion dâun plaisir qui ne rĂ©sidait plus que dans lâinterruption du cauchemar qui le prĂ©cĂ©dait. Tous les subterfuges Ă©taient bons pour repousser la li- mite contempler jusquâĂ lâĂ©vanouissement les frises entre- lacĂ©es Ă la surface du plafond, se concentrer sur les insectes virtuels Ă la pĂ©riphĂ©rie de sa vision⊠JusquâĂ ces derniĂšres semaines, il parvenait encore Ă lire quelques lignes de la pile de journaux que lâon continuait Ă dĂ©poser sur sa table de nuit, souvenir du temps aujourdâhui rĂ©volu oĂč il Ă©tait programmĂ© pour reprendre lâempire et de- venir, Ă son tour, le Citizen Kane du Maghreb et de lâAfrique de lâOuest. DĂ©sormais, câĂ©tait au-dessus de ses forces lâAmĂ©rique pouvait patauger autant quâelle le voulait dans les riziĂšres vietnamiennes et les nuages sâamonceler dans le ciel du Pakistan. Rien de tout cela nâallumait plus la moindre lueur dans ses neurones fatiguĂ©s. Ă prĂ©sent, le singe possĂ©dait la taille dâun monstre de foire, ses yeux dâĂ©meraude luisaient dans la semi-pĂ©nombre. Ă lâĂ©vidence, la phase amiable des nĂ©gociations Ă©tait sur le point de sâachever. Peu Ă peu, Jean sentait une gangue de douleur lâenvelopper. Un bourdonnement progressif qui vril- lait ses tempes et comprimait ses cĂŽtes. Ses os Ă©taient aussi 26 SORTIES NATIONALES froids que des morceaux de banquise et sa chair plus brĂ»lante que les flammes de lâenfer. Il allongea le bras. Un instant ses doigts sâattardĂšrent sur la face argentĂ©e de Dionysos, puis aprĂšs avoir ouvert lâĂ©crin de bois prĂ©cieux, il en Ă©tala le contenu devant lui, ajusta ce qui devait lâĂȘtre et nettoya les diffĂ©rents ustensiles. Lorsque le mĂ©lange fut prĂȘt, il entortilla un serpent brun autour de son bras gauche. Sous ses dents, le caoutchouc avait un goĂ»t pharmaceu- tique et rassurant. Il sentit Ă peine lâaiguille fouiller sa chair. AprĂšs avoir observĂ© le reflux dâhĂ©moglobine fleurir la se- ringue translucide, il repoussa le piston vers lâavant et se dĂ©- barrassa de lâĂ©treinte du garrot. Une dĂ©ferlante de chaleur sâempara de lui, mais rien de spectaculaire. En ce qui le con- cernait, la corolle orgasmique accompagnant le rush de lâhĂ©- roĂŻne nâĂ©tait quâun lointain souvenir. Dehors, le souffle du vent du nord se calmait peu Ă peu. La mort Ă©tait le cas de figure le plus probable. Pour autant, vivre continuait Ă faire partie de ses prioritĂ©s. Seulement la rĂ©solution de ce paradoxe ne dĂ©pendait plus de lui⊠à la Saint-BarthĂ©lemy des camĂ©s, il y avait eu beaucoup de faux-semblants et dâĂ©crans de fumĂ©e. Dommage quâil ait Ă ce point tardĂ© Ă sâen rendre compte⊠Il ferma les yeux. Quelque part au fond de lui, le singe en fit autant⊠27 SORTIES NATIONALES 28 SORTIES NATIONALES 9 JUILLET InfluencĂ© par Alain Damasio, le scĂ©nario est dense et les scĂšnes d'action sont efficaces. Un vrai coup de cĆur pour cette plume prĂ©cise et fluide ! Paris 2034. Fred est effrayĂ©, lâenfer a frappĂ© Ă sa porte les habita- tions sont vides, les rues sont dĂ©sertes, du sable noir jonche le sol ! Sa femme, ses amis et ses voisins ont disparu. Il est SEUL ! Du moins le croit-il ! PourchassĂ© par des mercenaires, comment survi- vra-t-il dans un univers dont la destruction a Ă©tĂ© pensĂ©e par un scientifique mĂ©galomane ? Fred comprendra-t-il que son passĂ© est Ă lâorigine du cataclysme ? Appartiendra-t-il au cercle restreint des 144 000 humains appelĂ©s Ă reconstruire le monde ? Un thriller post-apocalyptique prĂ©cis et millimĂ©trĂ© ! Une intrigue soutenue par de multiples rĂ©vĂ©lations ! Format 140 x 230mm 464 pages Prix public 19,90⏠pass MAG NoĂ«l 2021 29 SORTIES NATIONALES 1ers CHAPITRES 1 Le lanceur dâalerte Le jour dâavant, 23 h 55. Câest pour cette nuit ! Enfer- mez-vous dans les abris que vous avez construits et nâen sortez surtout pas avant mon signal ! Si par malheur, je ne parvenais pas Ă vous recontacter, laissez passer trois jours avant de mettre le nez dehors. Sans repĂšre naturel, vous risquez de perdre toute notion du temps. Fiez-vous Ă votre horloge biolo- gique ! JusquâĂ prĂ©sent, si vous avez suivi mes conseils vous ne risquez rien. Continuez Ă me faire confiance ! Nous vivons les derniĂšres heures dâun monde que nous verrons disparaĂźtre. LâHistoire est une alternance perpĂ©tuelle de pĂ©riodes plus ou moins difficiles. La guerre, la paix ! La rĂ©cession, la prospĂ©ritĂ© ! La vie et la mort. On nâen sort jamais indemne, rien ne sera ja- mais plus comme avant. Ă bientĂŽt. Je lâespĂšre de tout mon cĆur ! Assis devant lâĂ©cran de son ordinateur, LĂ©onard se de- mande si tout cela a encore un sens. Pris dâun doute, il sâac- corde quelques secondes pour rĂ©flĂ©chir Ă la suite des Ă©vĂšne- ments. DâaprĂšs ses calculs, on est arrivĂ© au stade ultime du processus de destruction nul nâĂ©chappera Ă la tempĂȘte la plus puissante de toute lâHistoire de lâhumanitĂ© ! Avant de relire son texte, il inspire pour se donner du courage, tant il souhaite employer les mots justes. Quand il est certain dâavoir trouvĂ© la formulation adĂ©quate, il poste le message sur la page dâaccueil de son blog avec la sensation Ă©pouvan- table de jeter une bouteille dĂ©risoire Ă la mer. 30 SORTIES NATIONALES 2 PremiĂšres angoisses Le jour dâaprĂšs, 11 h 47. La terre hurle. PerchĂ© au sommet du Grand Canyon, jâentends sa voix. Elle sâĂ©chappe de gorges bĂ©antes qui dĂ©coupent le paysage Ă perte de vue. Un hurlement dâune intensitĂ© sans Ă©gale portĂ© par un vent brĂ»lant qui monte depuis le fond du prĂ©cipice et me glace les sangs. Sans ce cauchemar insensĂ©, jâaurais sans doute pu dormir quelques heures de plus. CalĂ© au fond de mon lit, jâenfouis ma tĂȘte dans lâoreiller. AprĂšs quelques secondes, agacĂ© par une sonnerie lancinante, je me rĂ©sous Ă ouvrir les yeux. Ils baignent dans un brouillard Ă©pais que je tente de chasser par un battement de cils. Le bruit provient de la rue. Il doit sâagir dâune alarme de voiture. Nous sommes au mois de mars. Le soleil nâest pas encore Ă son zĂ©nith. Pourtant, jâai la sensation que la luminositĂ© est aussi forte quâen plein jour â Lucy ! On sâest pas rĂ©veillĂ© ! mâexclamĂ©-je avec un certain dĂ©couragement. Je suis fatiguĂ©. LâidĂ©e de devoir me prĂ©parer en quatriĂšme vitesse ne mâenchante guĂšre. Dâun geste las, ma main balaie en vain les draps Ă la recherche de Lulu. Lulu ? Câest le sur- nom de ma petite femme. Je ne mâinquiĂšte pas de ne pas la trouver comme il fait Ă©tonnamment chaud en cette fin dâhi- ver, elle a dĂ» se dĂ©couvrir dans son sommeil. NĂ©anmoins, lorsque je tourne la tĂȘte pour vĂ©rifier, je suis seul ! Dehors, lâalarme continue de retentir. Elle tourne en boucle comme un refrain insupportable. Je me redresse, jette un Ćil par la fenĂȘtre et maugrĂ©e â Lulu ? Quelle heure est-il ? On est en retard ! 31 SORTIES NATIONALES Comme mon Ă©pouse ne rĂ©pond pas, je me lĂšve, attrape un peignoir Ă la volĂ©e et me dirige vers notre salon plongĂ© dans la pĂ©nombre. Jâappuie sur lâinterrupteur pour vĂ©rifier ce que je soupçonne dĂ©jĂ une panne dâĂ©lectricitĂ© sâajoute Ă la somme de mes contrariĂ©tĂ©s. Ă lâextrĂ©mitĂ© du sĂ©jour, je trouve le disjoncteur et tente de le remettre en marche rien ! Comprenant alors quâil sâagit dâune panne de secteur, je re- tourne Ă tĂątons dans ma chambre en pensant Ă Lucy. Elle a dĂ» partir tĂŽt. Je crois quâelle avait une rĂ©union. Ă vrai dire, je nâen sais rien. Je nâai pas les idĂ©es claires. En passant de- vant la salle de bains, jâaperçois mon visage dans le miroir. Jâai une sale gueule. Mes yeux sont rouges et cernĂ©s. Mal rasĂ©, les cheveux en bataille, jâai du mal Ă me reconnaĂźtre. Je caresse ma barbe naissante, Ă©tonnĂ© quâelle ait autant poussĂ© durant la nuit. Jâai dĂ» oublier de me raser hier matin. Il faut que je tĂ©lĂ©phone Ă Lucy. Au pied de mon lit, je rĂ©cupĂšre mon smartphone. Ă cet instant, je mâaperçois quâil est dĂ©chargĂ©. Levant les yeux au ciel, jâai la dĂ©sagrĂ©able sensation que le sort sâacharne et peste Ă haute voix comme pour le conjurer â Fais chier, merde ! Ayant le sentiment dâavoir trop dormi ou pas assez, jâai besoin dâun cafĂ© pour me rĂ©veiller. Dans le placard de la cui- sine il y a ma trousse de secours ». SpĂ©cialement conçue pour les pannes dâĂ©lectricitĂ©, elle contient mon kit de survie filtre, cafĂ© et briquet. Engourdi par le sommeil, je remplis une casserole dâeau. Jâallume le gaz qui sâenflamme en cou- ronne autour du brĂ»leur et contemple lâamĂ©nagement de mon loft. Ma cuisine sâouvre sur le salon dont les combles ont Ă©tĂ© entiĂšrement dĂ©gagĂ©s. Lâensemble offre une belle hauteur sous faĂźtage. Jâaime particuliĂšrement le cadre en acier de la baie vitrĂ©e qui dĂ©core harmonieusement la piĂšce. Cet endroit mâa toujours invitĂ© Ă la rĂ©flexion. Mais alors que je bois mon cafĂ© et pense Ă remplir la cou- pelle du chat, mon regard se pose au pied du canapĂ©. Aban- donnant ma tasse sur la table, je mâapproche avec une cer- taine apprĂ©hension de ce qui ressemble Ă de la terre. Je mâac- croupis, tends la main et dĂ©couvre une pyramide de quelques 32 SORTIES NATIONALES centimĂštres de hauteur. Ce nâest pas de la terre, mais du sable ! Du sable ? Oui ! Du sable noir comme on en trouve dans les Ăźles volcaniques ! Les yeux Ă©carquillĂ©s, jâen prends une poignĂ©e et relĂšve la tĂȘte pour vĂ©rifier le plafond. Les poutres sont intactes. Aucun interstice ne permet de laisser filtrer la moindre matiĂšre. Du- bitatif, je me mets Ă quatre pattes, me penche et regarde sous le canapĂ© rien ! Dehors, lâalarme continue de retentir. Les grains de sable filent entre mes doigts. Comme au ralenti, je visualise alors les derniĂšres minutes le rĂ©veil, lâabsence de Lucy et cette sonnerie Ă©pouvantable. GagnĂ© par lâanxiĂ©tĂ©, jâinspire profon- dĂ©ment. Face Ă un puzzle qui mâaffole, je nây comprends plus rien ! Calme-toi Fred ! Rassemble tes idĂ©es ! TĂ©lĂ©phone Ă Lucy ! mâintimĂ©-je en mâhabillant en toute hĂąte pour aller emprunter un tĂ©lĂ©phone Ă mon voisin. Ă cet instant, je suis loin dâimaginer ce qui est advenu, ce qui va mâarriver et en- core moins ce qui sâest tramĂ© dans le monde pendant mon sommeil. 33 34 SORTIES NATIONALES 25 AOUT Jâai vingt ans. Mon pĂšre est lâamour de ma vie. Je mâappelle Rubis. Jâai de vilaines pensĂ©es autour de moi les mĂ©chants tombent comme des mouches. Je nâai aucune excuse, je suis nĂ©e dans les beaux quartiers de Paris. Donc, loin de la Vologne et du petit GrĂ©gory. JâĂ©tais heureuse, jâĂ©tais Ă©tudiante Ă Boston. Suite aux attentats du 11 septembre, ma vie a basculĂ© en une se- conde ! Jâai appris lâexistence dâun grand-pĂšre dont ma famille ne mâavait jamais parlĂ© et que mon pĂšre nâĂ©tait pas mon gĂ©niteur ! ExpulsĂ©e des Ătats-Unis en attendant de prouver mon innocence, je suis partie Ă la recherche de mes ori- gines. Jâai dĂ©couvert des secrets familiaux sordides datant de la Seconde Guerre mondiale. On a blessĂ© papa, on mâa fait du mal⊠alors, je me suis vengĂ©e ! Si vous pensez que je suis possĂ©dĂ©e et que cela vous effraie, nâou- vrez pas ce livre jâai le don dâentraĂźner tout le monde dans des histoires de dingues ! DĂšs les premiĂšres lignes, vous lirez jusquâau bout de la nuit ! GeneviĂšve. Libraire. Paris Format 110 x 178mm 464 pages Prix public 9,90⏠pass MAG NoĂ«l 2021 35 SORTIES NATIONALES 1er CHAPITRE 1 Faites entrer lâaccusĂ©e ? Ă vingt ans, on est immortel. Du moins, on le croit. On nâimagine pas avoir quarante ans ni ressembler un jour Ă sa grand-mĂšre. On se lĂšve, on balbutie, on sâendort. Rien ne peut arriver, lâavenir est abs- trait, le futur se borne aux Ă©chĂ©ances immĂ©diates une fĂȘte, un exa- men, un rendez-vous. Notre existence se rĂ©sume Ă lâinstant, on ne se projette pas, on mĂ©morise le passĂ© pour retenir lâessentiel un regard, un baiser, une caresse. Le cĆur battant, le fard aux joues, le souffle court, on sâaffranchit des interdits. On aimerait ĂȘtre plus ĂągĂ©e, grandir plus vite, mais surtout ne pas vieillir. On passe des heures devant un miroir, on se dĂ©teste, on envie la silhouette de sa meilleure ennemie. Puis on franchit le cap qui autorise Ă ĂȘtre de mauvaise humeur cinq jours par mois lâenfance sâĂ©loigne. Notre corps prend forme on part Ă sa dĂ©couverte, seule ou sur les conseils dâune copine. On sâob- serve, et on exĂšcre ce qui est toujours trop ou pas assez. Ensuite, on ne comprend plus rien les parents deviennent stu- pides, sourds, ou aveugles. On pleure dâĂȘtre incomprise, mais on adore ĂȘtre regardĂ©e. Un copain, un voisin, un cousin ? Peu importe, on redevient lâobjet de toutes les attentions. En fait, ce qui prĂ©cĂšde ne vaudrait pas la peine dâĂȘtre exposĂ©, si ma vie nâavait pas basculĂ© en une fraction de seconde. En rĂ©alitĂ©, le terme est impropre. Mon exis- tence nâa pas Ă©tĂ© secouĂ©e par un mouvement de balancier, les murs ne se sont pas lĂ©zardĂ©s. Je ne suis pas passĂ©e de la lumiĂšre Ă lâombre, du bonheur Ă lâincomprĂ©hension, ou du rire aux larmes. Ce fut pire, je nâai rien vu venir. En un instant, la nuit sâest exonĂ©rĂ©e des contraintes du temps, le sol sâest ouvert, la terre mâa engloutie. Sur un mot, une rĂ©primande, ou une lettre anonyme, la haine mâa emportĂ©e. Plus tout Ă fait adolescente ni tout Ă fait femme, je nâĂ©tais pas prĂȘte Ă ĂȘtre cata- pultĂ©e dans un univers oĂč rien ne prĂ©dispose une fille Ă subir ce que lâon mâa infligĂ©. Jâai vingt ans. 36 SORTIES NATIONALES Ătant appelĂ© Ă me juger, votre tĂąche sâannonce pĂ©rilleuse et vous risquez dâĂȘtre déçu je suis banale, ordinaire, dramatiquement quel- conque. Hormis un prĂ©nom dont on mâa affublĂ© Ă une Ă©poque oĂč toutes les filles sâappelaient CĂ©line, AurĂ©lie ou encore Virginie, vous ne dĂ©cĂšlerez chez moi aucune originalitĂ©, aucun traumatisme ni stig- mate qui me disculperaient. Je nâai aucune excuse je suis nĂ©e dans lâun des plus beaux quartiers de Paris. Donc loin de la Vologne et du petit GrĂ©gory. Je nâai pas de circonstances attĂ©nuantes ! Je ne suis pas le produit dâun acte incestueux, dâun plan cul Ă lâarriĂšre dâune voi- ture, ou la consĂ©quence dâune pilule oubliĂ©e. AprĂšs une grossesse difficile, ma mĂšre a mĂȘme renoncĂ© Ă sa carriĂšre pour sâoccuper de moi. Pendant prĂšs de vingt ans, jâai cru ĂȘtre une fille unique dans tous les sens du terme jusquâĂ ce que les flics amĂ©ricains mâimmergent dans les secrets sordides dâune famille dĂ©composĂ©e. Comment en suis -je arrivĂ©e lĂ ? Il est naturel de se poser la question. Jây ai beaucoup rĂ©flĂ©chi, je nâai pas de rĂ©ponse. Jâai disjonctĂ©. Je ne sais pas pourquoi jâai franchi la ligne jaune. Câest comme ça, câest tout ! Pourtant, ma vie Ă©tait belle. Je nâai pas manquĂ© dâamour. En fait, je nâai manquĂ© de rien. Je nâai pas changĂ© de maison un week-end sur deux ni frĂ©quentĂ© un beau-pĂšre, ou la derniĂšre conquĂȘte dâun pĂšre volage. Je ne suis pas tombĂ©e sous lâinfluence dâun type qui mâa entraĂźnĂ©e dans des dĂ©rives sectaires. Je nâĂ©tais pas perdue. Je ne suis pas partie Ă la recherche dâune cause, dâun combat, ou dâun dieu qui aurait souhaitĂ© que lâon sâentretue en son nom. Au contraire, jâai Ă©tĂ© cocoonĂ©e par un couple qui me servait de modĂšle. Mes parents Ă©taient profondĂ©ment Ă©pris. Papa regardait ma- man, et ma mĂšre ne concevait pas un instant sans lui. La maison Ă©tait calme. Je nâai jamais entendu un cri, surpris une attitude Ă©quivoque, ni devinĂ© avoir Ă©tĂ© lâobjet de dissensions. Ils ont toujours parlĂ© dâune voix unique il suffisait que lâun dĂ©cide pour que jâobĂ©isse Ă lâautre. De fait, je ne leur ai posĂ© aucun problĂšme particulier. ClassĂ©e Enfant Intellectuellement PrĂ©coce par lâĂducation Nationale, mes rĂ©sultats ont toujours Ă©tĂ© ceux pour lesquels mon pĂšre mâa formĂ©e. Je suis une Ă©ponge il suffit que jâĂ©coute pour comprendre, il suffit que je lise pour rĂ©citer. MalgrĂ© tout, lâapprentissage fut douloureux. Jâaimais les histoires de princesses, papa rĂȘvait dâavoir un petit mec jusquâĂ ce que mon corps ressemble Ă celui de ma mĂšre, il me surnommait Char- 37 SORTIES NATIONALES lie. Pour voir ses yeux briller, jâai pratiquĂ© la boxe, fait du krav-maga et jouĂ© au foot, mais il ne mâa rien Ă©pargnĂ©. Souvent punie, rarement fĂ©licitĂ©e, je nâai jamais usĂ© de mes charmes comme ces collĂ©giennes qui exacerbent la faiblesse des hommes mĂ»rs pour trouver le papa gĂąteau leur faisant dĂ©faut jâĂ©tais plutĂŽt sage. Alors ? Alors quoi ? Quâauriez-vous fait Ă ma place ? Jâai fait comme toutes les filles qui ne veulent pas dĂ©cevoir leurs parents jâai cachĂ© mes bĂȘtises, dissimulĂ© mes peines, masquĂ© mes larmes. En rĂ©a- litĂ©, jâai appris Ă dire Ă mon pĂšre ce quâil voulait entendre. Il voulait un garçon, jâen ai le caractĂšre. Il voulait un soldat, jâen ai la rĂ©sistance mĂȘme si je suis Ă lâopposĂ© des adolescentes narcissiques qui se dĂ©- couvrent un trouble de la personnalitĂ© limite pour excuser leurs ca- prices de mĂŽme en quĂȘte dâamour filial. Papa rĂȘvant de Polytechnique, du bicorne et du dĂ©filĂ© du 14 juillet sur les Champs-ĂlysĂ©es, mon unique rĂ©bellion fut de choisir Harvard, Boston et la cĂŽte Est des Ătats-Unis. Naturellement, je sais dĂ©sormais quâĂȘtre allĂ©e en AmĂ©rique a Ă©tĂ© un choix funeste. Mais comment de- viner quâun 11 septembre le monde saisi dâeffroi mâentraĂźnerait dans sa chute abyssale ? SincĂšrement, vous saviez ce qui se produirait ce jour-lĂ ? Mon Dieu, comme je peux ĂȘtre naĂŻve vous nâintervenez pas sur Terre pour endiguer les tragĂ©dies, mais pour enregistrer les rĂ©- ponses, jauger du degrĂ© de culpabilitĂ©, et espĂ©rer une rĂ©demption ! Alors dans ce cas, jâavoue ma surprise dâavoir Ă©tĂ© autant impactĂ©e alors que ma gĂ©nĂ©ration espĂ©rait tant dans ce nouveau millĂ©naire. LâInternet venait dâarriver, un vent de libertĂ© soufflait sur la planĂšte, on avait mĂȘme oubliĂ© la suffisance de vos insuffisances. AprĂšs deux mille ans de Guernica, de Shoah et dâHiroshima, nous imaginions un univers enchantĂ© les voitures voleraient dans le ciel, les cimes des arbres tutoieraient les nuages, nul ne mourrait plus de faim, de soif et de chagrin. Je vous Ă©tonne ? Câest normal, vous ne me connaissez pas. Je mâappelle Rubis. Oui, Rubis comme la pierre de joaillerie ! Rubis comme le bijou des rois, des dragons, des chimĂšres. Sâil vous plaĂźt, ne souriez pas Ă lui seul, ce prĂ©nom hors du temps, hors des modes, et hors de tout rĂ©sume mon destin. Selon une lĂ©gende, jâai Ă©tĂ© conçue Ă 38 SORTIES NATIONALES Venise par une nuit de la Saint-Valentin dans la douceur dâune suite de lâhĂŽtel Danieli. Officiellement nĂ©e soixante-trois jours avant terme le 11 septembre 1981, je suis officieusement morte vingt ans plus tard. Je ne suis pas sotte ! Je sais bien que morte ne signifie pas ĂȘtre dĂ©cĂ©dĂ©e. DĂ©cĂ©dĂ©e, je ne le suis pas encore, câest pour bientĂŽt. Vous ne comprenez pas ? Je reprends depuis le dĂ©but. Je suis Rubis Bouviers, avec un s » Ă la fin je dois mon prĂ©nom Ă une mĂšre qui voulait un joyau. Au dĂ©part, elle avait choisi Jade, mais papa espĂ©rait plus brillant. Câest la raison pour laquelle je porte le nom dâune pierre prĂ©cieuse quâil a mise sous cloche jusquâĂ mon dĂ©part aux US. Il mâa choyĂ©e, protĂ©gĂ©e, Ă©duquĂ©e, mais en rĂ©alitĂ© jâĂ©tais en libertĂ© surveillĂ©e. Quand vint le temps des premiers Ă©mois et des seconds aussi, jâai menti. Rien dâimportant des mensonges de nanas ! Des bobards sans consĂ©quence, pour respirer, pour marcher seule. Ne faites pas semblant dâĂȘtre offusquĂ© une ado sans secret ne se construit pas ! En tout cas, mes petits arrangements avec la vĂ©ritĂ© Ă©taient bien innocents par rapport Ă ce que le FBI mâa rĂ©vĂ©lĂ©. Com- ment aurais-je pu imaginer que des parents soient capables de mysti- fier leur enfant Ă ce point ? Ils mâont dĂ©truite ! Jâai cru ne jamais pou- voir mâen relever. Pour avoir trop pleurĂ©, dĂ©sormais mon cĆur est sec. Quand je lâĂ©coute battre, jâai lâimpression de jouer Ă la marelle sur des branches mortes. Pourquoi ? Vous ĂȘtes sĂ©rieux ? Comment cela peut-il vous Ă©ton- ner ? Vous croyez tout savoir, tout maĂźtriser, tout contrĂŽler ? Ă vous, rien nâĂ©chappe ? En ĂȘtes-vous persuadĂ© ? On vous a toujours tout dit ? Soyez honnĂȘte, on ne vous a jamais rien cachĂ© ? Rassurez-vous, je ne suis pas cinglĂ©e ! Je ne suis pas une Illuminati hurlant au com- plot on a marchĂ© sur la lune, Elvis est mort, la Terre est ronde ! Soyons clairs, je nâai jamais pensĂ© que la crucifixion Ă©tait un jeu sexuel entre adultes consentants ayant mal tournĂ© ! Comme toutes les petites filles, je croyais que les papas disent la vĂ©ritĂ© et que les ma- mans ne dissimulent rien ! Jâavais confiance, jâai eu tort, je me suis trompĂ©e ! Sur eux, sur moi ! Quâai-je ressenti ? Ă votre avis ? PassĂ© le temps de la stupĂ©fac- tion, jâai compris que Charlie avait Ă©tĂ© prise pour une imbĂ©cile depuis sa naissance, que Rubis ne serait pas celle quâelle devait devenir, que 39 SORTIES NATIONALES jâavais bossĂ© pour rien ! Lâamertume me submergeant, jâai dĂ©cidĂ© de partir Ă la recherche de mon passĂ©. Puis lorsque jâai dĂ©couvert le cal- vaire de mon pĂšre, je nâai eu de cesse de vouloir chĂątier les crimes impunis. Comme vous le constaterez, jâassume ĂȘtre lâenfant de ChloĂ© et de Paul. ChloĂ©, câest ma mĂšre. Elle a quarante-deux ans. 1m75. Elle est Ă©lancĂ©e. Elle ne paraĂźt pas son Ăąge, elle est belle, elle est brune. DâaprĂšs ce que lâon mâa dit, on se ressemble beaucoup. Elle mâa lĂ©guĂ© une poitrine Ă la rondeur parfaite et lâintensitĂ© de ses yeux verts. Jâai empruntĂ© sa voix rauque, ses doigts effilĂ©s, et la sensualitĂ© de lĂšvres dĂ©licatement charnues. MĂȘme corps, mĂȘme taille je lui pique ses fringues, ses chaussures, ses sacs Ă main. Elle planque sa lingerie, mais elle mâa toujours cou- verte vis-Ă -vis de papa lorsque je laissais traĂźner au pied de mon lit ses body Aubade ou lâun de ses tangas en dentelle de Calais. Si cer- tains ont eu une mĂšre, mais pas de maman, moi jâai eu les deux. Ma- man est ma mĂšre, ce nâest pas ma copine. Une mĂšre dont les mots soulagent, dont le regard rassure, dont les caresses apaisent. Une mĂšre ! Ma mĂšre Ă moi ! Une maman rien quâĂ moi ! Je lui dois beaucoup. Renonçant Ă sa carriĂšre dâanalyste financiĂšre et Ă la possibilitĂ© de travailler avec papa, elle a fait passer ma vie avant la sienne. Longtemps, elle a Ă©tĂ© mon refuge quand mon pĂšre revenait inlassablement sur les dĂ©clinaisons latines, les Ă©quations Ă trois inconnues, ou me saoulait avec Platon. Depuis que je suis Ă Har- vard, elle est ma confidente je lâappelle quasiment chaque jour, mĂȘme si elle reste avant tout lâĂ©pouse de Paul. Paul Bouviers, mon pĂšre ! Paul Bouviers ! Cinquante-huit ans, 1m82, svelte. Des cheveux poivre et sel Ă faire exploser les ventes de dosettes de cafĂ©, des traits dâune finesse insensĂ©e, un timbre de voix irrĂ©sistible. PlutĂŽt rĂ©servĂ©, ses mots et sa capacitĂ© Ă montrer ses Ă©motions sont tellement rares que je me demande comment il a fait pour sĂ©duire maman. Si je lui trouve des dĂ©fauts, il nâa que des qualitĂ©s depuis que jâai ouvert les yeux, je crĂšve littĂ©ralement pour ce mec. Mais la rĂ©ciproque est vraie ! Quand maman a accouchĂ©, papa a refusĂ© de couper le cordon. 40 SORTIES NATIONALES Pour tout vous dire, moi non plus ! Jâai essayĂ©, mais je nây suis ja- mais rĂ©ellement parvenue. Jâai hĂ©ritĂ© de mon pĂšre un esprit aiguisĂ©, un sens de lâhumour par- ticulier, et le goĂ»t de lâeffort. Cependant, il mâa transmis son carac- tĂšre je suis entĂȘtĂ©e, boudeuse et rancuniĂšre. Quâest-ce que lâon a pu se disputer ! Il ne voulait pas cĂ©der, je lui tenais souvent tĂȘte. De vous Ă moi, je crois que ça lui plaisait. Quoi quâil en soit, je lui suis recon- naissante de mâavoir acceptĂ©e. Alors quâil attendait un garçon, il vit arriver une grande prĂ©maturĂ©e, rose comme un cochon, et couverte de poils bruns. NĂ©anmoins entre nous, ce fut fusionnel mon pĂšre a pas- sĂ© la premiĂšre annĂ©e de mon existence Ă veiller sur mon sommeil, maman le retrouvait parfois endormi sur le sol Ă cĂŽtĂ© de mon berceau. Ensuite il a surveillĂ© mes devoirs, puis scrutĂ© mes frĂ©quentations jus- quâĂ ce que je rĂ©ussisse Ă mâenfuir Ă Harvard. Au cours de lâĂ©tĂ©, un homme avait secrĂštement pansĂ© mes blessures, jâavais besoin de par- tir loin, de mâaffranchir, de mĂ»rir. Câest pourquoi jâai crisĂ© lorsque Papa sâest fait durablement muter Ă Wall Street ! New York-Boston, une heure de vol ! Lâimaginant dĂ©jĂ tous les soirs devant la grille du campus, je lâai trĂšs mal pris ! Je lui ai balancĂ© des horreurs Ă la figure. Nous sommes restĂ©s fĂąchĂ©s deux ans, au point de ne pas nous parler. Quand Maman traversait lâAtlantique pour me cĂąliner, papa restait Ă New York. Il lui promettait de mâappeler, je lui jurai de le faire. Mais Ă©duquĂ©e Ă ĂȘtre la plus forte, jâai attendu son appel qui finit par arriver trois jours avant mon vingtiĂšme anniversaire. JâĂ©tais folle de joie, mais je nâai rien laissĂ© paraĂźtre. Pour quelles raisons ? Jâavais lu la dĂ©ception dans ses yeux quand je lui ai lancĂ© entre autres quâil me faisait chier je ne savais pas comment mâexcuser. ImmĂ©diatement aprĂšs, jâai eu envie de le pren- dre dans mes bras, mais jâai eu peur quâil me repousse, car contraire- ment Ă ce que vous pourriez penser, je suis infiniment respectueuse. Dâailleurs jusquâĂ trĂšs rĂ©cemment, mon naturel enjouĂ© faisait lâunani- mitĂ©. Sans me vanter, on me trouve charmante contrairement Ă Paul Bouviers, je suis sociable. Je ne rĂ©serve pas exclusivement mon re- gard, et mes mots Ă ceux que jâaime. Mais Ă©levĂ©e comme un petit 41 SORTIES NATIONALES mec, je suis de surcroĂźt le produit dâune nouvelle gĂ©nĂ©ration. Ne faites pas attention Ă ce que lâon dit quel que soit notre milieu social, que lâon soit une fille ou un garçon quand quelque chose nous em- merde, on nâhĂ©site pas Ă dire que ça nous casse les couilles ! Suis-je allĂ©e jusque-lĂ avec mon pĂšre ? Oui, malheureusement ! Je me suis exprimĂ©e comme ça en juin 1998. Pourtant jâĂ©tais prĂ©venue maman mâavait recommandĂ© de me prĂ©occuper du monde qui mâen- toure. Quand le malheur frappe, on dĂ©plore avoir blessĂ©, ignorĂ©, ou- bliĂ©. Pour ma dĂ©fense, je ne connaissais pas lâenfance de Paul Bou- viers je croyais quâil refusait de voir sa fille sâenvoler. Or pour moi, câĂ©tait vital malgrĂ© les interventions de maman, et les recommanda- tions de Maria, la concierge de notre immeuble, il Ă©tait tellement om- niprĂ©sent. De la maternelle jusquâau bac, il nây eut pas une soirĂ©e sans quâil ne contrĂŽle mes connaissances. Mozart et Tiger Woods, cela vous dit-il quelque chose ? Comme eux, jâai Ă©tĂ© formĂ©e pour performer plus vite, plus haut, plus fort. Entre les cours particuliers et les devoirs de vacances, jâai appris Ă viser plus loin, Ă rĂȘver plus grand, Ă ne jamais relĂącher la pression. Pour moi, Ken nâa jamais Ă©tĂ© le fiancĂ© de Barbie, mais un mot bien utile au Scrabble. Pour ne pas le dĂ©cevoir, vingt fois sur le mĂ©tier je remettais mon ouvrage je de- vais mĂ©riter dâĂȘtre une Bouviers ! ArrĂȘtez de sourire ! Serait-ce la premiĂšre fois que vous rencontrez une fille dingue de son pĂšre parce quâil est le seul homme Ă nâavoir jamais cessĂ© de la regarder ? Pour plaire Ă celui-ci, jâai engrangĂ© les points, collectionnĂ© les bons points, dĂ©multipliĂ© les mentions. Vous imaginez comment jâai pu rĂ©agir trois jours aprĂšs ne pas avoir cĂ©lĂ©brĂ© mon anniversaire quand on mâa dit que jâavais Ă©tĂ© Ă deux doigts de rĂ©ussir. Quelle ex- pression cynique ! Elle ne veut rien dire ! Deux doigts, câest ce qui sĂ©pare le second du premier, le romancier de lâĂ©crivain, le musicien du concertiste. Ce nâest pas une formule, câest une excuse, un regret, un remords ! Et en ces domaines, croyez bien que jâen ai Ă revendre plus que tout autre, car pour me punir on mâa portĂ©e disparue. Je suis morte Ă Boston. Ă moins que ce ne soit Ă New York, ou Ă Washing- ton Je sais simplement que mes rĂȘves se sont envolĂ©s la malĂ©- diction des Bouviers mâa rattrapĂ©e. Que voulez-vous dans notre fa- mille, notre inaptitude au bonheur est malheureusement sĂ©culaire, congĂ©nitale et hĂ©rĂ©ditaire ! 42 SORTIES NATIONALES Veuillez mâexcuser, mais les Ă©toiles pĂąlissent Ă ma fenĂȘtre. Le jour se lĂšve, on va venir me chercher. Je me marie aujourdâhui mal- grĂ© ce qui est arrivĂ©, je ne voulais pas finir vieille fille. On va me pas- ser la bague au doigt et la corde au cou. Sans doute le mĂ©ritĂ©-je ! Je suis toxique la mort rĂŽde autour de moi. Si je vous effraie, ne regar- dez pas la page de droite ! Refermez ce livre avant quâil ne soit trop tard jâai un don particulier pour entraĂźner les autres dans des his- toires de dingues ! Ce nâest pas le journal de Bridget Jones, la complainte dâune femme de quarante ans que son mari a larguĂ©e pour partir avec une jeunette, ou les avatars savoureux dâune Ă©ditrice qui nâaimait pas lire. Peu importe la maniĂšre dont je me fringue, car le diable ne sâhabille pas forcĂ©ment en Prada ma descente aux enfers est Ă©difiante, et elle dĂ©bute le 11 septembre 2001 alors que le soleil se lĂšve sur le Massa- chusetts. 43 SORTIES NATIONALES RENCONTRE Rubis, votre personnage central de La FiancĂ©e du 11 sep- tembre » ne laisse pas indiffĂ©rente. Elle nâa pas sa langue dans sa poche. Brisant le quatriĂšme mur, elle prend le lecteur Ă tĂ©- moin. On lâadore ou on la dĂ©teste. Pourquoi avoir crĂ©e une hĂ©- roĂŻne avec un caractĂšre aussi affirmĂ© ? â Je suis auteur de thriller social, câest-Ă -dire des rĂ©cits dont lâintrigue gĂ©nĂ©rale permet dâĂ©voquer des sujets clivants. Pour aborder des sujets sociĂ©taux essentiels tels que le statut de la femme dans le monde, le respect de toute diffĂ©rence, la pĂ©do- philie, le fanatisme de tout bord, jâavais besoin dâun person- nage qui sâinsurge contre lâinjustice. Rubis a vingt ans. Elle em- ploie les mots dâune gĂ©nĂ©ration qui sâĂ©lĂšve avec une dĂ©termi- nation gĂ©nĂ©reuse contre toute forme de discrimination. Rubis choque, car elle ne recule devant rien. Mais, on lâenvie parce quâelle ose. Elle ose sâĂ©lever contre lâiniquité⊠Elle ose aimer un homme qui a lâĂąge dâĂȘtre son pĂšre⊠Elle ose sâexprimer sans frein⊠mais cela ne lâempĂȘche pas dâĂȘtre sensible, atten- tionnĂ©e et empathique⊠Rubis est la part dâombre que nous avons en nous et que nous nous interdisons de laisser filtrer. Vous nâavez jamais eu envie de dire merde Ă un chef, un voisin ou Ă mĂȘme à ⊠un conjoint ? Vous nâavez jamais poussĂ© un coup de gueule contre lâavanie, le mensonge et lâhypocrisie ? Pour crĂ©er Rubis, votre entourage vous a-t-il inspirĂ© ? â Oui ! Rubis a le caractĂšre de ma fille ! Je ne mâen cache pas et je suis fier de sa libertĂ© de ton qui lui permet dâavancer avec audace dans la vie sans quâon lâemmerde ! Sâexprimer avec conviction ne lâempĂȘche pas dâĂȘtre une jolie personne et une jeune femme magnifique formidablement aimĂ©e par son com- pagnon. Dans La FiancĂ©e », il y a Ă©galement Sarah qui est le pendant raisonnable de Rubis. Pour donner de la consistance Ă ce personnage, je me suis inspirĂ© dâune amie de ma fille qui appartient Ă une communautĂ© religieuse martyrisĂ©e depuis deux millĂ©naires et dont lâhumour est la politesse du dĂ©ses- poir, selon les mots de Chris Maker. Pourquoi le 11 septembre ? â Deux Ă©vĂšnements retransmis en direct Ă la tĂ©lĂ©vision mâont marquĂ©. La premiĂšre fois, câĂ©tait le 20 juillet 1969 quand Ă dix ans, jâai vu un homme marcher sur la Lune. Ce jour-lĂ , je me suis dit quâil ne pouvait plus rien nous arriver de fĂącheux. La 44 SORTIES NATIONALES seconde fois, câĂ©tait le 11 septembre 2001⊠jâai immĂ©diate- ment compris que câĂ©tait foutu ! Ceux qui sont en Ăąge de se souvenir savent ce quâils faisaient ce jour-lĂ ! Je nâai pas oubliĂ© et jây pense frĂ©quemment Pourquoi cet Ă©vĂšnement vous a-t-il autant marquĂ© ? â Au-delĂ du nombre de victimes, câest la mĂ©thode employĂ©e qui mâa profondĂ©ment choquĂ©. Je nâai pas connu la Shoah et la mise en Ćuvre industrielle de la destruction dâun peuple. Certes, je nâignore rien du martyre des ChrĂ©tiens, de la Saint BarthĂ©lemy, des pogroms, des stalags, des gĂ©nocides perpĂ©- trĂ©s par Pol Pot, par les Hutus et par le Tutsis. Mais, je nâai ja- mais compris comment lâHomme avait pu ĂȘtre aussi cruel en- vers son prochain entre 1934 et 1945. En 2001, devant la lo- gistique dĂ©ployĂ©e par Ben Laden, jâai compris que lâacte de pouvoir terrifier nâimporte qui venait de naĂźtre. Alors, jâai voulu dĂ©noncer les 11 septembre » que subissent les femmes, vic- times de violences conjugales⊠des enfants subissant des exactions⊠et plus gĂ©nĂ©ralement de toutes celles et ceux qui ne peuvent vivre sereinement la façon dont ils entendent me- ner leur vie. Quel message entendez-vous faire passer ? â Je ne suis pas un philosophe⊠et encore un donneur de le- çon... Je ne suis quâun petit romancier dĂ©butant. NĂ©anmoins, Ă©crire me permet de mâĂ©lever contre le fanatisme, contre toute forme de violence envers autrui ou encore contre lâhomopho- bie⊠Cela Ă©tant, ĂȘtre publiĂ© mâoffre la chance de mâexprimer en tant que citoyen du monde. Les critiques littĂ©raires soulignent votre aptitude Ă captiver et user de lâhumour. Comment peut-on faire rire avec les at- tentats du 11 septembre ? â Je ne moque pas du drame vĂ©cu par 2 977 personnes et par leurs proches⊠Bien au contraire⊠De mĂȘme, jâai mis en scĂšne un jeune homme de confession musulmane pour lutter contre toute stigmatisation. En revanche, jâutilise lâhumour et les destins croisĂ©s des unes et des autres pour aborder des sujets sĂ©rieux et mĂ©moriels. La rencontre entre Rubis et un couple de rĂ©sistants Ă lâoppression nazie a Ă©tĂ© lâoccasion de rappeler aux jeunes gĂ©nĂ©rations une pĂ©riode dramatique de notre Histoire. Cela Ă©tant, si je suis content de savoir que mon rĂ©cit a diverti, je suis encore plus heureux dâavoir appris que les lectrices et les lecteurs ont apprĂ©ciĂ© lâapproche dâIGB basĂ©e sur la volontĂ© de divertir, dâĂ©mouvoir et de sensibiliser. Les avis Babelio mentionnent que votre rĂ©cit est addictif. Ceci est dĂ» Ă la capacitĂ© de Rubis de se venger par tĂ©lĂ©pathie de ceux qui lui portent ombrage. Aimeriez-vous avoir ce don ? â Pas vous ? Soyez sincĂšre⊠Avant une interro de math, vous nâavez jamais espĂ©rĂ© que votre prof tombe subitement ma- lade ? Le dimanche matin quand votre voisin vous rĂ©veille avec sa perceuse, vous nâavez jamais rĂȘvĂ© quâil sâĂ©lectrocute ? 45 46 SORTIES NATIONALES 23 SEPTEMBRE SĂ©duisante Bretonne au caractĂšre affirmĂ©, SolĂšne Melchior, Ă©levĂ©e au grade de capitaine, mĂšne une carriĂšre remarquĂ©e au 36. Alors que lâorage gronde sur Paris, Vulpescu, un tueur en sĂ©rie quâelle vient dâinterpeller, sâĂ©chappe dâun hĂŽpital psychiatrique en promettant de se venger. Sa hiĂ©rarchie lui refu- sant le droit de traquer le fugitif, SolĂšne enquĂȘte sur lâagression dâAxel Saint- Ambroix, un cĂ©lĂšbre violoniste. ConfrontĂ©e Ă de sordides histoires de cette famille lui rappelant son terrible passĂ©, ses recherches la mĂšnent malgrĂ© elle sur la piste de Vulpescu. Que dĂ©couvrira-t-elle au pĂ©ril de sa vie quand le concertiste lui interprĂ©tera lâair de LâAdieu » en guise de premier opus dâune sĂ©rie dâenquĂȘtes palpitantes ? Quelle pĂ©pite ! Je suis conquise ! Un excellent roman policier ! Claudine. Chroniqueuse littĂ©raire. Lyon Format 140 x 230mm 416 pages Prix public 19,90⏠pass MAG NoĂ«l 2021 47 SORTIES NATIONALES 1er CHAPITRE 1 Avant lâorage SolĂšne le sait, ça risque dâĂȘtre mal interprĂ©tĂ©. Elle nâa pas souhaitĂ© aller Ă lâĂ©glise, entendre le prĂȘtre se lamenter du monde dans lequel nous vivons, oubliant que depuis toujours lâhomme est un loup pour lâhomme. Passant Ă©galement sous silence que selon Sa bible, Adam et Ăve avaient mis au monde deux garçons, et que lâun dâeux Ă©tait le premier assas- sin et lâautre la premiĂšre victime. Non, elle nâa pas voulu Ă©couter tous ces orateurs, amis et collĂšgues se succĂ©der der- riĂšre le lutrin, jurer, main sur le cĆur, que Mathurin Mel- chior Ă©tait lâhomme le plus admirable que la terre nâait ja- mais portĂ©. Omettant, eux aussi, de prĂ©ciser quâil Ă©tait capable de se montrer injuste et mesquin et souvent blessant. Et ça, pour en avoir souvent fait les frais, SolĂšne lui en garde une certaine rancune que mĂȘme sa mort ne peut absoudre. Mathurin nâĂ©tait pas un mauvais homme, mais il pouvait se faire bien des ennemis. Il le revendiquait sans complexe. Pourtant, son oncle nâest pas mort sous les balles ni les coups dâun de ses adversaires, comme elle en voit trop souvent dans son mĂ©- tier. Alors quâil traversait la rue, Mathurin a simplement Ă©tĂ© victime dâun chauffard, ivre, ayant eu la mauvaise idĂ©e de vouloir prendre la fuite. Celui que tout le monde qualifie dĂ©- jĂ dâassassin nâa dĂ» son salut quâĂ lâintervention des gen- darmes lâayant sauvĂ© de la vindicte populaire. Alors non, SolĂšne nâa pas voulu entendre tout ça. Un seul enterrement aurait pu lui permettre de faire son deuil. Celui de ses pa- rents, les vrais, et de Titouan, son jeune frĂšre, tuĂ©s froide- ment sous ses yeux. Mais pour eux, il nây aura jamais de sĂ©- pulture oĂč elle pourrait se recueillir. Depuis, lâimage de leur 48 SORTIES NATIONALES joie de vivre ensemble et le son de leurs voix sâestompent doucement. Seuls lâatroce vision de leur mort et le visage de leur assassin restent profondĂ©ment ancrĂ©s en elle, et hantent bien trop souvent ses nuits. Le plus terrible, câest que pour sa propre sĂ©curitĂ©, elle nâa jamais pu Ă©voquer cela, avec qui- conque. Seuls ses parents adoptifs et sa cousine ChloĂ© ont Ă©tĂ© informĂ©s de cette folle histoire. SolĂšne doit nĂ©anmoins reconnaĂźtre que Mathurin est lâhomme qui lâa recueillie, alors quâĂ douze ans, elle aurait pu se retrouver Ă la DDASS, puis probablement dans une famille dâaccueil. Alors, il lui faut bien lâadmettre, rien que pour ça, cet homme mĂ©ritait un minimum de reconnaissance de sa part. Pourtant, et elle nâen est pas trĂšs fiĂšre, SolĂšne sâest dĂ©brouillĂ©e pour arriver en re- tard Ă la gare de Saint-Brieuc1. Une demi-heure plus tard, un taxi lâa dĂ©posĂ©e alors que la foule recueillie et compatissante sortait de lâĂ©glise de Yffi- niac. Comme elle sây attendait, sa tante Louison, Ă©plorĂ©e, soutenue par sa fille, fond en larmes en la voyant approcher. â Tu es venue quand mĂȘme. Je nây croyais plus ! SolĂšne fait semblant de ne pas relever la perfidie Ă peine dissimulĂ©e de la remarque. â DĂ©solĂ©e, le train a pris deux heures de retard, Ă cause dâun incident sur la ligne. â Le principal, câest quâelle soit lĂ , non ? intervient sĂš- chement sa cousine. Frisant de trĂšs prĂšs la quarantaine, ChloĂ©, contrairement Ă ses parents, a toujours Ă©tĂ© de nature franche et plutĂŽt joviale. Bien que brutale, la mort de son pĂšre ne semble pas lâaffecter particuliĂšrement. Elle est habituĂ©e aux sempiternelles jĂ©rĂ©- miades de sa mĂšre et sâest rarement privĂ©e de lui faire com- prendre que cela la saoulait. Mais ChloĂ© le sait, ce nâest pas le jour ni le lieu dâĂ©taler ses Ă©tats dâĂąme. Quant Ă SolĂšne, si elle est reconnaissante envers son oncle et sa tante, elle nâa jamais senti la moindre preuve dâaffec- tion dans cette famille. Et on ne sâembarrassait mĂȘme pas de faire semblant. Au moins, cela lui a Ă©pargnĂ© des relents lar- moyants sur la disparition de ses parents Vincent et Ălise. 49 SORTIES NATIONALES Leur discrĂ©tion Ă ce sujet, au moins celui-ci, a toujours Ă©tĂ© exemplaire. Câest tout juste sâils ont dĂ©jĂ prononcĂ© le prĂ©- nom de Titouan. Il faut aussi leur concĂ©der quâils nâavaient guĂšre eu lâoccasion de les voir depuis leur dĂ©part en voilier. PĂ©riple quâils estimaient stupide et dangereux. Le drame qui sâensuivit Ă©tait forcĂ©ment la preuve que Mathurin et Louison avaient raison. Le juge des affaires familiales leur ayant con- seillĂ© lâadoption plĂ©niĂšre de leur niĂšce, SolĂšne adopta leur patronyme ; Melchior. Ce nom lui sembla si prometteur, quâelle sây rĂ©fugia et finit par lâintĂ©grer pleinement. MĂȘme sâil lui est impossible dâoublier lâautre, le vrai. Autour des trois femmes, le recueillement se fait un peu moins discret. Certains se congratulent, dĂ©solĂ©s nĂ©anmoins de se retrouver dans de telles circonstances. Quelques-uns lorgnent avec envie en direction du bar lâAngĂ©lus oĂč ils pourraient poursuivre leur conversation. AprĂšs tout, ce Ma- thurin Melchior, ce nâĂ©tait quâun cousin Ă©loignĂ© et ils nâĂ©taient pas en si bons termes que cela pour quâils fassent lâeffort dâaller jusquâau cimetiĂšre de Saint-Ilan. Quelques- uns sont venus Ă pied jusquâĂ lâĂ©glise et, faire trois kilo- mĂštres par cette chaleur, ne leur semble guĂšre envisageable. SolĂšne aide sa tante Ă sâinstaller sur les siĂšges Ă lâarriĂšre du corbillard avec ChloĂ©. Celle-ci lui tend un trousseau de clĂ©s et lui dĂ©signe sa voiture. â Câest la Clio bleue de lâagence. Tu peux nous suivre, sâil te plaĂźt ? Aussi discrĂštement que possible, SolĂšne sâinsĂšre dans le convoi funĂ©raire longeant la grĂšve jusquâĂ un cimetiĂšre isolĂ© en pleine nature. Les feuilles des marronniers jaunies et flĂ©- tries font elles aussi une tĂȘte dâenterrement. Toute la nature environnante semble souffrir de cette chaleur hors normes, pour la rĂ©gion. Finalement, il nây a guĂšre plus dâune quin- zaine de personnes Ă avoir fait le dĂ©placement. PressĂ© dâen finir et de regagner la relative fraĂźcheur de son Ă©glise, le prĂȘtre se fend nĂ©anmoins dâune courte bĂ©nĂ©diction devant la biĂšre croulant sous des couronnes et des gerbes de fleurs sa- crifiĂ©es pour lâoccasion. AprĂšs la descente au tombeau, sous 50
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